Africa-Press – Madagascar. La cérémonie de prestation de serment du nouveau chef de l’État a eu lieu hier devant la Haute cour constitutionnelle (HCC), en présence d’un large représentation nationale qui, au moins sur les photos, semble indiquer que la crise politique est finie: parlementaires, la classe politique, FFKM, corps diplomatique, représentants de la Gen-Z, et même quelques membres du gouvernement Ntsay, dont le ministre de la Justice et le sinistrement célèbre général de gendarmerie Rakotondrazaka, grand spécialiste de la répression des manifestations depuis des années.
La réalité juridique s’est donc alignée avec la réalité des rapports de force sur le terrain, et la Constitution (suspendue puis remise en selle) ainsi que la HCC (suspendue puis ressuscitée) ont donc permis de sauver cahin-caha les apparences de légalité constitutionnelle, et satisfaire ainsi les sourcilleux de juridisme. Les apparences sont sauves: officiellement, il n’y a donc pas eu de coup d’État, du moins, si l’on considère qu’une décision acrobatique de la HCC suffit pour blanchir un processus quelque peu tiré par les cheveux. Si on en fait un principe, alors il n’y a également pas eu de coup d’État, ni en 2002, ni en 2009: à chaque fois, une décision de la HCC avait en effet blanchi le processus anticonstitutionnel en cours, si l’on considère que du point de vue de la Loi fondamentale, seule l’élection devrait être la voie vers le pouvoir.
À chaque changement de pouvoir hors-cadre constitutionnel, mpanongana et voaongana rivalisent de rhétorique pour influencer la perception cosmétique. Aux accusations de coup d’État émanant systématiquement du pouvoir déchu, les partisans du changement répliquent par des notions idéologiques: « légitimité vs légalité » (2002), « c’est le peuple qui reprend le pouvoir » (2009), et « prise de responsabilité » (2025). Comme disait toutefois Confucius, « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté ». Rappelons donc ce qu’est un coup d’État, du point de vue de la science politique: une « tentative réussie ou non de conquête ou de reformulation du pouvoir politique de nature inconstitutionnelle ou illégale, fondée sur l’usage ou la menace de la force » (Hermet, G. et al. (2015). Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques. Armand Colin). Mais à Madagascar, qui se préoccupe de science politique quand il s’agit de faire de la politique?
En fait, au-delà de l’aspect idéologique, éviter la qualification de coup d’État a un enjeu fondamental: un coup d’État est automatiquement l’objet de sanctions internationales. Il est donc essentiel d’éviter ce qualificatif, soit en tripotant les mécanismes pour qu’à un moment la HCC soit impliquée d’une manière ou d’une autre, soit en forçant le narratif par l’utilisation d’autres mots dans le but de rendre l’acte plus sexy. Mais comme le souvenir de 2009 nous le rappelle, le temps ramène toujours la crédibilité des paroles « révolutionnaires » à leur juste valeur.
Après avoir eu le mérite de mettre fin aux exactions brutales des bidasses à la solde de Rajoelina, puis « pris ses responsabilités », le colonel Randrianirina a réussi à déjouer l’écueil du coup d’État. Il a donc les coudées franches pour faire progresser le pays sur la voie du développement et de la démocratie, et on attend de voir comment va-t-il joindre la parole de son discours d’investiture aux actes de son mandat de deux ans. Les grandes puissances occidentales ont avalisé le nouveau pouvoir par leur présence à Ambohidahy, et la relation avec les bailleurs de fonds traditionnels devrait suivre cette voie. Seules l’Union africaine et la SADC continuent à ronchonner, mais leur avis est à ce stade une quantité négligeable. Enfin, les partisans de Rajoelina continuent à tenter de résister en coulisses, mais plus personne ne les écoute: les députés Mapar ont vu une hémorragie de leur effectif qui a voté pour la destitution, et les fameuses amazones de Rajoelina se sont tues sans aucun soutien pour leur ancien patron. Il faut donc reconnaître la loyauté de Marie Michelle Sahondrarimalala et Rinah Rakotomanga qui restent pratiquement les seules à encore défendre Rajoelina, même si la qualité des argumentations est loin d’être du même niveau.
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