Au Mali, MENAKA prise dans les filets de Daech ou simple propagande ?

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Au Mali, MENAKA prise dans les filets de Daech ou simple propagande ?
Au Mali, MENAKA prise dans les filets de Daech ou simple propagande ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Vu l’importance de l’information qui se trouve largement diffusée sur les médias et les réseaux sociaux, nous avons tenu à réagir dans un temps plus ou moins raisonnable à propos de l’éventuelle emprise de Daech sur la région de Ménaka, considérée comme étant le « Triangle le plus important » dans le désert de l’Azawad, au Mali.

Même si, jusqu’au moment où nous avons entamé la rédaction du présent article, il n’y a eu guère de déclaration officielle crédible de la part des autorités maliennes, nous allons quand même faire de notre mieux pour fournir à nos fidèles lecteurs et internautes une matière riche à laquelle ils pourraient se fier afin de ne pas passer à côté de ce qui se passe réellement à Ménaka, qui semblerait tomber dans les filets de Daech.

Rétrospective des évènements en rapport avec cette info

Groupe de Daech à proximité de Ménaka

On peut d’ores et déjà affirmer que la très stratégique région de Ménaka, dans le nord du Mali, située précisément à plus de 1.500 km de la capitale Bamako, serait probablement sous l’emprise de Daech qui y occupe plusieurs positions.

Rappelons que le 11 avril 2023, Daech s’est imposé après avoir réussi à chasser le groupe de « Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimeen » (JNIM) de Tidermène, dernière localité de Ménaka alors sous le contrôle du groupe affilié à Al-Qaida, sachant que la bataille que se livraient les deux organisations terroristes rivales pour le contrôle de la région de Ménaka, depuis plus d’un an, aurait viré à l’avantage de Daech.

Tidermène était jusqu’au lundi 10 avril dernier l’un des fiefs du JNIM. Ces derniers n’ont pas tenté de s’opposer à la nouvelle offensive lancée par les daéchites. Quant à la localité de Ménaka, elle est sécurisée par la mission de stabilisation de l’ONU (Minusma), ainsi que l’armée malienne. Cette dernière avait pourtant assuré qu’elle « contrôlait Ménaka et assurait la protection des civils » suite à la prise de Tidermène.

Ceci nous amène à dire qu’après les prises de Tamalat, Anderamboukane, Inekar, Talataye, l’arrivée de Daech à Tidermène prive Ménaka de sa dernière voie d’accès.

« Ils coupent directement Ménaka du Nord », à présent « l’État islamique peut empêcher tout ravitaillement qui n’est pas sous escorte », constatent avec amertume plusieurs sources locales.

Il ne faut pas oublier que depuis un an déjà, la population de la ville de Ménaka a été multipliée par trois du fait de l’afflux des déplacés qui ont fui les attaques des communes voisines. Selon les chiffres onusiens, la population de Ménaka est ainsi passée de 11.000 à plus de 30.000 habitants, accueillis dans la plus grande précarité.

A ce propos, les témoignages de civils évoquent des familles entassées dans les cours des maisons, dans des campements de fortune installés au bord des routes ou même à l’extérieur de la ville, bien souvent sans accès direct à l’eau et sans ressources suffisantes pour leur permettre d’acheter de la nourriture.

L’Armée malienne en difficulté malgré le soutien de Wagner

Unité de l’armée malienne

Unité de l’armée malienneEn effet, un an après le départ des soldats français de l’opération Barkhane, la région de Ménaka s’est retrouvée sous l’emprise de Daech au Grand sahara (EIGS), et malgré le soutien des unités du groupe paramilitaire privé russe Wagner, l’armée malienne ne semblait plus être en mesure d’assurer la sécurité dans cette région stratégique, malgré également la présence à Ménaka des Casques bleus des Nations Unies qui tentaient d’apaiser les tensions, alors que leur mandat viendrait à expiration le 30 juin prochain.

