Le nouvel ordre régional au Sahel : Changements fondamentaux et montée en puissance des nouveaux jeunes militaires

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Le nouvel ordre régional au Sahel : Changements fondamentaux et montée en puissance des nouveaux jeunes militaires
Le nouvel ordre régional au Sahel : Changements fondamentaux et montée en puissance des nouveaux jeunes militaires

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Historiquement, le système régional de la région du Sahel s’est caractérisé par une faiblesse résultant de crises structurelles principalement internes, qui ont eu un impact sur la cohésion et l’unité des pays de la région, et malgré les tentatives de certains pays de la région pour compenser l’absence d’un système régional fort avec quelques initiatives régionales telles que la création du groupe G5 Sahel en 2014 dans le but de lutter contre les organisations terroristes dans la région, mais elle n’a pas obtenu de grands succès dans ce domaine au cours des dernières années.

Avec les transformations remarquables dont la région a été témoin depuis 2020, avec le déclenchement d’une vague de coups d’État militaires qui se sont accompagnés de la montée au pouvoir de chefs militaires dans les pays du Mali, de la Guinée Conakry, du Burkina Faso, du Niger, du Gabon, et en plus du Tchad, des signes de la formation d’un nouvel ordre régional au Sahel pourraient se profiler à l’horizon, renforcés par certains indicateurs significatifs. Il y a un net rapprochement entre les nouveaux militaires du Sahel face aux pressions régionales et internationales, puisque le Mali, le Burkina Faso et la Guinée Conakry ont menacé d’intervenir militairement aux côtés de la junte militaire nigérienne au pouvoir au cas où le bloc de la CEDEAO mettrait à exécution ses menaces d’intervention militaire dans le Sahel pour rétablir le régime de Mohamed Bazoum au pouvoir.

C’est une indication claire du renforcement des liens et des relations entre les nouveaux conseils militaires de transition au Sahel, qui a conduit certains analystes occidentaux à spéculer sur la mise en place d’une éventuelle confédération entre certains pays de la ceinture du coup d’État sous parrainage russe, avec une possibilité d’expansion dans le futur, d’autant plus que les craintes augmentent quant à la possibilité d’une désintégration ou d’un effondrement de la CEDEAO au cas où les divisions entre ses États membres se poursuivront pendant la période à venir.

On constate donc que la ceinture allant de l’Afrique de l’Ouest, et du Sahel jusqu’en Afrique de l’Est, est ainsi constituée :
• Guinée Conakry (Régime militaire de transition).
• Burkina Faso (Régime militaire de transition)
• Mali (Régime militaire de transition)
• Niger (Régime militaire de transition)
• Tchad (Régime militaire de transition)
• Soudan (Régime militaire de transition)

En plus de la :

• Mauritanie (Régime présidentiel)*

(*) Ce pays a connu plusieurs coups d’État et des périodes de régime militaire. La victoire de Mohamed Ould Ghazouani dans l’élection présidentielle mauritanienne de 2019 était supposément la première transition pacifique du pouvoir du pays depuis l’indépendance.

La Mauritanie est un État d’Afrique du Nord-Ouest. Elle fait partie de l’Union africaine, de la Ligue arabe, et de l’Union du Maghreb arabe.

Les relations entre les pays de la ceinture du coup d’État se sont développées au cours de la période récente et se reflètent dans l’échange de visites officielles entre certains responsables du Conseil militaire nigérien et les pays voisins de la région, notamment le Mali et le Burkina Faso, à la suite du récent coup d’État au Niger, afin d’approfondir les relations et la coordination conjointe contre tout risque régional ou international potentiel.

En outre, l’évolution de la nouvelle armée vers un rapprochement avec Moscou aux dépens de la France et de l’Occident représente un indicateur important à cet égard, à la lumière des efforts russes pour encercler l’influence occidentale, y compris française, du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, et imposer de nouvelles règles de jeu dans la région, à travers lesquelles il vise à étendre l’influence russe sur la région et à y prendre en compte les responsabilités stratégiques.

Des changements fondamentaux dans la région du Sahel

On peut dire que ce que la région du Sahel connaît en termes d’escalade de la vague de coups d’État dans un certain nombre de ses pays au cours des trois dernières années, est le résultat inévitable d’une décennie écoulée qui a été caractérisée par un grand degré de complexité et de troubles sur le plan politique, niveaux sécuritaires et économiques, à la lumière des défis et des dilemmes auxquels sont confrontés les pays de la région et qui constituent une crise complexe quant à la légitimité des régimes en place, dont certains ont été impliqués dans des coups d’État constitutionnels qui ont représenté un motif majeur pour le déclenchement du conflit.

