Bien avant les Romains, les anciens peuples ibères savaient déjà fabriquer l’acier il y a presque 3000 ans

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Bien avant les Romains, les anciens peuples ibères savaient déjà fabriquer l’acier il y a presque 3000 ans
Bien avant les Romains, les anciens peuples ibères savaient déjà fabriquer l’acier il y a presque 3000 ans

Africa-Press – Madagascar. On pensait jusqu’à présent que l’acier, alliage de fer et de carbone, ne s’était répandu en Europe que sous l’Empire romain et que, par définition, personne n’était capable d’en produire avant l’âge du fer – qui commence en Europe de l’Ouest vers 800 avant notre ère. Mais une étude publiée dans le Journal of Archæological Science opère une brillante démonstration de l’utilisation de l’acier en Ibérie dès la fin de l’âge du bronze (1200-800 avant notre ère). L’équipe internationale dirigée par l’archéologue Ralph Araque Gonzalez, de l’université de Fribourg (Allemagne), s’appuie sur l’analyse de stèles gravées et d’un burin en fer retrouvés en Espagne et au Portugal pour prouver que seul un outil en acier trempé peut avoir été utilisé pour réaliser les motifs tracés sur ces pierres. En reconstituant les instruments et les gestes opérés, grâce à la contribution d’artisans professionnels, l’archéologie expérimentale apporte ici la preuve que la métallurgie du fer et la trempe de l’acier étaient parfaitement maîtrisées par les communautés de cette région du sud de l’Europe il y a 2900 ans.

Les anciens peuples ibères savaient fabriquer l’acier il y a presque 3000 ans

On ne sait pas grand-chose des peuples qui occupaient le sud-ouest de l’Ibérie à la fin de l’âge du bronze. Il n’en subsiste que peu de vestiges, d’habitat principalement, et quelques rares sépultures dépourvues d’objets de valeur et contenant le plus souvent des urnes cinéraires.

On pensait jusqu’à présent que l’acier, alliage de fer et de carbone, ne s’était répandu en Europe que sous l’Empire romain et que, par définition, personne n’était capable d’en produire avant l’âge du fer – qui commence en Europe de l’Ouest vers 800 avant notre ère. Mais une étude publiée dans le Journal of Archæological Science opère une brillante démonstration de l’utilisation de l’acier en Ibérie dès la fin de l’âge du bronze (1200-800 avant notre ère). L’équipe internationale dirigée par l’archéologue Ralph Araque Gonzalez, de l’université de Fribourg (Allemagne), s’appuie sur l’analyse de stèles gravées et d’un burin en fer retrouvés en Espagne et au Portugal pour prouver que seul un outil en acier trempé peut avoir été utilisé pour réaliser les motifs tracés sur ces pierres. En reconstituant les instruments et les gestes opérés, grâce à la contribution d’artisans professionnels, l’archéologie expérimentale apporte ici la preuve que la métallurgie du fer et la trempe de l’acier étaient parfaitement maîtrisées par les communautés de cette région du sud de l’Europe il y a 2900 ans.

Les anciens peuples ibères savaient fabriquer l’acier il y a presque 3000 ans

On ne sait pas grand-chose des peuples qui occupaient le sud-ouest de l’Ibérie à la fin de l’âge du bronze. Il n’en subsiste que peu de vestiges, d’habitat principalement, et quelques rares sépultures dépourvues d’objets de valeur et contenant le plus souvent des urnes cinéraires. « Ces populations qui vivaient dans de petits villages dispersés, parfois constitués de seulement deux ou trois maisons, exploitaient les riches ressources minérales de la région », explique à Sciences et Avenir Ralph Araque Gonzalez, « soit, à l’âge du bronze, le cuivre, l’étain et l’or, mais aussi, plus rarement, le plomb et l’argent. Elles pratiquaient aussi l’agriculture et l’élevage. Mais nous ne pouvons déceler aucune hiérarchie sociale au sein des sépultures ou des villages. Ce que nous pouvons présumer, c’est que ces petites communautés étaient autonomes et autosuffisantes, et qu’elles pouvaient entretenir des contacts par l’intermédiaire d’individus itinérants – des artisans par exemple –, ou lors de festivités communes, principalement destinées à nouer des partenariats en vue de mariages. »

En l’absence d’autres artefacts, les nombreuses stèles décorées de motifs de l’âge du bronze retrouvées dans les régions de la Beira intérieure, au Portugal, et de la Haute Estrémadure, en Espagne, en revêtent d’autant plus de valeur.