Ainsi, il importe donc de noter qu’après le départ de la force Barkhane de sa base de Ménaka, le contexte sécuritaire et humanitaire de la région se serait sévèrement dégradé en faveur des groupes armés, de telle sorte que les quatre secteurs de la région de Ménaka seraient désormais, aujourd’hui, sous le contrôle de Daech, après avoir été assiégés depuis la mi-avril.

D’ailleurs, certaines sources au sein de la population ont confirmé l’emprise de Daech sur des localités environnantes, et attesté que des milliers de personnes ont déjà déserté Ménaka pour aller vers d’autres régions comme celle de Gao, ou de Kidal.

Néanmoins, d’autres sources ont tout de même nié cet encerclement par des groupes djihadistes, alors que d’autres ont souligné que des éléments de Daech ont attaqué les localités de Tidermène et de Inkadewane, situées dans la région de Ménaka. Ces individus auraient saccagé des boutiques et procédé même à des enlèvements d’individus, selon le témoignage de l’un des habitants (ayant préféré garder l’anonymat) :

« J’ai vu des voitures contenant des armes lourdes notamment des 12/7, et à la sortie de la ville, il y avait aussi un groupe de motocyclistes qui ont intercepté un véhicule relevant de l’hôpital de Ménaka ».

Informations relayées par des médias

Selon des informations publiées sur certains médias, l’organisation Daech aurait effectivement pris le contrôle d’une nouvelle zone dans l’Etat de Ménaka, et ce à l’issue d’une attaque qui l’aurait rapprochée beaucoup plus de son objectif de s’emparer de cet Etat en vue d’y instaurer ce qu’elle compte appeler l’« Etat du califat » et contrôler les zones frontalières de contrebande.

Selon des sources « non dévoilées » de la région de l’Azawad au nord du Mali, Daech au Grand Sahara aurait lancé, le samedi 10 juin 2023, une attaque d’envergure contre Tidermène, sans rencontrer aucune résistance, même si 10 civils y auraient trouvé la mort, et qui s’est soldée par son contrôle de la région.

Sauf que les sources divergeaient quant à savoir si, avec le contrôle de la zone, la province de Ménaka est entièrement tombée aux mains de Daech ou pas.

Craintes ressenties par la population malienne

Des déplacés maliens

Certes, l’arrivée des terroristes de Daech dans la région de Ménaka, notamment après l’envahissement de Tidermène aura de lourdes conséquences pour les populations de la zone, tel que l’a déclaré Housseyni Ag Yehia, un ressortissant de Ménaka :

« Avec la prise de Tidermène, on peut dire que c’est toute la région de Ménaka qui est encerclée, soit une région de 80.000 km2. En effet, cette zone échappe désormais au contrôle non seulement des groupes armés, notamment du GSIM (Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimeen ), mais aussi de l’armée malienne qui est seulement présente à l’intérieur des villes… »

Que représente Ménaka pour Daech ?

Ce qui est certain, c’est que pour beaucoup, l’organisation compte déplacer les Bédouins et les civils dans les zones du triangle frontalier, avec comme « objectif » de s’emparer de ladite région pour une autre raison plus importante : elle regorgerait de riches ressources en pétrole et en gaz.

Selon une explication confiée à certains médias par le Professeur de sciences politiques à l’Université de Bamako, Mohamed Ag Ismail, Ménaka aurait une grande valeur pour l’organisation Daech qui s’est mise en tête d’atteindre son objectif de s’octroyer une « province » au sein de l’Etat du Mali.

Et si l’organisation a misé sur Ménaka, c’est parce que cette région est située dans le triangle frontalier entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui est en fait l’un des points les plus importants pour l’enrôlement de djihadistes, la contrebande d’armes, de drogue, de carburant et de migrants clandestins, qui sont des activités criminelles qui prodiguent d’énormes fonds à Daech, même si l’organisation est concurrencée intensément par le groupe « Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimeen ».

De facto, leur présence est devenue plus puissante, car les daéchites n’apportent avec eux que l’insécurité et le chaos, contrairement à leurs rivaux du groupe « Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimeen », lesquels jouissent d’une base populaire dans certaines régions, comme l’a expliqué Michael Churkin, chercheur à l’American RAND Center for Security Consulting.

