Légitimité Fragile, Risques D’Escalade à Madagascar

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Légitimité Fragile, Risques D’Escalade à Madagascar
Légitimité Fragile, Risques D’Escalade à Madagascar

Africa-Press – Madagascar. Techniquement, la prise de pouvoir par certains officiers du Capsat n’a pas suivi la voie constitutionnelle qui préconise l’élection. Par conséquent, cette voie extra-constitutionnelle aurait pu être assimilée à un coup d’État, mais l’enchaînement cahin-caha des événements sur le plan juridique a fini par produire un chef d’État validé par la Haute cour constitutionnelle. Dont acte. Les puristes se cacheront les yeux et se boucheront le nez, la plupart parce qu’ils sont contents d’être débarrassés de Rajoelina et que pour ce résultat, ils sont prêts à avaler quelques couleuvres. Tout comme les partisans de Marc Ravalomanana en 2002 et de Rajoelina en 2009. Combien de Malgaches ont-ils soutenu le coup d’État de Rajoelina puis voté pour lui en 2018 et 2023, juste parce qu’ils haïssaient Ravalomanana? En cause, la culture politique du pays qui voit les citoyens se positionner pour ou contre quelqu’un, et non pour ou contre un projet de société, pour la simple et bonne raison que celui ci n’existe pas dans la panoplie du politicien à Madagascar. Peu importe le vin, pourvu qu’on ait l’ivresse. Cet adage français bien connu est la parfaite illustration de ce qui est en train de se passer. Pour ceux dont l’objectif était d’écarter Rajoelina, la fin justifie les moyens. Quant aux conséquences des différents actes, on verra bien plus tard.

Or, le plus tard pourrait venir plus tôt que prévu. Les frustrations contre la Présidence de la Refondation de la République de Madagascar commencent déjà à s’accumuler. Le mode de désignation du Premier ministre a provoqué une levée de boucliers, y compris dans les rangs de ceux qui soutiennent le colonel Randrianirina. Le colonel Faneva, fameux dans les régions australes du pays depuis ses actions de pacification contre les dahalo, a fait des déclarations menaçantes sous prétexte de défendre la gendarmerie. Le commandant de la Semipi, le Général Rafidison, est allé réunir une petite assemblée sur la Place du 13 mai pour critiquer la façon dont les nouveaux dirigeants dénaturent le tolom-bahoaka, et appelle à la mise en place d’une théocratie. De leur côté, les partisans du fédéralisme commencent à se manifester, et un de leurs leaders est même revenu de France. Si on se base sur les souvenirs de la crise de 1991, on ne peut garantir que l’agitation des fédéralistes soit rassurante.

Bref, ce sont de multiples foyers potentiels de tension qui commencent à s’allumer, et que le comportement du nouveau régime attise au lieu d’apaiser. Avec le risque de retour des délestages, à cause de l’effet conjugué de la mission impossible de changer rapidement les 64 kilomètres de canalisation dans la Capitale pour pouvoir améliorer la distribution d’eau, et les factures faramineuses de carburant pour faire fonctionner à plein régime les centrales thermiques, le gouvernement pourrait être face à la contestation bien plus vite qu’il ne le croit. Si les gens descendent dans la rue pour manifester, comment va réagir le Capsat? Va-t-il imiter la gendarmerie de Rajoelina, ou laisser démocratiquement la population s’exprimer?

Dans ce contexte, la capacité de nuisance la plus importante sera celle de Rajoelina, exilé pour le moment à Dubai, et qui y aurait réuni un petit cercle de fidèles, entre autres le général Ravalomanana, l’ancien Premier ministre Ntsay ou encore l’ancienne ministre des Finances. Que peut bien fomenter ce petit groupe? L’expérience de 2009 a montré que Rajoelina ne nourrit aucun scrupule quand il s’agit de conquérir le pouvoir, y compris en surfant sur la frustration « alimentaire » de certains groupes armés. Avec autant de groupes ayant accès à des armes et donc une capacité de nuisance potentielle, le Capsat multiplie les erreurs par son comportement calqué sur l’arrogance nombriliste de Rajoelina. Tout comme Rajoelina, le colonel Randrianirina refuse de comprendre aujourd’hui l’intérêt d’un vrai dialogue démocratique: comprendra-t—il lui aussi trop tard?

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