Africa-Press – Guinee Equatoriale. Prévu dans l’accord de Paris, le “bilan global” est un passage obligé de la lutte contre le changement climatique. Les États signataires de l’accord de Paris ont pour obligation de remettre un état des lieux de leurs politiques nationales en matière de lutte climatique : objectifs de réduction des gaz à effet de serre, adaptation des secteurs économiques au changement climatique, financements. La convention onusienne sur le climat remplit un rôle de secrétariat où les contributions sont remises pour examiner si le document répond bien aux exigences techniques négociées lors de toutes les réunions annuelles de négociations (les COP) depuis 2015 et la COP21. La date limite des dépôts pour ce bilan global était fixée au 25 septembre dernier. C’est donc la version la plus à jour des promesses effectuées par les gouvernements.
Sans surprise, les objectifs annoncés ne sont pas suffisants pour résoudre la question climatique. Les bilans carbone des États font état d’un total global d’émissions de gaz à effet de serre de 53,2 milliards de tonnes (hors émissions dues à la conversion des terres et à la déforestation) en 2025, année de départ des comptes climatiques des États et de leurs progrès ou reculs, soit 1% de plus qu’en 2019. L’humanité ne sera donc toujours pas dans la pente descendante des émissions. Plus inquiétant, si les objectifs sont bien remplis, les émissions ne seront en baisse en 2030 que de 5,3% par rapport à 2019. Si cela signifie que le pic de consommation des énergies fossiles sera bien atteint entre 2025 et 2030, les efforts ne sont vraiment pas à la hauteur de ce qu’en attendent les scientifiques du groupe d’experts intergouvernemental d’étude du climat (Giec). Dans leur sixième rapport d’évaluation remis en 2022, les climatologues estiment que la baisse des émissions doit être d’au moins 43% en 2030 par rapport à 2019 pour espérer maintenir la hausse des températures autour de 1,5°C comme l’espère l’accord de Paris.
En 2032, la hausse des températures devrait atteindre les 1,5°C
“Le rapport d’aujourd’hui montre que l’ensemble des gouvernements font des petits pas pour résoudre la crise climatique, tance Simon Stiell, le secrétaire exécutif de la Convention onusienne sur le climat dans le communiqué de l’institution. Cela signifie que la COP28 [prochaine étape de négociation à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre prochain ] doit être un tournant clair. Les gouvernements ne doivent pas seulement adopter des actions plus fortes, ils doivent aussi commencer à montrer exactement comment ils comptent les mettre en œuvre.” La différence entre ce que la réduction que le Giec estime nécessaire pour les 1,5°C et ce que disent les contributions est de 15 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions du premier émetteur mondial, la Chine. Si l’on prend l’autre indicateur qui est le “budget carbone”, c’est-à-dire la quantité de CO2 que l’humanité peut encore émettre pour rester dans les limites du 1,5°C de hausse, le niveau actuel des contributions signifie que 83% de ce budget sera consommé en 2030, ne laissant que 70 milliards de tonnes, soit à peine deux ans d’émissions. En 2032, les 1,5°C devraient donc être dépassés.
Les règles du jeu issues de milliers d’heures de négociations depuis 2015 ont semble-t-il été respectées par les États. 95% des contributions “ont fourni les informations nécessaires pour faciliter la clarté, la transparence et la compréhension de leur contribution en accord avec les règles édictées par les COP”, note le rapport onusien. Cette précision est importante. La mise en application de l’accord de Paris ne peut en effet tenir que si tous les partenaires donnent les vraies données sur leurs émissions par secteur et acceptent que l’ONU les contrôle avec des vérificateurs assermentés pour que dans les années qui viennent la Convention climat puisse mesurer les progrès accomplis avec un degré de précision qui permette d’établir la trajectoire mondiale de réduction des émissions. De même, 94% des pays ont fourni des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Des promesses qu’il faudra désormais tenir
Autre information intéressante : 77% des États envisagent d’utiliser les échanges volontaires de crédit carbone entre États. L’accord de Paris permet en effet aux États qui outrepasseraient leurs objectifs d’émissions d’acheter auprès de pays possédant de vastes puits forestiers de carbone des compensations en finançant la protection de ces écosystèmes capteurs de CO2. En 2020, la Suisse a signé un tel accord de compensation carbone avec le Ghana, comptant sur l’outil pour remplir son engagement de réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre dès 2030. Les Émirats arabes unis ont fait de même avec le Liberia. Les règles ne sont pas vraiment établies et doivent faire l’objet de négociations à la COP28. De plus, le marché privé de la compensation volontaire — le paiement d’une somme pour compenser les émissions d’un voyage en avion par exemple — ne semble pas remplir ses promesses.
La Convention pour le climat publie également un second rapport portant sur les stratégies de développement à long terme, généralement à l’horizon 2050. Ce sont principalement des pays développés et très émetteurs qui ont fourni ces trajectoires devant les mener à “zéro émission nette” entre 2050 (pour l’Union européenne ou les États-Unis par exemple) et 2060 (pour la Chine et l’Inde). Ces stratégies de long terme concernent 75 gouvernements représentant 87% du PIB mondial et 77% des émissions de gaz à effet de serre. La convention note donc qu’il s’agit d’un signal fort que l’humanité vise bien la sortie des énergies fossiles pour le milieu du siècle. Mais se fend malgré tout d’une note sceptique. “De nombreux objectifs vers le net-zéro restent incertains et retardent vers un futur lointain des actions urgentes qui doivent être mises en œuvre maintenant.”
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