Africa-Press – Madagascar. Connaissez-vous le BNST? Le « bed nucleus of the stria-terminalis », ou les noyaux du lit de la strie terminale en bon français? Car cette structure cérébrale située juste devant l’hypothalamus, dans la région la plus profonde du cerveau, vient d’acquérir une célébrité toute nouvelle dans le monde de la neurobiologie, après qu’une équipe de l’université Columbia, à New York (États-Unis), lui a consacré un article dans la revue Cell.
Sa lecture transforme la compréhension des mécanismes de l’appétit et ouvre de nouvelles pistes de recherche pour mieux traiter les troubles alimentaires. On y découvre que le BNST contrôle l’appétit, en combinant les signaux internes et externes. « Ces travaux apportent quelque chose de très nouveau, en décrivant un nouvel acteur capable d’allumer ou d’éteindre la consommation », acquiesce Moïse Coëffier, qui dirige une unité de recherche Inserm sur l’axe microbiote-intestin-cerveau au sein de l’université de Rouen Normandie.
Faim ou appétit?
La faim est un signal strictement lié à nos besoins biologiques: besoins énergétiques, glycémie, remplissage de l’estomac. L’appétit, lui, rassemble des signaux internes et externes: les sens, bien sûr – une odeur, un goût sucré, un mélange de textures peuvent rendre un plat irrésistible -, mais aussi le stress, l’humeur ou le contexte du repas. « Ces signaux internes et externes régulent la motivation à aller chercher à manger dans l’environnement, et donc la consommation », explique Adélie Salin, neurobiologiste à l’université de Rennes.
Au carrefour des besoins vitaux et des envies, la neurobiologie de l’appétit est un domaine de recherche en plein essor. « Les signaux cérébraux de la consommation alimentaire sont beaucoup moins bien connus que ceux de la drogue, souligne Adélie Salin. Les chercheurs s’y sont longtemps moins intéressés. Il faut dire que les comportements alimentaires sont très compliqués, comme un puzzle à 10.000 pièces, alors que celui des comportements addictifs n’aurait que 1000 pièces… »
« Quand on active ces neurones, on ne contrôle plus rien »
Les chercheurs américains montrent, chez la souris, que ces neurones répondent à l’ingestion de produits au goût sucré en activant la consommation alimentaire. Ils répondent même aux édulcorants, ces « faux sucres » sans apport calorique. « Nous observons des réponses fortes non seulement pour le sucré, mais aussi pour les graisses et le sel. Le BNST réagira certainement à l’umami », précise Jose Canovas Schalchli, chercheur à l’université Columbia et premier auteur des travaux. La structure cérébrale reçoit les signaux gustatifs et y répond.
Une population de neurones réagit aussi à l’amertume, cette fois pour supprimer la consommation. « Ces récepteurs de l’amertume sont probablement responsables de l’inhibition de l’alimentation lorsque le BNST reçoit des signaux de goût amer », poursuit le biologiste. L’amertume est une saveur répulsive pour les mammifères, fréquemment considérée comme un risque d’exposition à des substances toxiques. « Le BNST intègre à la fois les signaux favorisant la consommation et ceux qui la suppriment afin de la réguler », résume Jose Canovas Schalchli. « Jusqu’à présent, on ne considérait que l’hypothalamus et son noyau arqué pour recevoir les informations de la périphérie. Ces travaux proposent un nouvel intégrateur », complète Moïse Coëffier.
Pour tester cette hypothèse, les scientifiques de Columbia ont complètement piraté le comportement de souris. En activant le BNST – à l’aide de techniques génétiques de pointe qui permettent d’allumer ou d’éteindre des neurones spécifiques avec un faisceau lumineux qu’on passe sur la tête des souris -, ils font boire d’importantes quantités d’eau aux rongeurs qui n’ont pas soif et rendent attractifs l’amertume ou des produits non comestibles, comme des boulettes de polystyrène. « Apparemment, quand on active ces neurones, on ne contrôle plus rien. Cela ressemble aux comportements compulsifs qu’on connaît bien chez certains patients », évoque Moïse Coëffier. Mais il manque encore des éléments pour établir ce parallèle.
Les chercheurs américains avancent quant à eux que leur découverte pourrait avoir des répercussions cliniques, pour restaurer l’appétit quand celui-ci est détérioré, comme avec certains traitements anticancer, ou pour aider à le réduire, par exemple chez les gens souffrant de troubles métaboliques. En guise de démonstration, ils ont stimulé le BNST chez des souris auxquelles on a administré de la cisplatine, une chimiothérapie connue pour couper l’appétit. Résultat: elles perdaient moins de poids que sans la stimulation.
À l’inverse, en bloquant l’activité de ces noyaux cérébraux chez des souris obèses, les animaux perdaient du poids, dans une proportion comparable à celle observée avec les fameux nouveaux médicaments injectables contre le diabète – les sémaglutides, ou analogues du GLP-1. « Ils n’activent pas seulement les neurones impliqués, mais tout le BNST ! Ces expériences sont beaucoup moins précises que le reste de l’article « , tempère Adélie Salin, neurobiologiste à l’université de Rennes.
Une structure associée à des pathologies psychiatriques
Reste que les techniques utilisées chez la souris ne sont pas directement transposables à l’humain, car elles impliquent des manipulations génétiques. « Pour obtenir ces effets en clinique, il faudra des médicaments ! Ce ne sera pas simple… », conclut la spécialiste, en raison des difficultés de la pharmacologie à cibler des structures cérébrales.
Mais ces découvertes pourraient avoir aussi des répercussions au-delà des traitements: « Est-ce que le stress et les émotions peuvent aussi modifier cette réponse? Ce serait intéressant… », souffle Moïse Coëffier. D’autant que de précédentes recherches ont associé le BNST à des pathologies psychiatriques comme l’anxiété, les troubles post-traumatiques ou l’anorexie, dans lesquelles la dérégulation de l’appétit est connue.
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