Assimi Goïta Président pour Cinq Ans Renouvelables

1
Assimi Goïta Président pour Cinq Ans Renouvelables
Assimi Goïta Président pour Cinq Ans Renouvelables

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Dans un contexte politique controversé, le Mali a connu un changement radical de régime sous la direction du général Assimi Goïta, qui est passé du statut de chef d’État militaire à celui, probablement, de « président à vie » grâce à une série de décisions qui ont suscité des critiques locales et internationales.

Ce dossier révèle un peu comment le pays est passé d’un système démocratique à un régime militaire absolu.

Le général Assimi Goïta, s’est octroyé un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable « autant de fois que nécessaire », sans tenir d’élections, selon une loi qu’il a signée, le mardi 8 juillet 2025, et publiée dans la journée du jeudi, soit deux jours après sa signature.

L’approbation de cette loi par Goïta fait suite à celle de l’assemblée législative nommée par l’armée, la semaine dernière.

En vertu de cette loi, Goïta sera autorisé à diriger ce pays d’Afrique de l’Ouest jusqu’en 2030 au moins, malgré l’engagement pris par le gouvernement militaire en mars 2024 de revenir à un régime civil, et peut-être au-delà.

Cette loi est la dernière d’une série de mesures restrictives imposées par les dirigeants militaires maliens pour consolider leur pouvoir, sachant que le mois dernier, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi autorisant Goïta à « demeurant président pendant cinq ans, renouvelable pour des durées indéterminées », jusqu’à ce que la paix règne dans le pays.

Il faut dire que Goïta a obtenu un soutien populaire important depuis qu’il avait déclaré son rejet de l’intervention étrangère dans le pays, une position qui a conduit à une rupture avec la France, ancienne puissance coloniale du Mali.

Par ailleurs, les consultations nationales menées par la junte militaire se sont conclues par la recommandation de proclamer Goïta président sans élections pour un mandat renouvelable de cinq ans, autant de fois.

• Un virage sans surprise vers un enracinement du pouvoir militaire

Dans une décision qui a suscité la controverse tant au Mali qu’à l’étranger, le Parlement, nommé par l’armée, avait voté « POUR », en faveur d’un projet de loi accordant à l’actuel chef de la junte militaire un nouveau mandat présidentiel de cinq ans renouvelable sans scrutin. Cette décision creuse le fossé entre les slogans démocratiques et la réalité vécue dans un pays qui souffre depuis des années de troubles sécuritaires et politiques.

Pour rappel, l’Assemblée nationale, boycottée par la plupart des formations politiques, avait recommandé la dissolution des partis politiques et le durcissement des règles régissant leur formation, et en mai de l’année en cours, le conseil militaire avait annoncé la dissolution de tous les partis et organisations politiques et interdit les réunions.

Cette nouvelle décision ouvre la voie au maintien au pouvoir de l’actuel chef militaire et au palais de Koloba à Bamako, autant qu’il le déciderait, en violation flagrante des promesses faites par l’armée après sa prise de pouvoir, avec l’engagement de ramener le pays à un régime civil vers mars 2024. Cependant, la réalité indique désormais un retrait progressif de cet engagement et la consolidation du régime militaire dans sa forme la plus froide.

L’adoption de cette loi ouvre un nouveau chapitre de controverse, sachant que le Parlement intérimaire, composé de 147 membres nommés par le conseil militaire, avait voté massivement en faveur du projet de loi avant qu’il ne soit soumis au président militaire lui-même pour signature.

Cela a renforcé formellement sa position de « président de la République », et non plus seulement celle de président de transition, et lui a fourni une couverture juridique pour prolonger son mandat sans élections ni mandat populaire.

• Dans les coulisses de la prolongation: justifications du pouvoir et crise démocratique

Plus que satisfaits, les dirigeants militaires justifient cette mesure par la nécessité de « rétablir la stabilité sécuritaire et combattre les groupes armés » opérant dans de vastes zones du pays, notamment après l’escalade des attaques djihadistes ces derniers mois. Cependant, les observateurs estiment que cette approche ramène le Mali à l’autoritarisme et ouvre la voie à la répression de l’opposition et à la restriction des libertés, notamment après l’interdiction des partis politiques il y a plusieurs mois.

Ainsi, on constate que le paysage politique se dirige vers un gel complet, du fait que la nouvelle réalité au Mali ne se limite plus à la prolongation du mandat de l’armée, mais s’étend désormais à « l’absence totale d’institutions démocratiques », en confirmant clairement la volonté des autorités de faire taire toute voix dissidente.

• Retour sur le décret signé par Goïta

La loi, promulguée le 10 juillet 2025, accorde à Goïta un mandat de cinq ans renouvelable « autant de fois que nécessaire », sans processus électoral. Le texte stipule qu’il restera au pouvoir jusqu’à « la pacification du pays », une condition vague qui pourrait enraciner indéfiniment son règne.

Toutefois, la durée du mandat pourrait théoriquement être écourtée si des conditions pour des élections « transparentes et apaisées » soient réunies, mais cette clause reste floue, sinon impossible.

Cette loi, faisant apparaître une violation flagrante de la Constitution et des principes démocratiques, consacre un pouvoir autocratique, avec des similitudes aux régimes « à vie » observés ailleurs en Afrique, met en avant une absence de calendrier électoral crédible et une répression politique qui laissent peu d’espoir pour un retour à la démocratie dans un proche avenir.

