École Renforce Stéréotype de Genre en Maths en 4 Mois

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École Renforce Stéréotype de Genre en Maths en 4 Mois
École Renforce Stéréotype de Genre en Maths en 4 Mois

Africa-Press – Mali. Après trois ans de classe maternelle, l’ensemble des petites filles et petits garçons se pressent dans la cour, leurs cartables de grands sur le dos. A ce moment-là, leur niveau en mathématiques est équivalent: tous comptent, lisent les chiffres et reconnaissent des suites logiques, entre autres.

Mais seulement quatre mois plus tard, les garçons auront pris une avance significative sur les filles. Et un an après, à l’entrée en CE1, cette avance aura quadruplé, conclut une étude réalisée sur toute la France et publiée dans la revue Nature. Un écart genré qui repose non pas sur une disposition naturelle des garçons pour les mathématiques par rapport aux filles, mais sur nos stéréotypes de genre et nos méthodes d’enseignement.

2,65 millions d’enfants, soit l’intégralité des élèves de CP et CE1 de France

« A l’origine, je recherchais les déterminants de l’apprentissage des tout-petits en français et en mathématiques pour pouvoir les cibler et améliorer leur niveau global. C’est là que je me suis aperçue qu’en maths, le facteur le plus important était le genre », raconte Pauline Martinot, médecin spécialiste en nutrition et santé publique et première autrice de l’étude issue de sa thèse de neurosciences.

L’apparition d’un écart genré (« gender gap » en anglais) en mathématiques à l’âge de six ans a déjà été décrit dans de précédentes études faites sur 2.000 à 16.000 enfants. Mais ces nouveaux travaux sont d’une toute autre dimension, puisqu’ils se basent sur des tests en langage et en mathématiques réalisés sur l’ensemble des 2,65 millions d’élèves de CP et CE1 de France entre 2018 et 2022 !

Des établissements prioritaires aux écoles privées en passant par les écoles Montessori, des familles les plus défavorisées aux plus fortunées, tous les sous-groupes sont représentés selon des effectifs suffisants pour des analyses d’une exceptionnelle robustesse statistique. Et les résultats sont surprenants.

« L’apparition de cet écart genré est très brutale »

« Dans une classe de 20 élèves, en un an de CP, les petits garçons et les petites filles s’espacent d’une place en moyenne dans le classement des mathématiques, toujours en faveur des garçons. C’est énorme », commente Pauline Martinot. Cet écart genré est autant dû à une surperformance des garçons qu’à une sous-performance des filles et est visible dès le quatrième mois d’école.

« Ça ne peut pas être inné car l’apparition de cet écart genré est très brutale, beaucoup plus rapide que le développement cognitif de l’être humain », ajoute la chercheuse. D’autant que de précédentes études ont bien établi que chez les nourrissons, toutes les compétences pré-mathématiques – le sens du nombre et des quantités – sont équivalentes chez les garçons et les filles.

L’école, lieu d’exacerbation des stéréotypes genrés

Mais ce brusque virage genré est-il un effet de l’école ou plutôt de l’âge, de la classe sociale ou des stéréotypes genrés auxquels les élèves sont exposés dans leur famille respective? Pour y répondre, la chercheuse dispose de plusieurs atouts majeurs dans ses données.

D’abord, les élèves français rentrent tous à l’école l’année de leurs six ans, si bien qu’entre un élève né le 31 décembre et un autre né le 1er janvier de l’année suivante, les âges sont identiques mais une année d’école les sépare. « Au même âge, on s’aperçoit que les écarts genrés en maths sont beaucoup plus marqués chez les enfants qui ont fait un an d’école par rapport à ceux qui ne sont pas encore rentrés au CP. Il y a donc vraiment quelque chose qui se passe dans notre manière d’enseigner », conclut Pauline Martinot.