Entre démentis et affirmations

Tant que les autorités maliennes n’ont pas fait de déclaration officielle quant à la prise ou non par la branche sahélienne de Daech de la ville de Ménaka, l’opinion publique locale et internationale continue de piocher dans des informations à la fois douteuses, incertaines, ou même peu crédibles.

A titre d’exemples, Serge Daniel, journaliste à Bamako, a confirmé quant à lui que « des témoins ont vu les éléments de Daech parader dans la localité de Tidermène avec le drapeau, en distribuant des tracts, et en demandant même la zakat », tout en leur demandant « de continuer à circuler librement, en vaquant à leurs occupations ».

Sauf que pour les civils, c’est la fuite, car « Les gens sont inquiets, les populations quittent la localité en direction de Ménaka, à 90 km de Tidermène. C’est plutôt la panique », a souligné le journaliste Serge Daniel. Toutes les principales localités de la région sont à présent sous emprise de Daech.

De son côté, le représentant du « Mouvement national pour la libération de l’Azawad » en Mauritanie, M. Ben Bella, il estime que l’organisation Daech dans le Grand sahara n’a pas totalement contrôlé Ménaka, en rappelant « la présence dans la région des forces des Nations Unies et de certains mouvements armés dans l’Azawad affiliés à l’armée malienne »

Néanmoins, selon lui, l’organisation « serait en train de faire la promotion de son contrôle sur Ménaka comme une sorte de propagande pour affaiblir le moral de la population locale et attirer de nouveaux combattants, dans le cadre de sa rivalité avec le groupe « Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimeen »


Retour sur ce qui s’était passé à l’ONU en avril 2023 au sujet de la situation au Mali

A la lumière de la violence continue des groupes terroristes dans certaines régions maliennes, avec des conséquences dévastatrices pour les civils, le chef de la Mission des Nations Unies au Mali, Al-Qasim Wan, avait déclaré devant le Conseil de sécurité de l’ONU que la situation sécuritaire reste instable, soulignant la nécessité de désamorcer les tensions entre le gouvernement et les groupes armés signataires de l’accord de paix, compte tenu de la situation sécuritaire à Gao et Ménaka.

« Dans un environnement de plus en plus complexe, la MINUSMA – avec ses capacités limitées – continue de tout mettre en œuvre pour protéger les civils en combinant des patrouilles matinales et nocturnes en coordination avec les forces de sécurité et de défense maliennes jusqu’à 15 kilomètres à l’extérieur de la ville de Ménaka », a-t-il déclaré. .

Vu la crise de déplacement massive constatée dans la région de Ménaka, Wan a souligné la nécessité pour les autorités maliennes de ne ménager aucun effort pour garantir que les opérations militaires contre les groupes extrémistes soient menées dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et d’enquêter de manière transparente et rapide sur les violations et de traduire les responsables en justice.

Pour conclure le premier volet sur cette situation, on peut d’ores et déjà affirmer que la progression des éléments du groupe daéchite dans la région de Ménaka a créé un mouvement massif de déplacés, tout en consacrant leur domination sur toute la région et suscitant la fuite des populations vers les grandes villes du Nord, notamment à Kidal.

Ce qui est certain, c’est qu’après la prise de Tidermène, la branche sahélienne de Daech avait directement menacé Ménaka, déjà confrontée à une situation humanitaire préoccupante.

Reste à savoir ce que mijotent les daéchites et ce qu’ils comptent préparer par la suite, mais en attendant une question se pose :

« Est-ce qu’ils vont tenter de descendre plus au sud, dans la localité de Gao, ou est-ce qu’ils vont changer de cap et partir plutôt vers le Niger voisin ? », s’interroge le journaliste Serge Daniel.

Cependant, selon les analystes, Daech peut utiliser les zones sous son contrôle autour de Ménaka comme base pour accroître ses opérations dans la région. L’organisation s’étendrait plutôt vers le nord du Mali et le nord-est du Burkina Faso. Une extension qui menace également le centre du Niger.

Difficile encore de le déterminer avec certitude, mais nous y reviendrons sûrement dans les prochaines semaines.

Appui médiatique
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