Ikala Paingotra
Africa-Press – Madagascar. Cette semaine a marqué seize ans d’une série de tristes anniversaires pour Madagascar. 16 mars 2009: attaque du palais présidentiel d’Ambohitsorohitra. 17 mars 2009: réussite du coup d’Etat avec la fuite en exil de Marc Ravalomanana. 18 mars 2009: la Haute cour constitutionnelle valide le coup d’État. 21 mars 2009: Andry Rajoelina est investi en grandes pompes comme président de la Haute autorité de transition pour un mandat qu’il reconnait lui-même comme étant officieux et illégal, du moins si l’on interprète ce qu’il a dit le 5 mars dernier à Toliara.
Andry Rajoelina a en effet effectué une déclaration bizarre il y a quelques semaines dans le Sud malgache: son mandat actuel entamé en 2024 n’est que son deuxième quinquennat, car seul celui de 2019 à 2024 était selon ses propres termes « officiel et légal ». Il faut être un champion pour sortir de telles choses, mais reste à savoir champion de quoi. En tous cas, au moins il reconnaît enfin publiquement l’illégalité de son quinquennat 2009-2013, obtenu à la suite d’un coup d’état. Il ne lui reste plus qu’à admettre que ses 12 ans à la tête du pays sont l’explication de son état calamiteux.
Rappelons les trois principaux chevaux de bataille utilisés par Andry Rajoelina pour justifier son coup d’État de 2009: démocratie et lutte contre la dictature, bonne gouvernance et lutte contre la corruption, et enfin lutte contre la gabegie dans la gestion des finances publiques. Emprisonnements d’opposants, exonérations de Tiko, rumeur de ventes de terrain à la multinationale coréenne Daewoo, achat d’un nouvel avion présidentiel: voilà quelques exemples de ce qui étaient à l’époque des motifs de colère légitime.
Mais aujourd’hui, après 16 ans de pouvoir, on peut aussi se poser des questions légitimes. En 2025, n’y a-t-il pas une clique qui profite de ses accointances avec le pouvoir pour bénéficier éhontément d’avantages économiques ? En 2025, n’y a-t-il pas d’arrestations basées sur des motivations politiques ? En 2025, les élections sont-elles devenues fiables et transparentes ? En 2025, n’y a-t-il pas de gaspillage d’argent public dans des projets de conception stupide, alors qu’il y a tant de priorités ? Et au fait, où en est-on du projet de location de 60.000 hectares à la société Elite Agro, concocté depuis 2020 ?
Finalement, il n’y a donc pas grand chose qui a changé dans les pratiques que Rajoelina prétendait combattre. Le peu qui a changé a changé en pire, car les dirigeants actuels ne s’embarrassent plus d’aucun scrupule dans aucun domaine. Romy Voos ou Imbiky Herilaza ne sont que quelques-uns de tous les mots-clés possibles pour catégoriser le régime actuel. Les statistiques se suivent et se ressemblent pour souligner la descente aux enfers de Madagascar, 16 ans après le coup d’État de 2009.
Selon la Banque mondiale, le PIB par habitant de Madagascar était de $512 en 2008, et il a baissé pour être actuellement à $506.
Selon le classement de Reporters sans frontières, Madagascar était à la 94ème place du classement pour la liberté de la presse en 2009, et a chuté pour être en 2024 à la 100ème place.
Selon Freedom House, la note de libertés civiles de Madagascar était de 3 en 2009, et est descendu à 4 en 2023, la pire note possible étant 7.
Le Liberal democracy index du projet V-Dem était de 0,27 en 2008, et il est descendu à 0,22 en 2024.
L’indice de perception de la corruption de Madagascar le plaçait à la 88ème place en 2008, et le pays a dégringolé à la 140ème place en 2024.
L’inauguration de la Place de la démocratie n’a pas fait de Madagascar un pays démocratique. La ceinture noire 6ème dan mora n’a pas fait de Rajoelina un chef d’État fort et performant. Les innombrables titres de champion sont à l’image des bidons jaunes de notre vie quotidienne, et n’ont même pas donné à Madagascar la crédibilité pour installer un des siens à la tête de la Commission de l’Union africaine. Finalement, 16 ans après, la gestion du pays est à l’image de stade Barea où du CVO: beaucoup de bruit pour rien, car sans homologation par rapport aux normes internationales. Tant de werawera valait-il un coup d’État, dont nous continuons jusqu’à présent à payer la lourde facture sur tous les plans, de la politique à l’économie, en passant par le social et le civisme ?
On ne peut toutefois pas en vouloir à Andry Rajoelina de penser que 3 quinquennats font 10 ans. Depuis le fameux « 13 +6 = 18 mois », on connaît les compétences en arithmétique du monsieur. Il est toutefois vrai qu’il y a un classement dans lequel il a pu briller comme un borgne au milieu des aveugles: le titre farfelu de meilleur leader africain de 2025, octroyé par l’obscur African leadership magazine. Mais même dans ce domaine, ce canard avait déja primé Marc Ravalomanana huit ans avant lui comme homme de l’année en 2017pour son leadership politique. Finalement, malgré ses fanfaronnades sur France 24 en 2009, Rajoelina est sur tous les plans « plus nul que Ravalomanana ».
Source: Madagascar-Tribune.com
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