Africa-Press – Mali. Nous espérons soulager les patients qui ont pu entendre qu’ils ne sont pas malades, que c’est ‘dans leur tête’. Ce que nous montrons en laboratoire, c’est que le Covid long a une cause biologique ! », affirme Guilherme Dias de Melo, vétérinaire et chercheur en maladies infectieuses et neuropathologies à l’Institut Pasteur. Quatre-vingts jours après l’infection initiale, le virus du Covid-19 a été retrouvé, toujours infectieux, dans le tronc cérébral de hamsters affectés par des symptômes similaires à ceux du Covid long, démontrent les travaux qu’il a dirigés et publiés dans la revue Nature Communications.
Anxiété, dépression et troubles de la mémoire
« Les animaux infectés 80 jours auparavant présentaient le virus encore infectieux dans le cerveau, où plusieurs voies métaboliques étaient déréglées, ce qui montre que le virus est responsable des symptômes », explique Guilherme Dias de Melo. Ces symptômes, que présentaient uniquement les hamsters infectés par le SARS-CoV-2 (virus du Covid-19), incluaient l’anxiété, la dépression et des troubles de la mémoire, tout comme les patients souffrant de Covid long. L’étude confirme en passant que le hamster, qui contrairement à la souris possède les mêmes récepteurs ACE2 que les humains servant de porte d’entrée au virus, est l’un des premiers modèles animaux fiables du Covid long.
Le virus, toujours infectieux, est caché dans le tronc cérébral
A la base du cerveau des animaux infectés depuis plusieurs semaines, les chercheurs retrouvent l’ARN du virus dans le tronc cérébral, mais en si petite quantité qu’elles sont tout juste détectables. Pourtant, une fois isolés, ces virus sont encore parfaitement capables d’infecter d’autres cellules, 80 jours après l’infection initiale – une durée qui, rapportée à l’espérance de vie des hamsters, pourrait représenter des années humaines.
« On a donc un virus qui survit, qui se multiplie à bas bruit: c’est la partie la plus étonnante ! », commente Guilherme Dias de Melo. « Le SARS-CoV-2 est capable d’envahir le cerveau très tôt, dès le début de la phase aiguë, mais pour des raisons qu’on ne comprend pas encore, il ne se répand pas partout comme dans les poumons, il reste en petite quantité dans ce réservoir. » Les raisons de ce confinement viral constituent le prochain sujet de recherche de l’équipe. « Peut-être que le cerveau n’est pas un environnement propice à la propagation de ces virus, par exemple parce que les récepteurs ACE2 n’y sont pas exprimés en assez grande quantité comme dans les poumons, ou que le métabolisme des cellules et la réponse immunitaires y sont différents », suggère Guilherme Dias de Melo.
Dopamine et glutamate, deux neurotransmetteurs affectés dans le Covid long
Tapis dans le tronc cérébral, le virus cause une inflammation visible par l’activation du système immunitaire inné – de première ligne. Autre conséquence, cette infection discrète dérègle l’expression (niveau d’activation) de plusieurs centaines de gènes à la hausse ou à la baisse. Pour une centaine d’entre eux, la différence est de plus du double (ou, pour une minorité, de la moitié) du niveau normal. « La dérégulation de ces gènes indique un problème de communication des neurones », interprète Guilherme Dias de Melo.
Ces gènes sont en effet impliqués dans la production de deux neurotransmetteurs et récepteurs associés permettant la communication entre neurones, le glutamate et la dopamine, mais aussi dans la production d’énergie nécessaire au bon fonctionnement de ces neurones. Neurotransmetteur le plus abondant dans le cerveau, le glutamate lorsqu’il est déréglé est un signe de mauvaise santé cérébrale. Quant à la dopamine, elle est liée aux émotions, la mémoire et l’apprentissage, justement perturbés chez les malades atteints de Covid long.
Des points communs avec les maladies neurodégénératives
« Ce qui est encore plus intéressant, c’est que les neurones qui produisent la dopamine sont peu nombreux et localisés dans une zone très spécifique du tronc cérébral. Ce sont précisément ceux qui sont détruits dans la maladie de Parkinson », explique Guilherme Dias de Melo. Ces travaux révèlent donc d’importants points communs entre le Covid long et la grande famille des maladies neurodégénératives. « Les neurones des animaux infectés ont une production d’énergie déficitaire, avec une inflammation et réponse immune innée très présente, et une dérégulation du métabolisme des neurotransmetteurs », énumère Guilherme Dias de Melo. « Energie, communication et inflammation sont trois points qui sont aussi à la base des maladies neurodégénératives. »
Bien sûr, cela ne signifie pas que le Covid long donne la maladie de Parkinson ni aucune maladie neurodégénérative, mais que ces deux pathologies sont liées à des mécanismes similaires. Partant de ce constat, d’autres liens pourraient exister. « L’infection virale pourrait-elle être un élément déclencheur d’un processus dans le cerveau qui peut aboutir à ces maladies? Ou persister et de façon cumulative favoriser l’apparition d’une maladie neurodégénérative? », s’interroge Guilherme Dias de Melo. D’autres études devront explorer ces possibilités en observant l’évolution de l’infection sur le plus long terme, dans l’idée d’éventuellement transposer des traitements d’une pathologie à une autre.
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