Un second atout majeur permet de confirmer le poids de l’enseignement dans cette différence de performance mathématique: le confinement du Covid-19, qui a obligé les enfants à rester chez eux pendant deux mois et demi en 2020. Surprise, par rapport aux autres années passées à l’école, l’écart genré des compétences en mathématiques non seulement cessait de se creuser, mais diminuait même un peu chez les élèves confinés. « Le résultat nous a tous surpris car on entend beaucoup que les stéréotypes de genre sont plus présents en famille. Mais c’est un fait, les écarts de genre sont beaucoup moins importants quand on reste à la maison, ça a un effet presque protecteur », s’étonne Pauline Martinot. L’école semble donc avoir un effet amplificateur sur cet écart genré en mathématiques.

Les garçons sont plus encouragés à la compétition et la prise de risque

La cellule familiale n’est cependant pas exempte de responsabilités. Ainsi, de façon contre-intuitive, ce sont dans les familles au niveau socio-économique plus élevé que l’écart de niveau en faveur des garçons est le plus important. « C’est retrouvé ailleurs, en Uruguay et aux Etats-Unis notamment », cite Pauline Martinot. « On pense que les stéréotypes de genre sont plus marqués chez ces familles, avec plus de pression sur les petites filles pour qu’elles restent dans le rang et ne fassent pas d’erreur, ce qui augmente leur anxiété, là où les risques et la logique seront encouragés chez les garçons ».

C’est d’ailleurs une mécanique qui joue au global sur la surperformance des garçons et la sous performance des filles en mathématiques. « L’entrée à l’école marque probablement une exposition aux mathématiques avec des exercices anxiogènes et chronométrés qui favorisent les petits garçons, qui ont été plus encouragés à la compétition et à la prise de risques que les petites filles dans les jeux et l’environnement qu’ils ont connus de 0 à 6 ans », explique Pauline Martinot.

Cette surperformance des garçons sous la pression, et l’anxiété menant à une sous-performance en miroir chez les filles, est particulièrement visible dans un test mathématique dit « test de la ligne numérique ». Cet exercice, qui est le plus grand prédicteur des compétences en mathématiques, demande de savoir placer un chiffre sur une ligne non graduée allant de 0 à 10. « C’est un exercice nouveau et pour lequel il y a un gros risque de faire des erreurs et donc à gros potentiel anxiogène, ce qui expliquerait cet écart entre filles et garçons », explique Pauline Martinot. Pour preuve, parmi les tests ciblant les compétences de langage et qui favorisent plutôt les filles cette fois – mais dans une moindre mesure que les garçons en mathématiques – ceux qui sont dominés par les garçons sont justement les tests chronométrés.

Ajuster les méthodes d’enseignement et aménager l’éducation à la maison

« C’est extrêmement encourageant d’avoir mis le doigt sur des choses aussi précises, car ça ouvre un panel de solutions qui ont déjà été appliquées dans le monde », assure Pauline Martinot. Pour lutter contre l’idée reçue des filles nulles en maths par rapport aux garçons, encore très présente chez les enseignants, l’équipe suggère d’apprendre aux filles à gérer leur anxiété, les interroger autant que les garçons, valoriser l’effort autant que le résultat et leur montrer des « role models », ces exemples de personnes inspirantes auxquelles s’identifier. L’étude montre d’ailleurs que l’écart genré en mathématiques est moindre lorsque le premier de la classe est une fille.

« On sait que ça marche ! », appuie Pauline Martinot, dont les travaux défendent la mise en place précoce de ces mesures, avant que les filles n’intègrent trop fortement les stéréotypes de genre qui leur sont défavorables et qu’elles n’accumulent un trop grand retard en mathématiques. Les institutrices elles-mêmes, majoritairement des femmes, devraient également combattre les idées fausses sur leurs propres faiblesses en mathématiques qu’elles pourraient attribuer à leur genre et transmettre à leurs élèves. Enfin, les familles aussi ont leur rôle à jouer. « Il faut encourager autant les garçons que les filles à avoir des jeux de construction et de logique, des jeux chronométrés et qui encouragent à la prise de risques », conclut Pauline Martinot.

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