C’est le cas en Guinée Conakry, dont l’ancien président, Alpha Condé, a été renversé en septembre 2021, après avoir tenté de prolonger son mandat présidentiel en approuvant des amendements constitutionnels qui lui permettraient de rester au pouvoir pour de nouveaux mandats présidentiels en violation de la constitution guinéenne.

Cela fait partie de la crise de construction de l’État au Sahel, qui a entravé le processus de développement au cours des dernières années, ce qui a conduit à une perte de confiance dans la capacité des institutions étatiques de la région à surmonter les défis en raison de leur incapacité à remplir les fonctions qui leur sont assignées telles que la sécurité et le développement.

L’absence d’autorité de l’État sur une partie de son territoire a conduit à l’expansion du contrôle des organisations terroristes et à l’escalade de leurs activités et opérations dans la région, qui est devenue ces derniers temps l’un des points chauds les plus dangereux au monde. Outre le mécontentement des militaires à l’égard de la politique de certains dirigeants, comme le président nigérian déchu Mohamed Bazoum, qui a indiqué avoir participé à un accord visant à libérer certains prisonniers. L’implication de certains régimes au pouvoir précédents dans le trucage des élections a contribué à l’escalade du mécontentement populaire et à une faible confiance dans la démocratie africaine, considérée comme l’une des raisons du renversement de ces régimes, incarnée dans le coup d’État militaire au Gabon qui a renversé le pouvoir de l’ancien président, Ali Bongo, après les accusations de son ancien régime au pouvoir de truquer les élections. La présidence, qu’il a remportée avec plus de 64%, en plus de certaines rumeurs qui circulent sur sa préparation pour son fils, Noureddine Bongo, qui était conseiller politique du président et chef de sa dernière campagne électorale pour lui succéder au pouvoir.

La détérioration des économies des pays du Sahel a également renforcé les crises dans la région, que la communauté internationale a décrite comme contenant les pays les plus pauvres du monde, selon les statistiques des indicateurs internationaux, car ce sont des économies peu diversifiées. Plus de 10 millions de personnes, représentant 40 % de la population totale du Niger, vivent dans un cycle de pauvreté, selon les données de 2021. Cela coïncide avec l’afflux de millions de réfugiés fuyant les conflits dans les pays africains comme le Nigeria, le Mali et le Soudan, représentant une pression majeure sur les pays du Sahel, notamment le Niger, le Tchad et d’autres. Les Nations Unies ont identifié plus de 370.000 personnes déplacées internes et plus de 250.000 réfugiés au Niger au cours de la période récente, ce qui double les crises humanitaires dans le pays, puisque les estimations internationales indiquent qu’il y a actuellement 4,3 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire au Niger, contre environ 1,9 millions de personnes en 2017, ce qui reflète l’ampleur des crises et la détérioration de la situation humanitaire dans la région au cours des dernières années.

Le contexte régional actuel au Sahel reste plus complexe à la lumière de l’expansion de la ceinture de coups d’État dont certains pays de la région sont témoins, avec des spéculations selon lesquelles elle s’étendrait à d’autres pays à l’avenir, dans un état de grave polarisation régionale qui met en garde contre la possibilité du déclenchement d’une guerre régionale au Niger pour mettre fin à la série de coups d’État récents, au vu des tensions croissantes entre le bloc de la CEDEAO, soutenu par la France et l’Occident, et le nouveau conseil militaire de transition en Niamey suite au renversement du principal allié de l’Occident au Sahel, le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, qui renforce la déstabilisation régionale dans la région du Sahel, entourée d’une ceinture de crises régionales, qu’il s’agisse de la crise libyenne en cours au nord , et l’escalade du conflit militaire au Soudan, qui fait rage depuis avril 2023 depuis l’est, a élargi le cercle des menaces terroristes au Sahel et en Afrique de l’Ouest et l’a étendu à certaines régions d’Afrique centrale, ce qui rend la tâche de les nouvelles militaires auront du mal à rester au pouvoir pendant la période à venir.

Les répercussions de la montée en puissance de la nouvelle armée

Face à l’ampleur croissante des défis économiques et sécuritaires auxquels ont été confrontés les pays du Sahel ces dernières années, et dans un contexte d’incapacité des militaires à répondre rapidement aux crises accumulées dans leurs pays, notamment à contenir les menaces à la sécurité, notamment l’escalade de l’activité des organisations terroristes et autres groupes armés, cela pourrait conduire à une nouvelle vague de « coups d’État dans les coups d’État » pour renverser l’armée actuelle, comme cela a été le cas au Burkina Faso en janvier 2022 puis en septembre 2022.

