Mandimbisoa R.
Africa-Press – Madagascar. Après Toamasina au mois d’avril, c’est au tour de Toliara d’accueillir le conseil des ministres délocalisé mercredi prochain. Andry Rajoelina est ainsi attendu dans la région alors que le grand sud est en pleine ébullition sociale en raison de l’opposition croissante au projet d’exploitation minière Base Toliara.
La colère gronde depuis plusieurs années contre ce projet visant à exploiter les terres rares, notamment le monazite, sur les terres de Toliara. Associations locales, organisations de la société civile, responsables religieux et citoyens dénoncent un projet aux conséquences sanitaires et environnementales potentiellement désastreuses, et dont les retombées économiques pour la population locale restent floues, voire insignifiantes. De son côté, Andry Rajoelina essaie de rassurer l’opinion sur les normes qui seront mises en place dans le cadre de l’exploitation de Base Toliara. Deux à quatre projets miniers comme Base Toliara contribueront non seulement à sortir Madagascar de la pauvreté mais propulseront également la Grande île parmi les pays puissants, insiste le président lors de son allocution à télévision nationale il y a une semaine.
Dans cette affaire de contestation contre Base Toliara, Andry Rajoelina, a désigné un bouc émissaire en la personne de Siteny Randrianasoloniako, député originaire de la région, qu’il accuse d’alimenter la contestation à des fins politiques. Une accusation qui n’éteint en rien les inquiétudes légitimes exprimées sur le terrain, où le rejet du projet dépasse largement les clivages partisans.
Le pasteur Maihol, ancien candidat à l’élection présidentielle de 2018, a récemment jeté un pavé dans la mare en affirmant que l’État malgache ne percevrait qu’un maigre 1 % des bénéfices issus des projets miniers exploités par des sociétés étrangères. Une part dérisoire, qui alimente le sentiment d’injustice et de spoliation dans une région déjà marginalisée économiquement et structurellement.
L’exemple d’Ambatovy revient souvent dans les débats. Le député d’opposition Fidèle Razara Pierre a mis en garde contre les illusions d’un quelconque « emploi local ». Selon lui, à l’instar de ce qui s’est passé à Ambatovy, où seule une fraction de la population locale a été recrutée malgré un niveau d’éducation plus élevé que celui de Toliara, la promesse d’emploi ne sera qu’un mirage. « La population de Toliara n’aura ni les qualifications, ni l’accès à ces emplois, même subalternes. »
Dans ce contexte tendu, la tenue d’un conseil des ministres à Toliara peut-elle réellement apaiser les tensions? Pour beaucoup, elle ressemble davantage à une opération de communication qu’à une volonté sincère d’écoute. « On vient nous parler de développement, mais sans nous. On vient décider pour nous, sans nous consulter », déplore un représentant local d’une association environnementale.
Le pouvoir central semble vouloir imposer son projet sous couvert d’intérêt national. Mais à quel prix? En l’état, la fracture entre Antananarivo et Toliara se creuse dangereusement. Et ce n’est pas une réunion gouvernementale décentralisée, aussi solennelle soit-elle, qui suffira à refermer les plaies ouvertes par l’exploitation des ressources sans justice ni transparence.
Source: Madagascar-Tribune.com
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