Tatouage : des effets bénéfiques ou néfastes sur le système immunitaire ?

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Tatouage : des effets bénéfiques ou néfastes sur le système immunitaire ?
Tatouage : des effets bénéfiques ou néfastes sur le système immunitaire ?

Africa-Press – Mali. La peau est surnommée “la première barrière de l’organisme”. Et pour cause, il suffit d’une écharde dans la peau ou d’une petite coupure pour voir le système immunitaire s’activer face à un corps étranger : la peau est gonflée, rouge et chaude. Alors, imaginez une aiguille contenant de l’encre qui ferait jusqu’à 180 allers et venues par seconde. Le tatouage provoque, lui aussi, une réaction immunitaire de la peau dont on comprend de mieux en mieux le fonctionnement.

Si la peau est considérée comme la première protection de l’organisme, c’est parce qu’elle contient des cellules de Langerhans, spécialisées dans l’activation du système immunitaire lorsqu’elles détectent une agression. De la famille des cellules dendritiques, elles permettent aux lymphocytes de détecter les corps étrangers comme les bactéries et les virus. “Après un tatouage, il est normal de constater une réaction inflammatoire. La zone est rouge, douloureuse et gonflée. C’est dû à l’action des polynucléaires neutrophiles (des globules blancs, spécialisés dans les bactéries et les champignons, ndlr), envoyés par le système immunitaire qui a détecté une anomalie. Mais cette réaction va se tasser, l’inflammation va s’estomper et les pigments vont rester dans le derme”, explique le Dr Nicolas Kluger, dermatologue à l’hôpital universitaire d’Helsinki en Finlande et en charge de la consultation “tatouages” de l’hôpital Bichat à Paris.

Un cycle infini de capture et de libération de l’encre de tatouage

Mais si le système immunitaire est capable de se défendre, de refermer les plaies et de faire disparaître les brûlures, comment se fait-il que l’encre reste sous la peau pendant des dizaines d’années ? On a durant un temps pensé que le tatouage teintait les cellules de la peau, les fibroblastes, qui constituent le tissu conjonctif, l’enveloppe des tissus et des organes. Plus tard, la recherche supposait que l’encre était engloutie par les macrophages, chargées de phagocyter les particules étrangères et qu’ils gardaient ensuite le pigment en eux jusqu’à leur décès. Une équipe du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy semble toutefois avoir découvert pourquoi les tatouages ne disparaissent pas, chassés par le système immunitaire.

Dans leur essai publié dans le Journal of experimental medicine, les chercheurs ont mis au point une souris génétiquement modifiée dont les macrophages du derme se détruisent. Au fil du temps, l’équipe a constaté que de nouveaux macrophages naissaient à partir de ceux en train de mourir. En tatouant la queue de la souris, ils se sont aperçus que malgré la mort programmée des macrophages, le tatouage ne s’estompait pas. La raison : “l’encre déposée hors des cellules, entre les faisceaux de collagène, va être mangée par les macrophages. Or ce dernier ne sait pas le digérer et le garde en lui. Quand le macrophage meurt, un autre vient manger le pigment resté dans la peau, jusqu’à son décès et jusqu’à ce qu’un prochain macrophage ne l’avale”, explique le Dr Kluger. Un cycle infini de capture et de libération de l’encre qui expliquerait la persistance des tatouages. L’encre passant de cellule en cellule, ce phénomène pourrait aussi contribuer au fait que les tatouages deviennent moins nets avec le temps. Il pourrait aussi expliquer pourquoi il est si difficile d’effacer un tatouage, même avec de nombreuses séances au laser.

“Il existe un cas très rare de tumeur, le kératoacanthome”

L’encre reste-t-elle donc indéfiniment dans le derme de la peau ? En partie, oui. Mais elle peut aussi migrer vers d’autres endroits dans le corps, notamment dans les ganglions. Cet effet peut s’observer à l’œil nu, lors d’une ablation des ganglions, qui sont alors teintés. En effet, le derme est irrigué de vaisseaux sanguins et lymphatiques. Une partie de l’encre du derme peut être éliminée par la lymphe et venir colorer les ganglions. “Les tatouages sur les bras peuvent rejeter des pigments dans les ganglions axillaires (des aisselles), ceux sur les jambes dans les ganglions inguinaux (dans l’aine) et les tatouages sur le dos peuvent en rejeter un peu partout, car le réseau lymphatique est très développé dans cette zone”, explique le Dr Kluger. Ces ganglions, même colorés par les pigments, vont bien. “Il ne se passe rien, on ne constate pas d’infection à répétition. Si le ganglion se met à gonfler longtemps après le tatouage, cela peut être dû à autre chose que le tatouage, notamment un lymphome ou un cancer. Un risque qu’il faut tout de suite prendre en compte dans le suivi médical.” Et sur le risque de cancer dû au tatouage, aucun lien n’a été trouvé pour le moment. “Il existe un cas très rare de tumeur, le kératoacanthome, une tumeur réactive après un traumatisme, qui intervient surtout sur des encres rouges. Ils sont retirés chirurgicalement”, explique le spécialiste.

Est-ce que les personnes qui se font régulièrement tatouer ont un meilleur système immunitaire que les autres, car il serait plus “en alerte” ? “Certaines études ont été menées sur des populations très tatouées en Alabama. Mais elles ne sont pas très sérieuses et sont pilotées par des anthropologues et non des médecins. En l’absence d’étude clinique solide, on ne peut rien en conclure.” Et au contraire, est-ce que si les macrophages sont trop occupés à avaler les pigments des tatouages, ils sont alors moins disponibles pour protéger l’organisme contre d’autres agressions extérieures ? Rien ne va dans ce sens non plus. Une étude menée par l’Université de Melbourne en Australie a essayé de mélanger de l’encre de tatouage à un vaccin, afin d’observer la réponse immunitaire de l’organisme. Aucun effet remarque n’a été constaté, ni dans la réponse immunitaire, ni sur le fonctionnement du vaccin.

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