D’autant plus que la justice malienne avait confirmé, quant à elle, la décision de dissolution des partis après avoir rejeté les recours déposés par l’opposition.

• Réactions et implications

La junte invoque tout le temps la lutte contre le terrorisme, notamment la guerre contre les groupes armés liés à Al-Qaïda et à Daech, pour légitimer son maintien au pouvoir. Cependant, l’armée malienne et ses alliés russes de l’Africa Corps (ex-Wagner), sont accusés d’exactions contre des civils.

Cette situation a accouché d’une situation qui rappelle les régimes autoritaires qui utilisent des slogans de sécurité et de stabilité pour justifier l’abolition du pluralisme politique dans le pays, en plus de ce qui suit:

-/- Soutien local divisé

Certains Maliens expriment leur soutien sur les réseaux sociaux, évoquant la stabilité, tandis que d’autres dénoncent une dictature pure et simple.

-/- Une répression des voix discordantes: Les manifestations critiques, comme celle du 3 mai 2025 à Bamako, ont été surveillées et réprimées.

-/- Une opposition qualifiant la décision prise par Assimi Goïta, son Parlement, et les dirigeants de l’Armée, comme étant: un « vol politique déguisé en loi ».

-/- Isolation régionale

Le Mali, membre à part entière autant que le Niger et le Burkina Faso au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), s’éloigne de plus en plus des normes démocratiques régionales.

• Assimi Goita, ou l’homme fort malien qui a renversé deux présidents en moins d’un an

Il faut se rendre à l’évidence que le président Goïta est un soldat « dur » qui aime les défis. Il s’est imposé sur la scène politique et militaire malienne en 2020 en menant le premier coup d’État contre le président élu « Ibrahim Boubacar Keïta », et en mai 2021, il a renversé le président de transition Bah N’Daw et Moctar Ouane

Justifiant la perturbation du processus de transition causée par ce coup d’État militaire, Goïta a reproché au président et au Premier ministre d’avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, affirmant que « cet acte démontre une intention claire du président de la transition et du Premier ministre de violer la charte de transition, car il aurait été prouvé qu’il existe une intention de saboter le processus de transition ».

Ce militaire reste au centre de l’attention de l’opinion publique africaine et internationale, d’autant plus qu’il est devenu un acteur clé de la gouvernance malienne, dans un pays fortement dépendant de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Ceci explique l’inquiétude de nombreuses puissances internationales, France en tête, face à l’instabilité que connaît le Mali. Le président français Emmanuel Macron, dont le pays a déployé plus de 5 000 soldats contre les djihadistes au Sahel, a parlé de « coup d’État dans le coup d’État », ce qui est inacceptable.

Au début, peu d’informations sur sa vie personnelle et professionnelle ont filtré, avant que l’armée malienne ne publie un portrait de lui dans les médias, décrivant brièvement le parcours d’un jeune soldat considéré comme cherchant prudemment le pouvoir.

En moins d’un an, le nom d’Assimi Goïta est devenu une figure clé de la gouvernance malienne, captivant l’attention du public sur le continent et au-delà, d’autant plus que son pays joue un rôle central dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

• Une confiance ébranlée en Goïta et son Armée

Il semble que la confiance des Maliens envers Goïta et l’armée en général soient en quelque sorte un peu ébranlée depuis le second coup d’État de 2021.

Initialement accueillie favorablement par une population en colère contre l’insécurité et la corruption, l’armée a cette fois fait l’objet de nombreuses critiques pour ses ambitions apparentes de pouvoir.

Selon le sociologue Brima Elie Dicko: « ce que nous vivons aujourd’hui au Mali est une conséquence logique des failles du début de la transition », résultant de l’exclusion par l’armée des partis politiques et des organisations de la société civile qui avaient mené le mouvement de protestation contre le régime précédent pendant des mois.

On peut également déceler que les troubles actuels au Mali suggèrent à certains observateurs que Goïta vise peut-être un monopole du pouvoir.

Dans ce contexte, la communauté internationale assure qu’elle n’accueille pas favorablement les actions militaires de Goïta, et l’armée en général est consciente qu’il n’est pas dans son intérêt de s’isoler sur la scène internationale face à la menace terroriste qui plane sur le pays.

Pour conclure, on peut s’attendre à des situations « rocambolesques » qui pourraient éclater d’un jour à l’autre, soit entre les dirigeants militaires « ambitieux » et leur Chef suprême Goïta, soit entre le président et l’opposition si cette dernière trouverait le moyen de s’unir et de se renforcer avec un soutien du peuple.

Néanmoins, ceux qui pourraient à la rigueur se dresser face à Assimi Goïta, ce seront probablement des militants politiques, qu’ils soient issus de la société civile, ou des secteurs journalistiques et médiatiques, ou encore d’artistes, tous ont en commun de critiquer ouvertement la junte militaire au pouvoir au Mali, à un moment où toute activité politique fût interdite par les autorités de la transition, et qu’on peut qualifier de visages d’une opposition malienne en pleine mutation.

Par ailleurs, en s’orientant vers la dissolution des partis politiques, Assimi Goïta aurait sûrement oublié le fameux dicton: « Ne réveillez pas un lion qui dort ».

C’est pourquoi on peut d’ores-et-déjà supposer que l’opposition politique à la junte au pouvoir au Mali semble avoir trouvé un second souffle, et ce, depuis l’annonce de la disparition orchestrée des organisations politiques et de la loi signée par Goïta.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here