Les stèles ibères de la fin de l’âge du bronze représentent des figures anthropomorphes, des animaux et des objets comme des armes (épées, lances, boucliers), des chars ou des ornements. © Ángel Felicísimo, KRAKEN / Ralph Araque Gonzalez et al.

Ces stèles, qui datent sans doute de la période entre le 13e et le 8e siècle avant notre ère, ont été largement étudiées sous divers angles (iconographique, géographique ou socioculturel), mais pour leur grande majorité, leur composition géologique n’a jamais été analysée. On ne sait donc pas forcément dans quel type de roche elles ont été réalisées. Les pierres retenues dans le cadre de cette étude proviennent de la zone située autour de la commune de Capilla, dans la province de Badajoz. On pensait jusqu’alors qu’elles étaient faites en quartzite, la pierre prédominante dans la région du bassin du fleuve Zújar. Mais les analyses pétrographiques de l’équipe fribourgeoise ont révélé qu’elles étaient faites en grès silico-quartzeux, une roche beaucoup plus dure à la structure compacte, que l’on ne peut en aucun cas travailler avec des outils en bronze ou en pierre, mais uniquement avec de l’acier trempé. C’est ce premier postulat qui sert de base à la démonstration expérimentale à laquelle les chercheurs vont procéder.

Le burin fournit le deuxième indice de la fabrication de l’acier

Le deuxième élément sur lequel s’appuie l’étude, c’est un burin de fer, découvert en Alentejo (Portugal), sur le site de Rocha do Vigio, datant également de la fin de l’âge du bronze. D’après les éléments mis au jour, les archéologues estiment que ce petit établissement constitué de quelques huttes circulaires devait être un hameau métallurgique, sans doute situé en périphérie d’autres sites plus importants. La présence d’un moule destiné à couler des burins en bronze atteste de la fonte de ce métal, mais les chercheurs ont aussi identifié des scories dans les mêmes couches de sol qu’une tuyère, possible indice de la production de fer.

Le burin de Rocha do Vigio a été retrouvé non loin d’une tuyère quadrangulaire, et d’un moule bivalve. © Dessins : C. Roque, d’après Calado et al., 2007 / Ralph Araque Gonzalez et al.

Soumis à une analyse métallographique, il apparaît que le burin est composé d’un acier par endroits extrêmement riche en carbone, ce qui en augmente la dureté. Les chercheurs ont également déduit des taux de perlite et de ferrite que l’outil avait été intentionnellement travaillé, comme nous l’explique Ralph Araque Gonzalez : « La teneur en carbone varie parce que le fer comporte différentes couches dans lesquelles des quantités différentes de carbone sont capturées. Cela signifie que la pièce brute a été martelée puis forgée pour obtenir le ciseau. Les différentes teneurs ont un effet sur la flexibilité et la dureté, ce qui permet d’obtenir un bon outil. Les parties dont la teneur en carbone est la plus élevée permettent le processus de durcissement, qui améliore considérablement la stabilité de l’outil et permet de tailler des roches quartzitiques dures. Par ailleurs, la perlite apparaît dans l’acier lorsque la ferrite est alliée et consolidée avec de la cémentite de carbone dans une structure en couches. Cela se produit par le forgeage, le refroidissement lent et la trempe. La teneur en perlite indique donc que l’acier a été travaillé et forgé intentionnellement ; c’est elle qui fournit la meilleure section du ciseau. »

Le burin de Rocha do Vigio mesure environ 18 cm de long. © Ralph Araque Gonzalez

La démonstration fait intervenir des professionnels

C’est alors qu’intervient la partie expérimentale de l’étude, qui consiste en une démonstration par le biais d’une reconstitution effectuée par des artisans professionnels. Un tailleur de pierres a d’abord été chargé de créer des répliques de stèles dans le même type de pierre que les stèles de Capilla, à l’aide d’outils identiques et avec les mêmes techniques que les artisans préhistoriques. Puis un forgeron et un fondeur de bronze ont préparé divers outils afin de tester leurs capacités à graver les pierres : des burins en bronze et en fer, et des outils en quartzite. Au cours de la reconstitution de la phase de gravure, ni les outils lithiques, ni les ciseaux de bronze n’étaient à même de laisser une trace sur les stèles. Le burin de fer dont la pointe n’était pas trempée s’émoussait dès le premier contact. C’est seulement avec la réplique du ciseau de Rocha do Vigio que le tailleur a réussi à graver un dessin approprié. Pour dessiner les motifs complexes qui ornaient les stèles de Capilla, il fallait donc un burin d’acier trempé, ce qui fournit la preuve que les habitants de la région, il y a 2900 ans, étaient non seulement capables de fabriquer de l’acier, mais également de le durcir.

