Assimi Goïta Renoue avec les États-Unis

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Assimi Goïta Renoue avec les États-Unis
Assimi Goïta Renoue avec les États-Unis

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. L’envoyé spécial des États-Unis, Rudolph Atallah, a conclu dimanche 13 juillet 2025 sa visite de plusieurs jours à Bamako, la capitale malienne, par une offre officielle aux autorités maliennes visant à renforcer la coopération sécuritaire et militaire entre les deux pays.

Il a déclaré: « Je suis ici en tant qu’envoyé de la Maison Blanche. Je suis venu offrir nos services aux autorités maliennes. Nous disposons de l’armée la plus puissante du monde, nous produisons les armes les plus sophistiquées et nous sommes les mieux placés pour lutter contre le terrorisme ».

Revenant sur les relations entre le Mali et la Russie, il a déclaré: « C’est une décision souveraine que nous respectons, mais le Mali reste un pays important pour nous ».

De leur côté, les autorités maliennes ont insisté sur trois points clés pour toute coopération extérieure:

a) le respect de la pleine souveraineté du Mali,

b) le respect de ses choix stratégiques,

c) et la priorité absolue accordée aux intérêts du peuple malien.

Rudolph Atallah a tenu une série de réunions avec des représentants du gouvernement, notamment le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Sécurité.

Il n’a toutefois pas rencontré le président de transition Assimi Goïta ni le ministre de la Défense Sadio Camara, connu pour ses liens étroits avec la Russie, ce qui témoigne de la sensibilité de l’équilibre des forces internationales au Mali.

• William B. Stevens prend la relève à Rudolph Atallah à Bamako

Le sous-secrétaire d’État adjoint aux Affaires ouest-africaines et envoyé spécial pour le Sahel, William B. Stevens, s’est rendu à son tour à Bamako, la capitale du Mali, les 21 et 22 juillet de cette année, lors d’une visite officielle axée sur la sécurité et l’économie, dans une étape où les États-Unis ont renouvelé leur soutien aux efforts du Mali pour lutter contre les groupes armés dans la région du Sahel.

M. Stevens a déclaré que « la lutte contre le terrorisme est une responsabilité partagée », soulignant que les groupes armés représentent une « menace directe pour les États-Unis » et que la coopération avec le Mali est une « priorité » pour son pays.

L’envoyé américain a confirmé les efforts continus de Washington pour tarir les sources de financement des groupes armés et renforcer la coopération avec les autorités maliennes dans ce domaine.

Il a également discuté des opportunités de coopération économique avec les responsables maliens, annonçant l’ouverture prochaine de la Chambre de commerce américaine à Bamako, afin d’encourager les investissements et de développer les échanges commerciaux entre les deux pays.

• Pourquoi donc les Etats-Unis ont-ils frappé aux portes du Mali?

À l’heure où les cartes de l’influence géopolitique au Sahel africain se redessinent, Washington tente de reprendre pied dans une région qui commence à échapper aux puissances occidentales au profit d’autres puissances.

Les analystes qui se sont exprimés sur ce revirement, estiment que la visite de l’envoyé américain Rudolph Atallah au Mali confirme que « Washington entre cette fois dans la course avec un nouveau discours fondé sur le respect de la souveraineté, des partenariats non basés sur la dépendance, et une tentative de rompre ses liens avec l’héritage français, devenu localement inacceptable, en échange d’une limitation de la pénétration d’autres pays comme la Russie ».

Lesdits analystes soulignent que la visite d’Atallah à Bamako constitue un premier test de la volonté de retour de Washington et de la capacité du Mali à manœuvrer entre les axes internationaux sans tomber dans le piège de l’alignement, sachant que l’envoyé américain a proposé officiellement de renforcer la coopération sécuritaire et militaire entre les États-Unis et le Mali, affirmant la volonté de Washington d’apporter son plein soutien aux autorités maliennes.

Il importe de rappeler que la position des puissances occidentales traditionnelles a reculé, et de nouvelles puissances comme la Russie et la Turquie ont pris le dessus, profitant du vide créé par le retrait des États-Unis et de la France.

Par ailleurs, les États-Unis perçoivent avec une inquiétude croissante l’expansion de l’influence russe au Sahel africain, et les analyses ont précisé que cette situation fait suite à l’arrivée sur le terrain du Groupe Wagner ou de ses alternatives, représentées par l’Africa Corps russe, comme c’est le cas au Mali, au Burkina Faso et au Niger.


