Impact de la concurrence russo-française au Mali

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Impact de la concurrence russo-française au Mali
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Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. A Bamako, tout a changé et continue de changer d’ailleurs, au sein d’une population dont la jeunesse a grandi avec la présence des militaires français au Mali. Oui, à Bamako, la mode a également changé, adoptant de plus en plus la couleur kaki rappelant la tenue militaire.

Il semble même que le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, ait pris du goût à cette couleur, puisqu’il a dû s’y résoudre. Afin d’être acclamé par la population et rester dans le sillage de son euphorie pro-junte, ce grand homme politique s’est mis à porter le treillis.

Il convient de noter que même si ce soutien populaire n’est pas nouveau, il s’est tout de même considérablement renforcé depuis le 9 janvier de l’année en cours, notamment depuis le jour où les sanctions économiques de la CEDEAO sont tombées sur le dos de tous les maliens.

Dans cette situation encore floue et compromise, susceptible de connaître plus de bouleversements, nous avons jugé utile d’évoquer aujourd’hui l’impact de la concurrence russo-française au Mali.

Le coup de « clic »

Maliens manifestant en faveur des Russes à Bamako

Les autorités militaires maliennes avaient pris conscience du danger de la présence française, et y voyaient un fort facteur de pression sur elles pouvant conduire à un changement de pouvoir avec le soutien de l’armée française.

C’est pour cette raison que le gouvernement de Bamako s’est empressé d’ouvrir des canaux de communication avec la Russie, confiant cette mission au ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, diplômé de l’Académie militaire russe qui s’est rendu à Moscou à plusieurs reprises, en compagnie du général Alou Boï Diarra, afin de renforcer la coopération avec les russes. Cette coopération concernait les trois volets ci-après :

• Les services de renseignement,
• La fourniture d’armes à l’armée malienne (le Mali ayant reçu 4 hélicoptères russes et quelques autres équipements militaires le 30 septembre dernier)
• et la Formation militaire.

Bien que les parties malienne et russe ont tenu à garder encore ce dossier secret, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n’a pas hésité de déclarer que le gouvernement malien négociait avec une société de sécurité privée russe pour l’aider dans la stratégie de lutte contre le terrorisme et les menaces des groupes armés, faisant allusion à l’échec de la France dans cette tâche après prés de neuf ans d’intervention militaire directe sur son territoire.

De là, tout un feuilleton franco-malien, composé d’une série d’épisodes de malentendus, de méfiance, de pressions et d’accusations, a pris naissance entre les deux pays, incitant le Mali à rechercher d’autres mesures avec de nouveaux partenaires pour l’aider à maintenir sa sécurité et sa stabilité.

Il convient de noter que le différend avec la France était sorti au grand jour, le 25 septembre 2021, lors du discours du Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, où il n’a pas hésité à accuser la France de laisser tomber son pays et toute la région du Sahel au plus fort de la catastrophe.

Selon des informations qui ont fuité des milieux régionaux, la France, qui qualifiait le groupe au pouvoir à Bamako de « gouvernement illégitime », aurait même désigné des médiateurs dans la région pour informer le gouvernement militaire malien de son rejet de toute présence russe au Mali, l’informant également que le report des élections présidentielles et législatives prévues d’être organisées en février 2022 est inacceptable, et que la France exercera son influence internationale pour rejeter toute prolongation de la période de transition.

Malgré que cette situation de grandes tensions ait fait intervenir de nombreuses parties, notamment la Mauritanie et le Niger, avec l’idée d’apaiser la tension entre la France et le Mali, la crise devenait de plus en plus brûlante et l’on craint qu’elle ne s’aggrave davantage dans un avenir prévisible.

Clin d’œil sur le contexte régional de la crise Malo-française

Pour les spécialistes des affaires africaines et les observateurs, l’intérêt de la Russie pour l’Afrique n’est pas nouveau. Nous avons constaté, ces dernières années, qu’elle a montré sa volonté de restaurer ses positions traditionnelles d’influence en Afrique à l’époque de la guerre froide, notamment en Afrique orientale et australe.

Selon le nouvel agenda russe, le rôle russe s’articule autour de trois dossiers :

• l’exploration et l’exploitation minières,
• la vente d’équipements militaires
• et l’intervention directe par le biais de sociétés de sécurité privées proches du renseignement et de l’armée.

Dans ce même contexte, il faut savoir que l’efficacité de l’intervention russe en République centrafricaine est apparue fin 2017, car elle a permis de vaincre les rebelles qui contrôlaient de vastes régions du pays, et a assuré la stabilité du régime et la reconstruction de l’armée, qui était démembrée, sans coût financier exorbitant. L’ingérence russe s’est concentrée sur l’activité des sociétés de sécurité privées, qui contrôlaient totalement les affaires militaires en République centrafricaine.

Par ailleurs, l’une des principales raisons de l’arrangement par la France de la succession du président tchadien Idriss Déby en avril 2021 avec l’arrivée au pouvoir de son fils, Mahamat Idriss Déby, c’est l’intérêt russe apparu dans l’arène tchadienne en soutenant l’opposition tchadienne depuis les frontières de la Libye et celles de la République centrafricaine.

Dès lors, tout nouveau rôle russe au Mali était considéré par la France comme une menace fondamentale pour ses intérêts stratégiques au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

Perspectives d’avenir du rôle russe au Sahel

Logo du groupe russe Wagner

Il apparaît à la lumière des indications actuelles que le gouvernement malien est en phase très avancée, pour ne pas dire officiellement conclue, avec le partenariat militaire stratégique avec la Russie à travers le groupe de mercenaires russes Wagner, d’une part.

Et d’autre-part, à la lumière de la pression française qui était croissante sur le gouvernement malien, il n’était pas prévu que cet accord dépasse les limites minimales de la garde des hommes d’État et des institutions publiques sensibles et de la formation des éléments de l’armée malienne, à condition que le rôle russe ne soit pas fortement proéminent.

Néanmoins, la France espérait ne pas se contenter de ces minima, même si elle ne pouvait s’exonérer de ses responsabilités dans la région du Sahel et planifiait donc de transférer définitivement son leadership au Niger (une stratégie qu’elle a pratiquement commencé à mettre en œuvre), cherchant également à consolider le rôle européen dans la région pour couper la voie à l’intervention russe.

Cependant, l’échec de l’approche militaire française en Afrique pourrait inciter davantage de régimes des pays du Sahel et d’Afrique de l’Ouest à s’ouvrir à la Russie, ce qui constituerait un tournant stratégique majeur dans la région.

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