Quand la radiologie interventionnelle s’invite dans l’espace

1
Quand la radiologie interventionnelle s’invite dans l’espace
Quand la radiologie interventionnelle s’invite dans l’espace

Africa-Press – Madagascar. S’il est bien connu que “dans l’espace, personne ne vous entendra crier”, il vaut toutefois mieux en cas de pépin être préparé à intervenir médicalement, surtout si la mission est longue et a pour destination la Lune ou Mars.

Mais combiner le professionnalisme d’un astronaute et le savoir-faire d’un radiologue interventionnel sachant, par exemple, drainer un abcès, n’est pas tout à fait dans la logique des choses. Chacun son métier. Bonne nouvelle, une étude française tout récemment parue dans la revue European Radiology vient de démontrer qu’un apprentissage par simulation sur un bloc de silicone (un “fantôme”) est possible.

Mise au point d’un kit spatial

Ce travail original a été piloté cette année par le Pr. Julien Frandon, radiologue et responsable des organisations en imagerie interventionnelle au CHU de Nîmes. Il a eu lieu dans le cadre d’un vaste partenariat démarré lui en 2020 entre la Société Française de Radiologie (SFR), le Centre National d’Etudes spatiales (CNES) et l’Institut de Médecine et Physiologie Spatiales (MEDES).

Ce projet d’envergure, sous la direction du Pr. Alain Luciani (hôpital Henri Mondor, Créteil) et du Pr. Vincent VIDAL (hôpital de la Timone, Marseille) prévoit de faire à la radio interventionnelle, cette discipline reine du mini-invasif et de la miniaturisation qui consiste à réaliser un geste à l’intérieur du corps, toute sa place dans l’espace.

Cette aventure scientifique a de fait déjà relevé un premier challenge avec la conception en 2022 d’un kit spatial, la Mars IR Toolbox (IR pour Interventional Radiology), dite MITBO. “En pratique, il s’agit d’une boîte hermétique ignifugée d’environ 1100 grammes contenant le matériel de base pour une intervention de radiologie interventionnelle, soit une sonde d’échographe, un cathéter, un drain, des aiguilles et un anesthésiant ”, détaille le Pr. Frandon. Mais dès lors, comment s’assurer de la bonne utilisation du matériel par des astronautes qui n’ont jamais effectué de tels gestes ?

“C’est en montant moi-même des meubles Ikea que j’ai eu l’idée d’une notice étape par étape”, raconte aujourd’hui le radiologue. Un an de travail a été nécessaire pour concevoir le design de cet apprentissage et le radiologue s’est finalement rendu en 2023 à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) pour rencontrer six astronautes dits analogues, des étudiants volontaires sélectionnés dans le cadre des missions Asclepios

Ces six candidats (dont 5 étaient en présentiel) ont suivi son enseignement d’une durée de 2 heures consistant en l’apprentissage de la réalisation d’un drainage d’un abcès situé en profondeur, à 7 à 10 centimètres sous la peau, comme s’ils étaient face à un cas de cholécystite – une infection aiguë de la vésicule biliaire – la pathologie étant simulée sur un fantôme, un bloc de silicone (voir ci-dessous).

L’entraînement sur un “fantôme”, autrement dit un bloc de silicone. Crédits: Pr. Frandon.

En 2024, le premier drainage en apesanteur

Les étudiants ont donc appris à désinfecter la zone, à l’anesthésier puis à manier la sonde d’échographie. Autrement dit à la déplacer, à repérer sous guidage échographique la zone à ponctionner pour y introduire le cathéter et son guide, en vérifiant leur bon positionnement sur l’écran, tout en se dirigeant progressivement vers l’abcès. Un moment où la précision du geste doit tout particulièrement être respectée afin d’éviter la perforation, avant de positionner le drain pour évacuer le liquide, autant d’étapes toutes très détaillées dans la fameuse notice.

“Il s’agit d’un geste très stéréotypé et non complexe”, précise le radiologue, qui poursuit: “Les astronautes analogues ont passé un pré-test avant l’enseignement pour évaluer leurs connaissances de base et un post-test à l’issue de la formation”. Et c’est deux mois plus tard, à l’été 2023 lors de la mission Asclepios III, quand les six étudiants se sont retrouvés non pas dans l’espace mais sous terre en Suisse pour mimer le confinement d’une mission, qu’ils ont été confrontés au même scénario appris deux mois plus tôt.

“Ils se sont alors filmés et j’ai regardé les images vidéo pour analyser la précision et l’efficacité de leurs gestes”, détaille le spécialiste. Résultat: quatre étudiants sur six s’en sont très bien sortis en évacuant totalement l’abcès, les deux autres (dont l’un en distanciel au moment de la formation, nettement moins à l’aise que ses collègues) ayant par contre échoué.

Reste maintenant à répéter le même geste mais cette fois en microgravité. “Evacuer un abcès en apesanteur à zéro G, ce sera évidemment très différent, détaille le Pr. Frandon. Dans ces conditions très particulières, le liquide va se déplacer sous forme de bulles dans la capsule, ce qu’il faut absolument éviter. Pour y parer, nous sommes en train de réfléchir à des modes d’aspiration sous vide”. L’équipe de radiologues prévoit aussi à des systèmes d’aimant afin de bloquer le matériel sur un support et ainsi éviter la dispersion de leurs outils dans l’habitacle. Rendez-vous en 2024 pour le premier drainage en apesanteur, il aura lieu à bord d’un vol zéro G qui décollera de Bordeaux.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Madagascar, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here