• Une nouvelle porte qui s’ouvre probablement pour les Africains

Les experts en affaires africaines et les observateurs estiment que le Mali est en train d’établir des relations avec tout partenaire sérieux et est prêt à accepter le principe du respect de sa souveraineté, affirmant que la visite de l’envoyé américain au Mali le confirme, tout en espérant qu’elle ouvrira la voie à une coopération équilibrée et mutuellement avantageuse, sans compromettre le rapprochement de Bamako avec Moscou, souhaité par les dirigeants maliens actuels.

Ils ont indiqué entre-autres: « Nous pensons que les États-Unis cherchent à rester proches du Mali et à nouer des partenariats stratégiques, afin de ne pas laisser de vide à la Russie et à ses alliés », poursuivant: « Plus les autorités maliennes seront attentives et se concentreront sur tout ce qui protège leur gloire et leurs intérêts dans le cadre de ces partenariats, plus elles en tireront profit ». Cela leur donnera l’opportunité de s’imposer et de tirer profit de la concurrence entre ces deux puissances.

Néanmoins, les États-Unis n’engageraient pas de coopération militaire directe avec le Mali dans un premier temps, car il est fort possible que les relations entre les États-Unis et le Mali se développeront lentement dans d’autres domaines, notamment l’économie, la culture et le développement.

Bamako pourrait rejeter les relations sécuritaires et militaires avec les États-Unis pour le moment, car le Niger et le Burkina Faso pourraient s’y opposer, et tous espèrent que cette visite produira des résultats positifs et ouvrira la voie au rétablissement des relations entre les deux pays, ainsi qu’entre Washington, d’une part, et le Niger et le Burkina Faso, d’autre part.

• Pas encore de feuille de route officielle

Bien que la visite de l’envoyé américain n’ait pas abouti à la signature d’accords formels, les deux parties ont convenu d’une feuille de route technique, incluant des réunions au niveau des experts en sécurité. Cela pourrait constituer un test pour la possibilité de rétablir la confiance entre les deux parties.

D’ailleurs, on s’aperçoit que les autorités maliennes cherchent à diversifier leurs partenaires sans tomber dans la dépendance d’un axe particulier.

Les observateurs et experts des affaires africaines estiment que les premiers résultats de la visite sont limités sur le plan institutionnel, mais qu’ils sont significatifs sur le plan symbolique, car ils permettent la reprise du dialogue officiel après une interruption de plus de trois ans. De plus, l’accent mis par les États-Unis sur le respect de la souveraineté marque un changement dans l’approche américaine envers les pays du Sahel.

Selon eux, la visite de l’envoyé américain à Bamako intervient à un moment extrêmement délicat, à un moment où les États-Unis cherchent à tout acheter, même par la force, car « Les prix proposés varient entre incitation et intimidation, aide, menaces ou partenariats. Certains sont justes et équitables, tandis que d’autres sont injustes et inéquitables.

Il importe de rappeler que, depuis le changement de régime en 2021, le pays a réduit sa dépendance à l’égard de ses partenaires occidentaux, notamment la France, et a commencé à consolider ses relations avec la Russie d’une manière sans précédent dans tous les domaines, notamment militaire, sachant que le Mali connaît actuellement une évolution stratégique de ses alliances internationales.

• Opportunités économiques et investissements

Les États-Unis ont annoncé d’ailleurs la création d’une Chambre de commerce américaine au Mali pour faciliter les investissements privés, un domaine où la Russie est moins présente. Le président malien, Assimi Goïta, confronté à des défis économiques, pourrait y voir un moyen de relancer l’économie malienne et de légitimer son régime auprès d’une population fragilisée par les crises.

Certes, la visite successive des deux envoyés américains revêt une importance politique évidente, indiquant que Washington n’a pas renoncé à son influence au Mali et cherche à se repositionner par le biais d’instruments « non français », notamment des offres directes de coopération en matière de sécurité et de renseignement.

Dans ce contexte, on constate que l’alliance euro-américaine en Afrique n’est plus aussi forte qu’elle l’était après le retrait des forces militaires françaises et l’émergence d’une concurrence entre elles.

