Crisis politique en Afrique de l’Ouest: Tensions en Sierra Leone et Guinée-Bissau

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Crisis politique en Afrique de l’Ouest: Tensions en Sierra Leone et Guinée-Bissau
Crisis politique en Afrique de l’Ouest: Tensions en Sierra Leone et Guinée-Bissau

Africa-Press – Madagascar. La région ouest-africaine est confrontée à une accumulation de crises politiques et institutionnelles, au-delà des pays du Sahel. Gilles Yabi alerte sur les tensions politiques en Sierra Leone et aussi en Guinée-Bissau.

Les chefs d’État de la Cédéao qui se sont réunis à Abuja le 10 décembre avaient sur la table le casse-tête du Niger et les transitions à durée indéterminée du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée. Cela faisait déjà beaucoup de dossiers pour une Cédéao dépassée par les événements politiques de ces dernières années.

Mais il a fallu ajouter la Sierra Leone où une attaque matinale surprise le 26 novembre dernier a coûté la vie à au moins 21 personnes, majoritairement des militaires. Les autorités de Freetown ont qualifié cette attaque d’un camp militaire de tentative de coup d’État. Quatre-vingts personnes ont été arrêtées. L’ancien président Ernest Baï Koroma, désormais considéré comme suspect, a été assigné à résidence.

Cela témoigne de tensions politiques et sécuritaires sérieuses, quelques mois après une élection présidentielle en juin dernier dont la sincérité des résultats n’avait pas convaincu tous les observateurs. L’attaque du 26 novembre ne peut pas être dissociée de l’existence de ressentiments forts au lendemain de la réélection controversée dès le premier tour du président Julius Maada Bio.

La Guinée-Bissau s’est aussi invitée à la table du sommet de la Cédéao depuis les affrontements entre des éléments de la Garde nationale et des forces spéciales de la Garde présidentielle le 1er décembre et l’évocation d’une tentative de coup d’État par le président Umaro Sissoko Embalo.

Le président Embalo a sans doute tenté de convaincre ses pairs qu’il a été victime d’une tentative de coup d’État et qu’il ne pouvait que prendre des mesures exceptionnelles, comme celle de dissoudre l’Assemblée nationale. C’est en effet ce qu’il a fait le 5 décembre : dissoudre le parlement présidé par son adversaire politique principal, Domigos Simões Pereira, leader du parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). En juin dernier, c’est la coalition menée par le PAIGC qui avait nettement gagné les élections législatives avec 54 sièges contre 29 pour le Madem G15, la famille politique du président Embalo.

L’article 94 de la constitution de Guinée-Bissau interdit toute dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la république dans les douze mois suivant des élections législatives. La décision du président Embalo est donc une violation flagrante de la constitution. Le président déroule de fait une reprise en main du pouvoir politique, après la défaite de son parti lors des élections législatives. Cela ressemble beaucoup à un coup de force.

En avril 2010, au lendemain d’une énième crise politique et sécuritaire dans ce pays, vous aviez écrit l’article « Aider la Guinée-Bissau sans relâche et sans condescendance ». Rien n’a changé, 13 ans plus tard, le pays tourne toujours en rond.

Oui, dans cet article, je parlais d’une « suite malheureuse d’opportunités manquées dans un pays qui semble incapable de sortir d’un cercle vicieux où l’instabilité politique, les violences soudaines, l’impunité garantie aux soldats, la faiblesse de la classe politique, la corruption d’une partie des élites par l’argent facile d’où qu’il vienne, le sous-développement de l’économie, l’anémie des finances publiques et l’appauvrissement de populations résignées se nourrissent les uns des autres ».

On en est exactement au même point aujourd’hui. Avec entre-temps l’ascension politique de la personnalité d’Umaru Sissoko Embalo, victorieux inattendu de l’élection présidentielle de décembre 2019. Les pourfendeurs de la démocratie dans son essence, nombreux et populaires en ce moment, expliqueront sans doute que les crises politiques récurrentes en Guinée-Bissau sont le résultat du modèle constitutionnel importé du Portugal, de son inadaptation au contexte local. Il y a certes beaucoup de choses à corriger dans la constitution actuelle de Guinée-Bissau et des propositions précises ont déjà été faites lors de travaux antérieurs par des think tanks, des experts et des commissions dédiées.

Mais il faut peut-être reconnaître que la combinaison de la ruse et de la force, l’absence de limites dans les coups tordus, au cœur des pratiques de dirigeants parfaitement conscients des conséquences de leurs actes, est ce qui détruit toute lueur d’espoir en Guinée-Bissau comme dans d’autres pays de la région. Dans la majorité des pays d’Afrique de l’Ouest, nous faisons face à une crise éthique profonde du leadership politique.

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