Rétrocession des ÎLes Éparses: entre RêVe et Pragmatisme

5
Rétrocession des ÎLes Éparses: entre RêVe et Pragmatisme
Rétrocession des ÎLes Éparses: entre RêVe et Pragmatisme

Ikala Paingotra

Africa-Press – Madagascar. Aujourd’hui les regards se tourneront vers Paris, où se déroulera le second round des discussions autour des îles éparses. Sous la conduite de la ministre des Affaires étrangères Rafaravavitafika Rasata, la délégation malgache est composée de sept personnalités ayant pour la plupart un profil d’expertise élevée dans les domaines concernés (voir photo d’illustration). Sans doute seule la présence de la sénatrice Rakotondrazafy laisse perplexe, eu égard au fait que sa capacité à parler avec pondération sur la base d’un raisonnement structuré reste à démontrer. Or, c’est ce comportement qui est d’abord requis dans des négociations diplomatiques de haut niveau, et non une thèse en préparation sur le sujet.

De nombreux experts se sont exprimé durant les derniers jours pour appeler la délégation malgache à ne pas transiger sur la souveraineté non négociable de Madagascar sur ces quatre îles. À la veille de cette journée, la société civile malgache a fait un mouvement méritoire pour exprimer d’une même voix une position dans ce sens signée par 890 organisations. Certaines voix appellent à une union nationale dans ce combat pour soutenir Andry Rajoelina.

Se baser sur la résolution 34/91 du 12 décembre 1979 de l’ONU est certes d’abord un positionnement juridique tenant en compte le droit international. Mais c’est aussi un positionnement idéologique de lutte anti-coloniale qui ne tient pas nécessairement compte du pragmatisme dans l’analyse d’un problème aussi complexe. Si ce n’était qu’une question de Droit international, on n’en serait pas toujours là depuis 1979, ou même depuis la fameuse conférence de presse à Paris en 2019, au cours de laquelle Rajoelina avait annoncé unilatéralement un délai d’un an pour boucler ce dossier sous les yeux éberlués du Président Macron.

Accepter la noblesse du combat pour exiger le retour de ces îles éparses est une chose, mais croire qu’un régime dirigé par Rajoelina est capable de nous faire avancer dans ce sens en est une autre. Il y a quelques mois, nous avions déjà fait état de notre conviction quant à nos doutes sur la sincérité du citoyen français Andry Rajoelina au sujet de la demande de rétrocession des îles éparses. Nous avions également mentionné les contraintes de politique interne en France qui réduisent fortement la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron, soucieux de ne pas offrir au Rassemblement national un argumentaire de premier choix à quelques encablures de la présidentielle de 2027. Il est donc fort à parier que le chef de l’État français va refiler la patate chaude à son successeur. Le contexte géopolitique actuel permet de rechercher des alliances avec la Russie ou la Chine pour faire plier la France, d’autant plus que les perspectives de réserves énergétiques qui seraient dans les eaux des Îles éparses pourraient attirer les convoitises de ces puissances. Mais on doute fort que de telles alliances puissent se mettre en place dans l’immédiat, d’autant plus que les Russes et le Chinois ont d’autres chats prioritaires à fouetter.

Trois scenarii peuvent donc se présenter à l’issue de cette journée du 30 juin 2025.

Le premier est la décision de rétrocession, immédiate ou avec un délai plus ou moins long (comme celui de 99 ans pour la rétrocession de Hong-Kong à la Chine). Le récent succès de l’île Maurice à obtenir la rétrocession de l’archipel des Chagos fait rêver les Malgaches. Mais nous ne devons pas oublier que le Royaume Uni n’est pas la France ; la méthode mauricienne est basée sur la rigueur et le Droit ; et l’île Maurice n’est pas dirigée par un citoyen britannique. Autant d’explications d’un dossier bouclé en moins de dix ans, alors que Madagascar ne fait que des salamalecs avec la France depuis 46 ans.

La deuxième est une décision de co-gestion. La présence de plusieurs experts dans le domaine de l’environnement semble indiquer que ce point pourrait être à l’ordre du jour. On s’interroge toutefois sur la contribution que pourrait apporter Madagascar à la gestion de ces îles, quand on constate les difficultés du pays à gérer ce qui est déjà sur son territoire actuel, et même en plein cœur de la Capitale. De toutes manières, la cogestion ne serait acceptable pour les Malgaches que si la souveraineté malgache est d’abord actée comme prémisse, ce qui est loin d’être évident pour les raisons évoquées plus haut.

Enfin, la troisième possibilité est que la réunion aboutisse sur un accord pour continuer les discussions, ou pour porter l’affaire devant la Cour internationale de justice. Cela permet de botter provisoirement en touche, et les communicants des deux parties s’évertueront à démontrer que la réunion du 30 juin 2025 était une grande avancée pour les intérêts de leur pays.

Plus que les déclarations des membres de la délégation malgache, dont on connait la propension à la propagande, on attendra donc le communiqué officiel conjoint pour voir si de réelles avancées ont été faites sur le sujet, ou si la montagne va accoucher comme d’habitude d’une souris à la sauce velirano.

Source: Madagascar-Tribune.com

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Madagascar, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here