Selon des fuites et des déclarations officielles, les deux envoyés américains ont fait une offre officielle de renforcement de la coopération sécuritaire et militaire avec le Mali, en mettant l’accent sur la formation des forces armées maliennes, le partage de renseignements sur les groupes terroristes et la fourniture d’une assistance logistique et technique pour faire face aux menaces extrémistes, notamment dans le centre du Mali et dans la région frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

On croit savoir également que Washington a également laissé entendre sa volonté de soutenir le Mali sur les plans économique et humanitaire s’il se repositionne dans ses relations internationales.

• Washington craindrait le rapprochement du Mali avec la Russie

Dans un paysage politique marqué par de profonds changements dans la carte d’influence au Sahel, le président malien, le général Assimi Goita, s’est rendu à Moscou, du 23 au 26 juin 2025, dans le cadre d’une visite porteuse de messages politiques et stratégiques. La Russie cherche à étendre son influence dans la région, profitant du vide laissé par les puissances occidentales traditionnelles et de la volonté des régimes africains de diversifier leurs alliances.

Cette visite intervient dans un contexte d’escalade des attaques de groupes armés dans son pays, victime de coups d’État depuis 2012 et d’un vide sécuritaire suite à la rupture avec la France en 2022. Moscou est également fortement présent au sein de l’« Alliance des Etats du Sahel » (AES), qui regroupe également le Burkina Faso et le Niger.

Elle comprend des discussions sur la coopération dans les domaines de la sécurité et de l’énergie, et est perçue par les experts des affaires africaines comme une visite qui s’étend au-delà des frontières du Mali, soulignant que les relations entre Bamako et Moscou sont susceptibles de renforcer considérablement la coopération dans les domaines de la sécurité et de l’énergie dans les années à venir.

Par ailleurs, la rencontre de Goïta avec le président russe Vladimir Poutine a porté sur les investissements, la coopération commerciale et économique, ainsi que sur l’actualité régionale et internationale, selon un communiqué publié par le Kremlin. La visite se poursuivra jusqu’au 26 juin, selon la télévision malienne, qui a confirmé qu’elle sera « l’occasion d’aborder la coopération entre Bamako et Moscou, en se concentrant sur plusieurs domaines, notamment la sécurité, l’énergie et les transports ».

Pour rappel, Goita a rencontré le président russe Vladimir Poutine en juillet 2023 lors du sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, où Moscou a décrit le Mali comme un partenaire stratégique en Afrique de l’Ouest.

D’ailleurs on s’attend de voir aboutir la signature de nouveaux accords bilatéraux, notamment un accord final de coopération sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, après des mois de préparation et de négociations techniques et politiques. Le 17 juin dernier, le président malien a posé la première pierre d’une nouvelle usine de traitement d’or à Bamako, la capitale, un projet conjoint entre le Mali et la Russie. Cette étape renforce la coopération économique entre les deux pays, selon Russia Today à l’époque.

Ces experts pensent que le Mali pourrait chercher à tirer profit de la concurrence internationale sur son propre sol en ouvrant des canaux doubles avec Moscou et Washington, sans avoir à s’aligner unilatéralement, et s’attendent à ce que les relations entre le Mali et la Russie ne soient pas affectées négativement, à moins que Washington ne pose le retrait du Groupe Wagner ou une réduction de la coopération russe comme condition à l’obtention de son aide, ce que Bamako rejetterait clairement.

Ils estiment entre-autres que le Mali ne retournerait pas au giron occidental sous sa forme traditionnelle, mais était ouvert à des relations pragmatiques avec tous, à condition que sa souveraineté et ses décisions nationales soient respectées.

Ils ont déclaré également que les États-Unis pourraient trouver une occasion d’étendre à nouveau leur influence, à condition qu’ils fassent preuve de compréhension de la nouvelle réalité au Sahel et se détachent de l’héritage français, devenu un fardeau politique dans la région, sans toutefois s’opposer directement et conditionnellement aux relations Malo-russes.

De facto, Goïta relance la coopération avec les États-Unis par pragmatisme: sécuritaire (renseignement, lutte anti-terroriste), économique (investissements), et diplomatique (équilibre des alliances). Cette stratégie lui permet de diversifier ses soutiens sans renoncer à son partenariat clé avec la Russie, tout en répondant aux besoins immédiats du Mali.

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