La France, aidée par l’Union européenne, peut-elle persuader Bamako de geler le « projet Wagner »?

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La France, aidée par l’Union européenne, peut-elle persuader Bamako de geler le « projet Wagner »?
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Au Mali, en particulier, les choses sont toujours « floues », notamment entre les autorités françaises et les autorités maliennes, et ce, vis-à-vis de l’accord non encore validé officiellement quant au recrutement des mercenaires russes du groupe Wagner, sur fond de retrait d’une grande partie des forces françaises stationnées dans la région.

La situation devient de plus en plus embarrassante pour la France, suite à une sorte d’escalade du rapprochement politique et militaire entre Bamako et Moscou, ce qui a été confirmé, au milieu du mois de novembre 2021, lorsque les ministres des Affaires étrangères et de la Défense russes avaient rencontré leurs homologues français à Paris, après que Sergueï Lavrov eut rencontré, 24h auparavant à Moscou, le ministre des Affaires étrangères du Mali Abdoulaye Diop.

Le va et vient diplomatique « Paris – Moscou »

Ceci a fait que la France s’est sentie « abusée » dans ce qu’elle considère comme son « fief postcolonial », pour deux raisons essentielles :
• D’abord parce que la France n’est jamais à l’aise avec la pénétration de l’influence russe dans son ancienne colonie en particulier et en Afrique en général.
• Puis en raison du projet du coup d’État militaire au Mali d’utiliser les mercenaires du groupe russe “Wagner” pour remplacer les forces françaises se retirant du Mali, selon les plans du président Emmanuel Macron annoncés en juin dernier.
Ce à quoi les deux Chefs de la diplomatie russe et malienne, Lavrov et Diop, ont affirmé la détermination de leurs pays à renforcer leur « partenariat militaire » sur fond de « risques terroristes croissants » résultant du « retrait » des forces françaises, ou plutôt de la décision de Paris de diviser par deux la force de Barkhane d’ici 2023.
A noter que Barkhane a achevé le retrait de sa deuxième base au nord du Mali, ne laissant qu’une base aux alentours de la ville de Tombouctou dans cette zone, et ce, jusqu’à aujourd’hui, ce qui explique que la réunion des quatre ministres russes/français était consacrée en partie à la situation au Mali.

Le NIET russe : Moscou nie toute relation directe avec le groupe Wagner

Logo du groupe russe Wagner

La déclaration française reflétait l’atmosphère de la réunion, puisqu’elle indiquait que Jean-Yves Le Drian et sa collègue, Florence Parly, la ministre de la Défense, « ont averti Moscou que la propagation de mercenaires du groupe Wagner au Sahel (c’est-à-dire au Mali) est inacceptable », sachant que Paris avait auparavant menacé Bamako en rejetant la présence continue de « Barkhane » aux côtés de « Wagner », qui est considéré en Occident comme le bras militaire du Kremlin.

Sauf que « le gouvernement russe continue de nier », comme Lavrov l’a fait à Paris, « que la société de sécurité ait des relations avec les autorités officielles ».

Néanmoins, la réponse française est venue de la bouche du Président Macron, qui a annoncé à l’issue de la conférence internationale consacrée à la Libye, accueillie à Paris le 12 novembre dernier, que la Turquie et la Russie devraient « retirer leurs forces et leurs mercenaires de Libye car ils menacent la sécurité et la stabilité de la Libye et toute la région. »

En réalité, les relations entre les deux parties, à savoir la France et le Mali, se sont détériorées suite aux deux coups d’État militaires survenus au Mali en moins d’un an « dans le dos de la France », en plus du sentiment « anti-Paris », ainsi que le fait que les autorités de Bamako n’adhèrent pas à l’agenda de transfert du pouvoir aux civils, ce qui a conduit la Communauté économique ouest-africaine (CEDEAO) à accroître la pression politique en parallèle de l’imposition de sanctions économiques et financières à son encontre.

Quant à Bamako, qui n’a pas plié devant les pressions de Paris, aussi bien que face aux pressions africaines et internationales, accuse la partie française de l’abandonner et de laisser le Mali comme proie facile pour les terroristes et les extrémistes, avec lesquels les autorités maliennes négocient malgré l’opposition de la France.

L’entrée en jeu de l’Union européenne

Josep Borell – Union européenne

Devant l’évolution du conflit, Paris a eu l’ingénieuse idée de se tourner vers l’Union européenne pour renforcer sa position, et lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du bloc européen, Jean-Yves Le Drian a réussi à obtenir l’unanimité de ses homologues européens pour imposer des sanctions européennes à Wagner, surtout que les autorités maliennes n’ont encore signé à ce jour aucun contrat avec ledit groupe.

De facto, la décision de l’Union européenne est à la fois « préventive et dissuasive », pour décourager Bamako d’une démarche qui aura un prix politique et militaire élevé.
La confirmation est venue de Josep Borrell, ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, qui a déclaré à l’issue de la réunion des ministres de l’UE à Bruxelles, qu’il y avait « un consensus pour imposer des mesures coercitives » contre le groupe Wagner et qu’elles seront approuvées dès que les préparatifs au niveau technique seront terminés.

Borrell a déclaré que le travail sur ces sanctions se poursuivra et qu’il espère le terminer rapidement, permettant de cibler les partis qui « obstruent le processus de transition », c’est-à-dire la tenue d’élections générales suivies du transfert du pouvoir aux civils.

Position des autorités russes.

Les deux présidents russe et français

Il importe de rappeler, que le Président Emmanuel Macron avait eu un entretien téléphonique, le 15 novembre dernier, avec son homologue russe Vladimir Poutine, concernant l’arrivée de Wagner au Mali, et les deux Chefs d’Etat ont évoqué le problème chacun à sa manière :
• Emmanuel Macron : le président français a plaidé contre l’arrivée des mercenaires russes à Bamako et répété qu’un tel scénario aurait de graves conséquences.
• Vladimir Poutine : son homologue russe n’a fait que réitérer sa précédents propos « Wagner est une société privée qui répond à une logique de marché et que le Kremlin ne contrôle pas.
Toutefois, à Paris, on continue à prendre au sérieux l’hypothèse d’un débarquement des unités du groupe russe au Mali.

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