Les deux répliques des stèles de Capilla réalisées dans le cadre de l’étude. © Ralph Araque Gonzalez

Le travail des métaux

Voilà qui prouve que les populations ibères détenaient un savoir sur les métaux qui équivaut à un bond technologique précoce, sans doute lié à la prévalence de l’artisanat dans la région et aux échanges intercommunautaires : « Il est clair que les personnes qui ont sculpté ces stèles devaient avoir une connaissance approfondie de la technologie du fer pour le tremper, explicite Ralph Araque Gonzalez. Elles devaient connaître les couleurs d’incandescence auxquelles la trempe était possible, ainsi que les temps de refroidissement. Cela signifie que même si un ciseau n’était pas fabriqué localement, les graveurs devaient savoir comment le retremper lorsque l’extrémité durcie en avait besoin. Mais si le processus de la trempe était déjà connu, il semble possible qu’ils aient également su fondre et forger le fer. Pour cela, il faut de l’expérience et des connaissances empiriques, des communications avec des forgerons itinérants ou la découverte de bronziers locaux qui utilisaient des étapes de travail similaires pour durcir le bronze, mais dans un ordre différent. »

Sculpture des motifs de la stèle Capilla I avec le ciseau d’acier. © Ralph Araque Gonzalez

Pourtant, il n’existe aucune preuve de l’exploitation du fer dans la région ni à cette période de la fin de l’âge du bronze final, ni même au début de l’âge du fer. Des recherches supplémentaires seraient donc nécessaires pour savoir d’où le matériau pouvait provenir, mais « ces preuves seraient très difficiles à détecter car les mines les plus riches ont été actives jusqu’à récemment et les traces les plus anciennes ont sans doute disparu, regrette Ralph Araque Gonzalez. Il y a encore très peu de recherches sur le travail du fer en Ibérie et aucune pour la fin de l’âge du bronze. Certains chercheurs pensent que le fer a d’abord été importé, mais ce n’est pas forcément mon avis. »

Ce qu’apporte la méthode expérimentale

Si la méthode expérimentale s’est imposée pour réaliser cette découverte, c’est parce qu’il était nécessaire d’essayer tous les types d’outils existant à l’époque et que seuls des artisans professionnels connaissant à la fois les propriétés matérielles de tous les outils et de toutes les roches pouvaient garantir des résultats fiables, poursuit l’archéologue. Leur contribution a donc été primordiale dans cette étude, précisément parce que leurs savoir-faire et leurs points de vue diffèrent de ceux des scientifiques : « Je pense que tous les chercheurs qui ont participé à ce projet ont beaucoup appris des artisans professionnels, qui voient souvent les choses différemment et connaissent les matériaux d’un point de vue différent de celui des scientifiques. Par exemple, un tailleur de pierre ne regarde pas la roche de la même façon qu’un géologue, et tous deux peuvent apporter des savoirs théoriques et pratiques différents. Seule cette combinaison permet d’obtenir les résultats dont nous avons besoin pour comprendre la technologie ancienne, qui ne peut être appréhendée sans intégrer les connaissances pratiques traditionnelles des artisans professionnels. »

Une étape pour comprendre la symbolique des stèles

Dans le cadre de cette étude, il n’importait pas seulement aux archéologues de savoir comment les stèles ont été fabriquées ; cette connaissance va ensuite leur permettre de comprendre pour quelle raison les motifs représentés ont été gravés dans une roche aussi dure. La suite de leurs analyses portera sur l’examen des stèles en tant que support iconographique et symbolique, en considérant aussi bien les motifs dessinés que la pierre utilisée et leur localisation dans le paysage. Le savoir-faire artisanal nécessaire à la réalisation des outils pour les graver, qui a fait l’objet de cette publication, n’est donc qu’un tout petit aspect d’un vaste projet d’étude sur les stèles ibériques de la fin de l’âge du bronze.

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