Africa-Press – Mali. Il serait faux de penser que la ville est dénuée d’espèces sauvages capables de revenir en milieu urbain. Lorsqu’une métropole se construit, le vivant se réinstalle et développe diverses stratégies adaptatives pour évoluer en son sein. Les corbeaux par exemple modifient leur comportement, tirant profit des éléments humains en milieux urbains. Les corvidés laissent tomber leurs aliments au niveau de routes fréquentées dans l’optique qu’ils soient tués et écrasés par les véhicules, et les rapaces nécrophages (se sustentant d’individus déjà morts) se nourrissent dans les animaux tués aux abords des axes routiers.
En ce sens, l’Américain Vladimir Dinets a rapporté le comportement étonnant d’un jeune épervier. Ce rapace diurne, dont l’alimentation est constituée d’oiseaux de taille moyenne et de petits mammifères (tels que l’écureuil), semble adapter son comportement de chasse en fonction des files d’attente de voitures dans la ville. Le zoologiste publie ses observations dans la revue Frontiers.
L’épervier utilise le signal sonore pour déclencher son attaque
L’épervier de Cooper (Accipiter cooperi) a commencé à se servir des villes comme lieu de reproduction et d’hivernage dans les années 1970, devenant rapidement un colonisateur urbain aux côtés d’autres rapaces comme le faucon crécerelle. C’est dans la ville de West Orange, dans le New Jersey (États-Unis), que Vladimir Dinets observe à plusieurs reprises, entre 2021 et 2022, un jeune épervier de Cooper chasser à l’intersection de deux rues. Le rapace avait pris l’habitude d’attaquer de petits oiseaux (moineaux, tourterelles ou étourneaux) attirés par les miettes jetées devant une maison voisine.
Pour ce faire, l’épervier utilise les automobiles comme couverture pendant son offensive. Les rues, généralement peu fréquentées, voyaient se former le matin pendant les heures de pointe des files de voitures lors des feux rouges. Lorsqu’un piéton appuie pour traverser, l’attente devient plus longue et la file, au lieu d’atteindre la quatrième maison, s’étend jusqu’à la dixième.
Lorsque A. cooperi entend le signal sonore annonçant l’activation du feu piéton, il se perche dans un arbre en attendant que les voitures s’alignent, masquant ainsi sa présence. Une fois la file de véhicules suffisamment longue, il s’envole à très basse altitude le long du trottoir, avant de faire un virage brusque et attaquer par surprise ses proies. Le son prédisant l’allongement du temps d’attente, et donc de la file de voitures, est un repère que le rapace reconnaît et exploite pour commencer son schéma offensif.
Un exemple peu surprenant mais une planification spatiale complexe et rare
Ce mode opératoire n’est pas surprenant. Les individus du groupe des Accipiter, rapaces plutôt spécialisés dans la chasse en milieu boisé, sont réputés pour exploiter ce qui les entourent comme couverture pour se rapprocher de leurs proies. Ils n’hésitent pas à patienter, parfois longuement, dans l’attente du moment propice à l’attaque. Le contexte urbain implique l’utilisation des structures humaines, ici les voitures, comme couverture.
L’exemple de A. cooperi à West Orange nécessite la reconnaissance du lien entre le signal sonore et la formation d’une file de voitures suffisamment longue pour masquer son approche. Cette conduite repose aussi sur une carte mentale précise de l’environnement pour atteindre une proie invisible jusqu’au dernier moment, une forme de planification spatiale jusque-là observée principalement chez les corvidés et certains mammifères.
Des pressions urbaines conditionnant de nouvelles stratégies adaptatives
Des recherches ont montré que certaines espèces de rapaces, comme le faucon crécerelle, adoptent des techniques de chasse innovantes en milieu urbain, telles que la chasse à partir de perchoirs artificiels ou l’exploitation de la lumière artificielle nocturne pour capturer des proies désorientées.
Plus largement, les goélands présents en ville ajustent leurs comportements et les horaires de recherche de nourriture en fonction des activités et infrastructures humaines. Par exemple, ils peuvent synchroniser leur recherche alimentaire à des moments spécifiques tels que les pauses scolaires et l’ouverture des centres de déchets. Ces comportements illustrent la flexibilité comportementale des oiseaux face aux pressions du milieu urbain.
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