Scruter l’œil pour prédire le risque de développer Alzheimer

11
Scruter l’œil pour prédire le risque de développer Alzheimer
Scruter l’œil pour prédire le risque de développer Alzheimer

Africa-Press – Madagascar. Voir plus loin que l’œil humain pour prédire le risque de développer une maladie d’Alzheimer. Tel est le credo de chercheurs québécois de la start-up Optina à Montréal (Canada). “Fixez bien le point lumineux, ne bougez plus, ne clignez pas, c’est fini. ” Simple, efficace, rapide, la procédure se déroule en quelques secondes devant un dispositif semblable à ceux que l’on trouve chez les ophtalmologistes.

En pratique, un bref flash lumineux de quelques secondes pour explorer l’ensemble de la rétine et obtenir des millions de pixels grâce à une caméra très spéciale (lire l’encadré ci-dessous) tout spécialement créée au Québec. Objectif : parvenir, avec un algorithme d’intelligence artificielle (IA) associé à l’optique, à déterminer la probabilité d’une démence débutante et ensuite permettre à ceux qui le souhaitent de participer à des essais cliniques évaluant des molécules en cours de test afin d’agir au stade précoce de la maladie.

Pour rappel, la maladie d’Alzheimer concerne 55 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. Elles seront 139 millions en 2050. “En 2023, la maladie reste incurable mais les molécules les plus récentes laissent entrevoir la possibilité de la ralentir. Or, l’admissibilité des patients aux nouveaux traitements nécessite la détection des plaques amyloïdes par tomographie par émission de positons (TEP) “, rappelle David Lapointe, directeur d’Optina. Il poursuit : “Il s’agit d’un examen coûteux qui ne peut être proposé à grande échelle. Notre dispositif, combinant optique et IA, pourrait permettre d’éviter la TEP à une grande partie de la population à risque et rendre accessible le dépistage précoce. ” Retour en arrière.

Tout a commencé en 2008 avec la rencontre à Montréal entre un astrophysicien, Sébastien Blais-Ouellette, et un ophtalmologiste, le Dr Jean Daniel Arbour. Ces deux mordus d’optique se mettent à échanger sur les étoiles, la lumière, l’infiniment petit. Puis ils imaginent des applications plus médicales. Comme le dépistage de maladies ophtalmiques, la DMLA. Mais très vite se profile une idée : appliquer leur imagerie ultra-précise au dépistage précoce d’affections neurodégénératives. Et ce, en raison des liens intimes existant entre rétine et cerveau, mais aussi parce que le potentiel d’une approche diagnostique oculaire non invasive fait l’objet de nombreux travaux de recherche.

Ils sont menés chez l’animal comme chez des malades d’Alzheimer dès les années 2000 : différentes équipes internationales ont recours par exemple à la tomographie par cohérence optique (OCT), un principe proche de celui du scanner utilisant un rayonnement infrarouge au lieu de rayons X. Résultat : la liste de biomarqueurs diagnostics rétiniens proposés s’allonge régulièrement : amincissement des différentes couches cellulaires, anomalies de la microvascularisation, moindre épaisseur du nerf rétinien…

Un test rapide et non invasif

La caméra dite hyperspectrale (CHS) développée par Optina (Québec, Canada) capte et traite l’intensité de la lumière réfléchie par la lumière à raison de 92 images par seconde, “une vitesse jamais égalée à ce jour, source d’une très grande précision”, indique le Dr Jean Daniel Arbour, co-inventeur. En quelques secondes seulement, l’obtention des clichés s’effectue selon 90 longueurs d’onde au lieu de trois (bleu, vert, rouge) avec les outils classiques. Puis, les images sont empilées et superposées pour former un “cube” dit hyperspectral, chacun contenant des millions de pixels.

Des images rétiniennes sont prises à différentes longueurs d’onde puis un spectre optique est extrait pour chacun des pixels de l’image, qui peut alors permettre d’identifier des biomarqueurs de certaines maladies. Crédit : OPTINA

La capacité à filmer le métabolisme de l’œil

D’où la démarche d’Optina, attachée à tester dans ce domaine sa propre caméra. Les résultats démontrent que cette imagerie hyperspectrale est capable de retrouver des différences significatives entre des sujets présentant un déclin cognitif et des dépôts de plaques amyloïdes, et ceux qui ne présentent pas de plaques. “Nous ne prétendons pas détecter les dépôts amyloïdes au niveau de la rétine, insiste Shannon Campbell, vice-présidente et responsable des affaires cliniques et médicales chez Optina. Ce que nous cherchons à mettre en évidence, ce sont les très fines variations spatiales et spectrales dans les images rétiniennes corrélées avec la présence ou pas des plaques. Nous avons réussi à établir une grande correspondance entre les images obtenues par notre caméra et l’imagerie traditionnelle par Petscan. ”

La start-up poursuit ses travaux et peut compter sur une trentaine de collaborateurs : ingénieurs, biomathématiciens, spécialistes de l’IA. “Notre outil a le potentiel de filmer le métabolisme de l’œil et pas seulement sa structure, comme le font les appareils actuels de diagnostic “, précise Jean Daniel Arbour. Les cubes d’images obtenus et leurs millions de pixels sont traités par un programme d’analyse spécifique dit awAIR qui “permet de détecter par exemple des changements subtils de composition moléculaire et d’arrangement cellulaire, invisibles à l’œil nu “, détaille Claudia Chevrefils, responsable du service informatique chez Optina. La technologie a reçu en 2019 la distinction de “Breakthrough device” (dispositif disruptif) décernée par l’autorité américaine des médicaments, la Food and Drug Administration (FDA). Une étape importante vers l’homologation de travaux, permettant d’accélérer le passage aux essais cliniques.

Des essais qui se multiplient à travers le monde

Aujourd’hui, plus de 1000 patients ont été inclus dans une douzaine de sites à travers le monde, surtout au Canada et aux États-Unis, mais aussi aux Pays-Bas et au Brésil, et d’autres essais doivent démarrer cet été. C’est le cas à Ottawa (Canada), à la clinique de la mémoire de l’Outaouais dirigée par le Dr Richard Bergeron. Dans ce lieu déjà orienté à 100 % sur la mémoire et consacré à la recherche clinique tous azimuts, une pièce spéciale sera entièrement dédiée à la caméra qui doit y être installée sous peu. Ici, toute personne entre 50 et 85 ans qui désire passer un bilan mémoire est la bienvenue.

“Le mode de recrutement se partage entre le bouche-à-oreille et les recommandations des médecins “, détaille Marielle Thibeault, l’une des membres de l’équipe. Tout y est gratuit et pris en charge à 100 %.” Des facilités dues au financement de la structure par les principaux laboratoires impliqués dans la mise au point des molécules en développement. Mais la neurologie n’est pas le seul domaine exploré par Optina. À l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM), un autre essai, Eye to heart Connection (connexion de de l’œil au cœur), a démarré. Plusieurs centaines de patients sont en cours d’inclusion. Piloté par le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du centre de recherche de l’ICM, il est réservé aux patients suivis en cardiologie. Il va vérifier si une signature rétinienne spécifique peut être associée au risque cardiaque. “L’approche est très séduisante mais reste à confirmer “, signale le spécialiste. Mêmes espoirs chez Patricia Sorya, l’optométriste qui a commencé les tests auprès des patients : “Imaginez que pour contempler un beau paysage, vous ayez le choix entre une fenêtre couverte de givre et une autre totalement ouverte, laquelle vous choisiriez ? ”

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Madagascar, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here