Doute et espoir autour du nouveau Code Minier

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Doute et espoir autour du nouveau Code Minier
Doute et espoir autour du nouveau Code Minier

Africa-Press – Madagascar. Vendredi 12 mai, le projet de loi portant révision du Code minier à Madagascar a été adopté au niveau de l’Assemblée Nationale malgache lors d’une session plénière. D’après les informations émanant de la chambre basse, 41 sur les 434 articles du projet de loi ont fait l’objet d’amendements. Le Sénat a, à son tour, validé le texte le lundi 21 Mai dernier avec des amendements supplémentaires.

Plusieurs points notamment ceux liés aux redevances et ristournes ont particulièrement été eu cœur des débats. Une nouvelle page qui se tourne donc puisque la dernière révision du Code Minier à Madagascar remonte à près d’une vingtaine d’années, précisément en 2005. Ce nouveau code ravive ainsi l’espoir de voir (enfin) le secteur minier sortir du gouffre.

Au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue le lundi 15 mai dernier, le Ministre des Mines et des Ressources stratégiques, Rakotomalala Olivier donne le ton. « Ce nouveau code minier valorise davantage des collectivités décentralisées auxquelles revient le rôle de contrôler les activités minières au niveau local ainsi que de prendre part dans la définition des responsabilités sociales des sociétés minières », indique-t-il.

Parmi les changements majeurs dans ce nouveau code minier figurent la révision à la hausse du taux de redevance et ristourne qui passe de 2% à 5% (dont la répartition est de 3% pour l’Etat central et 2% pour les collectivités), la réduction à 25 ans renouvelable une fois pour 15 ans (contre 40 ans renouvelable pour 20 ans auparavant) la durée de validité d’un permis d’exploitation, la diminution de moitié de la surface autorisée pour tout type d’exploitation, entre autres.

Des avis mitigés

Du côté des exploitants et des opérateurs miniers, les avis sont mitigés. Dans une interview exclusive, un exploitant qui veut garder l’anonymat confie à Anadolu « nous n’avons pas d’attentes particulières par rapport à ce nouveau code minier, nous voulons juste que le processus suit son cours de telle sorte que la délivrance de permis miniers puisse enfin se débloquer. Après, nous pouvons adresser des revendications pour défendre notre cause ».

Comme lui, plusieurs exploitants se plaignent de la suspension de la délivrance des permis miniers. Il en est de même pour le renouvellement de ces documents qui a contraints de nombreux exploitants à arrêter temporairement leurs activités minières. « Force est de constater que nous relevons plus d’inconvénients que d’avantages mais on verra », se résigne ce même exploitant.

Interrogé sur les enjeux de ce nouveau code minier, le Secrétaire Exécutif de la Chambre des Mines, Willy Ranjatoelina revient, également, sur la suspension de délivrance de permis miniers qui a été pénalisante à plus d’un titre. « L’image de Madagascar comme pays de destination d’investissements internationaux a été un peu ternie depuis le début de la Transition. En 2010, le gouvernement a suspendu le traitement de permis miniers. En principe, il n’y officiellement avait donc pas d’octroi, de renouvellement, de transformation de permis miniers depuis cette date. Mais on sait qu’il y a quand même eu des permis qui ont été octroyés, on ne sait pas sur quelle base ni sur quel critère », confie-t-il.

D’ailleurs, il souligne que cette suspension n’a toujours pas été officiellement levée jusqu’à aujourd’hui alors que les autres secteurs comme la télécommunication ou la pêche sont revenus à la normale depuis le retour à l’ordre constitutionnel du pays, à la suite des élections présidentielles en 2013.

Débloquer le « statu quo »

« Avec ce nouveau code minier, est-ce qu’on arrivera à lever le gel ? », s’interroge ce membre de la Chambres des Mines qui craint le prolongement d’une situation illégale si jamais le statu quo est maintenu. En effet, une simple note gouvernementale a suffi pour suspendre l’application du code minier à l’époque. Ce genre de disposition n’est pourtant inscrit dans aucun texte. Par conséquent, bien qu’il y ait eu beaucoup de projets qui ont pu se concrétiser, seulement deux exploitations minières de grande envergure (QMM et Ambatovy) ont pu se mettre en place. Il suggère donc que la levée du gel de permis miniers devrait être une priorité car selon lui « c’est bien beau d’avoir un cadre légal (…) mais s’il n’y a pas de volonté d’appliquer la loi de façon stricte, cela ne sert à rien ». Après adoption du texte au niveau des deux chambres du Parlement, il préconise également que les décrets d’application y afférents soit pris le plus rapidement possible.

Pour sa part, Zafindravita Gilbert, Ingénieur géologue et non moins Responsable des bases de données à la Direction géologie, auprès du Ministère des Mines et des Ressources Stratégiques se montre optimiste par rapport au nouveau Code minier. Il se réjouit particulièrement de la hausse du taux de redevances et ristournes. « Ceux qui souhaitent investir dans le secteur minier pourront désormais se lancer sereinement dans cette activité. Par conséquent, les ingénieurs géologues auront également tous du travail », déclare – t – il. En revanche, il suggère que les sociétés minières qui travaillent à Madagascar priorise le recrutement massif de personnel local plutôt que des expatriés.

Dans le camp de la Société Civile, la prudence est de mise. Dans un communiqué en date du 02 mai dernier, des associations comme le Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien (CRAAD – OI) et le Collectif pour le Défense des Terres malgaches en l’occurrence, ont appelé à une extrême vigilance des parlementaires au cours du vote de ce projet de texte. Les mêmes associations avaient formulé une demande relative au principe du consentement libre, informé, préalable et continu « pour que les communautés puissent donner leur avis positif ou négatif et qu’il soit respecté en tant que critère principal pour la délivrance d’un permis d’exploitation par les structures de l’Etat » et ce, afin que « la population malgache de toutes les régions puisse tirer les avantages réels des ressources minières mais ne soit pas une victime de leurs exploitations par les sociétés minières ».

Après avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, le nouveau Code Minier sera soumis pour contrôle de constitutionalité à la Haute Cour Constitutionnelle, puis fera l’objet de promulgation par le Président de la République avant son entrée en vigueur. Dans un rapport publié sur la Grande île en 2022, la Banque Mondiale estime qu’en 2024, le secteur minier sera l’un des piliers de l’économie malgache.

Le Ministre des Mines et des Ressources Stratégiques a révélé le 25 mai devant l’Assemblée Nationale que les recettes liées aux produits miniers sont passées de 1,8 milliards d’Ariary en 2020 à 2,9 milliards d’Ariary en 2021.

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