Par Manon Laplace
Africa-Press – Mali. Les avocats Kassoum Tapo et Mohamed Ali Bathily font l’objet d’une plainte du Collectif de défense des militaires (CDM), une association pro-junte, pour des propos tenus l’un envers l’autre en 2020… Sans qu’eux-mêmes n’y aient jamais donné de suite judiciaire.
Une plainte contre Me Mohamed Ali Bathily pour ses propos tenus contre Me Kassoum Tapo. Une plainte contre Me Kassoum Tapo pour ses propos tenus contre Me Mohamed Ali Bathily. Ainsi résumée, l’affaire pourrait ressembler à une simple joute verbale que deux avocats – et adversaires politiques – auraient décidé de porter devant les tribunaux.
Mais elle n’est pas si simple. S’ils font chacun l’objet d’une plainte déposée le 4 mai dernier, les deux hommes, qui furent tous deux gardes des sceaux, ne s’accusent pas mutuellement. À l’origine des deux plaintes, que Jeune Afrique a pu consulter, se trouve un autre acteur : le Collectif de défense des militaires (CDM).
Cette association souverainiste et pro-junte, née sous la transition, multiplie les attaques en règle contre tous ceux qu’elle considère comme des « ennemis du Mali ». Hommes politiques, médias, puissances étrangères : le CDM affiche un tableau de chasse déjà bien étoffé.
« Simulation d’infraction »
C’est désormais au tour des deux ténors du barreau bamakois d’être dans le viseur du CDM, qui a déposé plainte contre maîtres Tapo et Bathily pour « simulation d’infraction ». Un délit présumé faisant référence à des propos tenus du temps où le premier était le ministre de la Justice d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et le second défilait dans la rue pour exiger la démission de l’ancien chef de l’État.
Le CDM reproche à Kassoum Tapo d’avoir « déclaré publiquement via les réseaux sociaux que Mohamed Aly Bathily […] a vendu 27 immeubles de l’État ». Quant à ce dernier, le CDM l’indexe pour « avoir déclaré publiquement via les réseaux sociaux un détournement de 04 milliards de francs CFA […] par Maître Kassoum Tapo », lorsque celui-ci était président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) en 1997.
Des propos auxquels les deux robes noires n’avaient donné aucune suite judiciaire. Pour Me Bathily, qui se dit « bon ami » avec Me Tapo, la plainte vise surtout à « opposer » les deux avocats.
Front commun derrière Ras Bath
Récemment, on les a vus faire front commun lors d’une conférence de presse pour défendre la cause de Ras Bath. De son vrai nom Youssouf Bathily, ce militant et animateur radio, qui n’est autre que le fils de Me Mohamed Ali Bathily, est défendu par Me Tapo dans une plainte qui le vise, lui-aussi, pour « simulation d’infraction ».
Un dossier traité par Idrissa Hamidou Touré, le procureur de la commune IV de Bamako, que ses détracteurs décrivent volontiers comme un magistrat « zélé » et « prêt à tout » pour se faire bien voir des autorités de transition. Tout, y compris politiser sa juridiction ? C’est lui, en tout cas, qui traite la plupart des dossiers visant des hommes politiques. C’est à lui, aussi, qu’ont été adressées les deux plaintes visant maîtres Tapo et Bathily.
Convocations
Contacté par Jeune Afrique, Kassoum Tapo n’a pas souhaité commenter l’affaire. Convoqué devant le commandant de la brigade d’investigation judiciaire, le 13 juillet, il a refusé de se présenter, arguant, dans un courrier, « l’incompétence » du procureur à l’origine de sa convocation.
Me Bathily, lui, s’est présenté ce même jour au commissariat du 14e arrondissement de Bamako, où il a été entendu pendant plusieurs heures. « À défaut du moindre fait incriminant, aucun procès verbal d’audition n’a pu être établi car j’ai refusé de répondre aux questions relatives à mes propos », explique-t-il, réfutant toute simulation d’infraction.
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