Espace aérien algérien : Qu’est-ce qui se trame au centre du triangle « Mali-France-Algérie » ?

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Espace aérien algérien : Qu’est-ce qui se trame au centre du triangle « Mali-France-Algérie » ?
Espace aérien algérien : Qu’est-ce qui se trame au centre du triangle « Mali-France-Algérie » ?

Africa-Press – Mali. Nous savions tous que les avions militaires français étaient frappés jusqu’ici d’une interdiction de survoler l’espace aérien de l’Algérie, suite à un conflit ayant éclaté entre l’Algérie et la France après la diffusion par le quotidien français « Le Monde » de propos attribués au président Emmanuel Macron.

De facto, la France trouvait des difficultés pour que ses avions militaires puissent rejoindre les bases situées au Mali.

D’ailleurs, les observateurs estiment que l’interdiction est circonstancielle et qu’elle est venue comme une réaction non liée à la dimension militaire stratégique.

Néanmoins, les événements dans la région du Sahel s’accélèrent, avec des décisions oscillant entre la reprise des avions de combat français traversant l’espace aérien algérien et l’annonce par la France du retrait de ses forces militaires du Mali, ce qui fait de la situation dans la région un candidat à des développements aux conséquences inconnues.

Mais voici que dans un geste attendu, compte tenu du calme qui a normalisé les relations entre l’Algérie et la France, après un marasme et des tensions au cours de la dernière période, l’Etat-major des armées françaises est venu annoncer qu’un avion militaire français a survolé le territoire algérien avec l’accord des autorités locales, et ce pour la première fois depuis octobre dernier.

« La demande est passée par l’ambassade de France, comme à chaque fois qu’un avion militaire devait survoler des territoires étrangers », selon l’agence de presse française auprès de l’autorité. L’Etat-major aurait ajouté que « les autorités algériennes nous ont informés que cela est possible », ce qui indique l’acceptation d’autres opérations de trafic qui pourraient avoir lieu à l’avenir, tandis que l’Etat-major n’a pas précisé ce que transportait l’avion, un ‘Airbus A -330 MRTT’.

On peut juger que cette autorisation de survol est intervenue alors que Paris et ses partenaires européens viennent d’officialiser, le jeudi 17 février dernier, le retrait de leurs effectifs militaires du Mali après neuf ans de lutte contre les groupes armés, lutte menée par Paris.

Bien que l’Etat-major des armées françaises ait confirmé la nouvelle, la partie algérienne n’a pas émis de réponse révélant la vérité sur les raisons qui ont permis de franchir cette étape, ce qui a fait voir dans le “silence” de l’Algérie un signe implicite que ce qui s’était passé n’était pas une décision officielle définitive, et que la décision d’interdire aux avions militaires français de traverser l’espace aérien algérien est toujours en vigueur.

Ils considèrent que ce qui s’est passé est une mesure circonstancielle liée à une situation d’urgence, mais cela n’empêche pas les choses de revenir à leur état antérieur dans les prochaines heures au vu du calme qui caractérise les relations des deux pays, en ce moment.

Des parties auraient lié l’autorisation accordée par l’Algérie à l’avion militaire français de survoler son espace aérien, avec ce qui se passe dans la région du Sahel, surtout que Paris et ses partenaires européens venaient d’annoncer officiellement leur retrait militaire du Mali.

D’un autre côté, les Français estiment que l’Algérie a joué un rôle dans le soulèvement de millions de Maliens contre la présence militaire française dans la région, et ce dans l’intérêt pur et simple de la Russie, malgré le déni de l’Algérie, notamment au vu de l’adhésion de l’Algérie à des solutions africaines pour résoudre les problèmes africains, tout en rejetant toutes les formes d’ingérence étrangère sur le continent brun, et son « appel à une voie politique au Mali dès lors de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger de 2015 », qui prévoyait le désarmement des groupes rebelles, l’adoption de la décentralisation et l’appui au développement du nord du pays pour sa réunification.

Si l’on se rappelle bien, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait déclaré que « la situation au Mali est une question de pauvreté et de développement », tout en soulignant que « l’armée algérienne ne plongera jamais dans ce bourbier », notant qu’il considère « l’Afghanistan français » comme l’objet « d’incompréhensions récurrentes entre Paris et l’Algérie », exacerbées par l’interdiction imposée aux avions de l’opération Barkhane, qui ont été interdits de survoler l’espace de l’Algérie.

Les présidents Goïta – Macron – Tebboune

Retrait français tactique

D’autre part, le professeur d’histoire moderne et contemporaine, Rabah Lounissi, a estimé quant à lui qu’ « il faut s’assurer qu’il y a effectivement une décision algérienne de lever l’interdiction de survol à ces avions, d’autant plus qu’il y a une décision française d’un retrait tactique du Mali, c’est-à-dire de se retirer dans d’autres pays du Sahel ».

Il a déclaré également : « Nous devons être réalistes. Il y a une très grande différence entre la rhétorique populiste et la réalité. La demande de retrait de la France est pour satisfaire les peuples uniquement, mais en réalité tous les régimes de la région du Sahel et du Sahara, en particulier les voisins du Mali, sont contre, car le retrait français signifie une plus grande liberté d’action pour les groupes terroristes », ce qui menacerait la sécurité stratégique de l’Algérie.

Il a conclu : « Le retrait des forces françaises et occidentales de l’État du Mali, dont l’armée est considérée comme trop faible, fait peser sur l’Algérie la charge d’affronter les groupes terroristes, d’autant plus que le Sahara algérien est l’un des objectifs de ces groupes ».

Les intérêts des deux pays sont plus profonds

Pour sa part, le professeur d’histoire moderne et contemporaine, Othman Munadi, a déclaré que : « la décision de l’Algérie d’empêcher les avions français de traverser son espace aérien n’était que circonstancielle et temporaire, considérant qu’elle était une réaction et non une décision liée à des questions stratégiques avec une dimension militaire », ajoutant dans le même contexte que « la décision de revenir à la situation antérieure a trois raisons :

• La première est le retour au calme des relations franco-algériennes après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et avec lui le retour de l’ambassadeur algérien à Paris pour reprendre l’exercice de ses fonctions.

• La deuxième raison est le pragmatisme pratiqué par le gouvernement algérien, car le passage des avions français ne présente absolument aucun danger pour l’Algérie d’un point de vue militaire ou politique.

• Enfin, la troisième raison est la soudaine nouvelle situation provenant du gouvernement malien de « rompre les relations diplomatiques avec Paris », et la décision du gouvernement français de « retirer ses forces du Mal », ce qui signifie que la traversée des avions français de l’espace aérien algérien est désormais plus réduite qu’auparavant ».

Munadi a estimé que les intérêts des deux pays sont plus profonds que d’empêcher le passage des avions français et plus puissants pour que cet incident soit une raison pour poursuivre la rupture.

Il a ajouté : « En ce qui concerne la situation future dans la région, cela ne changera pas grand-chose, étant donné que le bloc au pouvoir, au Mali, bénéficie d’un grand soutien populaire, du moins selon les médias locaux », notant à ce juste titre que « la situation est encore floue quant à l’expansion de l’influence russe au Mali ».

Point positif

Nous avons constaté ces derniers jours, que les deux pays (la France et l’Algérie) s’emploient depuis à renouer leur relation. Dernier élément en date du rapprochement bilatéral, l’ambassade d’Algérie en France a salué, il y a dix jours, la « dynamique ascendante d’apaisement » entre Alger et Paris.

Anouar CHENNOUFI

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