Une chauve-souris vieille de 50 millions d’années pratiquait-elle déjà l’écholocalisation ?

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Une chauve-souris vieille de 50 millions d’années pratiquait-elle déjà l’écholocalisation ?
Une chauve-souris vieille de 50 millions d’années pratiquait-elle déjà l’écholocalisation ?

Africa-Press – Madagascar. Se repérer dans son environnement, reconnaître et traquer ses proies en utilisant un sonar naturel : dans les airs, seules les chauves-souris sont capables de ces prouesses. Mais toutes ne pratiquent pas ce type de détection. Les ptéropodidés, qui constituent un groupe de chauve-souris frugivores, n’en ont pas la capacité. Depuis longtemps, les biologistes se posent la question de l’absence de ce sens chez elles et donc de l’origine de l’écholocalisation.

S’agit-il d’un caractère apparu indépendamment dans les autres groupes ou d’un trait apparu chez l’ancêtre commun des chauves-souris modernes suivi d’une perte caractérisant la famille des ptéropodidés ? “Pour le savoir, il faut étudier les fossiles de chauves-souris primitives mais leurs os se conservent très mal, et à plus forte raison leur larynx essentiellement cartilagineux. Aussi, des spécimens comme celui du Quercy s’avèrent être particulièrement précieux”, souligne Jacob Maugoust, paléontologue anciennement à l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier.

Une espèce de chauve-souris cavernicole

Le fossile en question a été découvert il y a plusieurs décennies dans une grotte du Quercy : il est daté de 50 millions d’années et correspond à une petite chauve-souris de l’espèce Vielasia sigei dont la description fait l’objet d’une publication dans la revue Current Biology. “Ce qui est remarquable est que son crâne a été conservé en trois dimensions avec l’os pétreux encore attaché au crâne, ce qui nous permet de reconstruire la forme du labyrinthe osseux et de la cochlée”, précise le paléontologue.

Ces structures de l’oreille interne sont impliquées dans l’audition, et leur étude ainsi que des comparaisons morphologiques entre diverses espèces, permet de déduire l’existence, ou non, d’une écholocalisation. “Ici, ce qu’on peut dire, c’est que la cochlée de Vielasia sigei ressemble énormément à celle des chauves-souris actuelles qui font de l’écholocalisation laryngée”. Cela signifie qu’elle est équipée pour entendre comme les espèces qui font de l’écholocalisation, mais il sera difficile de prouver qu’elle pratiquait elle-même cette technique.

Un indice concorde quand même vers une aptitude à l’écholocalisation chez Vielasia sigei : elle a été découverte dans une grotte, donc un lieu obscur ou l’utilisation d’un tel sens aurait tout son intérêt. C’est d’ailleurs le plus ancien spécimen cavernicole connu : les autres chauves-souris de l’Éocène inférieur vivaient préférentiellement à l’extérieur, perchées dans des arbres, dans des environnements chauds, et ont été plutôt préservées en contexte fluvio-lacustre.


Un caractère ancestral

La découverte de ce fossile renforce l’hypothèse selon laquelle l’ancêtre commun des chauves-souris modernes était capable d’écholocalisation avancée, une capacité qui aurait ensuite été perdue secondairement chez les ptéropodidés. “Une perte qu’il est difficile à dater dans le temps et qui reste assez mystérieuse tant le registre fossile est pauvre pour ce groupe”, ajoute Jacob Maugoust. Cette famille, qui compte exclusivement des espèces frugivores, s’appuie principalement sur l’odorat pour trouver sa nourriture et a développé une mémoire spatiale qui lui permet de retrouver les coins les plus riches en fruits. Il est possible que ces atouts aient été privilégiés aux dépens de l’écholocalisation. “Mais cela reste encore très hypothétique”.

Pour en savoir plus sur l’origine de l’écholocalisation, il faudrait retrouver un fossile avec un larynx (la structure qui émet les sons) préservé et en trois dimensions : “cela fait beaucoup de conditions et c’est malheureusement difficile à envisager”, regrette le paléontologue. Les scientifiques supposent aussi que cette capacité a évolué au cours du temps, vers plus de complexité dans certains groupes.

Et pour étudier cette évolution, la découverte de fossiles appartenant au groupe qui l’aurait perdue pourrait permettre de comprendre les mécanismes de son acquisition. Il y a cependant un gap de 30 millions d’années à combler dans le registre fossile des ptéropodidés, sans reste crânien : les fossiles de chauves-souris ont encore beaucoup de choses à raconter, et nul doute que les prochaines découvertes apporteront leur pierre à l’édifice.

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