La région pourrait connaître une transformation remarquable au cours de la période à venir, à la lumière des répercussions potentielles de la prise du pouvoir par les nouveaux militaires dans certains de ses pays. Il est possible que la période de régime militaire de transition au Sahel se prolonge sous prétexte de l’instabilité des conditions politiques et sécuritaires qui empêchent le respect du calendrier de la phase de transition pour la tenue des élections présidentielles.

Ce qui pourrait donc permettre la participation de militaires parmi ses candidats pour préparer sa victoire et prolonger son mandat, un scénario auquel le Mali pourrait être témoin au cours de l’année prochaine si des élections y seraient organisées, après que le projet de nouvelle constitution malienne ait autorisé la candidature d’Assimi Goïta, chef de la junte militaire au pouvoir, aux élections présidentielles, et peut-être le scénario se répètera dans certains autres pays de la région.

Cela pourrait entraîner éventuellement des divisions majeures au sein des rangs militaires des armées africaines, coïncidant avec le changement potentiel de l’opinion publique africaine dans certains pays du Sahel d’un stade de soutien à la nouvelle armée à un stade de mécontentement et de protestations dus à l’absence des conditions politiques, économiques et sécuritaires, qui exercent une forte pression sur les nouvelles autorités militaires de transition dans la prochaine étape, comme c’est le cas en Guinée Conakry et les protestations dont elle est témoin en raison des crises économiques de la période récente.

Suite à ce schéma, la scène régionale deviendra plus complexe au cours de la prochaine période, car certains signes indiquent la possibilité d’une intensification des divisions régionales dans les couloirs du bloc de la CEDEAO, qui est menacé de désintégration et d’effondrement, à la lumière de l’état de forte tension régionale entre ses États membres vers la récente vague de coups d’État militaires, en particulier au Niger, qui pourrait devenir une arène de conflit. L’avenir régional à la lumière de la menace persistante de la CEDEAO (qui plane toujours dans les cieux de Niamey), soutenue par l’Occident et la France, de mener une éventuelle opération militaire visant à restaurer le régime du président nigérien déchu, Mohamed Bazoum, en échange d’une coalition de pays nouveaux sous l’influence occidentale (Mali, Burkina Faso et Guinée Conakry) contre toute menace potentielle sur les terres nigériennes.

Bien que cette division soit dans l’intérêt des organisations terroristes qui pourraient y trouver une opportunité d’étendre leur influence et leur contrôle géographique dans les pays de la région, d’une manière qui menace la sécurité régionale, et ses répercussions sur la stabilité des nouveaux régimes militaires de transition dans ces pays.

Les puissances actives ne resteront pas silencieuses face à ces transformations au Sahel, qui risquent d’être le théâtre d’une concurrence intense et généralisée entre acteurs internationaux. La France ne capitulera pas facilement au profit de ses adversaires stratégiques, notamment la Russie, qui veut conforter son influence dans la région, et son rôle n’a cessé de croître au cours de la période récente, ce qui menace davantage de militarisation dans la région, ce qui pourrait conduire à un éventuel conflit d’influence et à la saisie des richesses et des ressources africaines, dans un contexte d’escalade potentielle des tensions entre les militaires africains et l’Occident, qui craint la chute d’autres régimes alliés à l’avenir, et cela signifie un déséquilibre des pouvoirs dans la région en faveur de partis hostiles comme la Russie et la Chine, qui cherchent à renverser l’équation des alliances internationales en Afrique lors de la prochaine étape.

L’avenir des nouveaux militaires au Sahel

Il semble que la liste des nouveaux militaires en Afrique va probablement s’allonger au cours de la période à venir, car les motifs et les raisons du déclenchement des coups d’État militaires existent toujours sans traitement radical de la part des régimes au pouvoir, ce qui pourrait encourager certains militaires à répéter l’expérience dans les pays de la ceinture putschiste au Sahel, qui a suscité l’inquiétude de certains dirigeants africains, comme le président rwandais Paul Kagame (23 ans au pouvoir) et le président camerounais Paul Biya (41 ans au pouvoir), qui les a incités à prendre des mesures préventives en modifiant les commandements de l’armée dans leur pays en prévision de toute mesure militaire susceptible de les écarter du pouvoir.

Contrairement à ce que prône l’Occident sur la possibilité d’un échec militaire à gouverner le Sahel, les nouveaux dirigeants devraient rester au pouvoir dans les années à venir, soit en prolongeant les étapes de transition jusqu’à la tenue des élections présidentielles, soit en supprimant les obstacles devant leur candidature à ces élections à travers des projets de nouvelles constitutions dans le but de se maintenir au pouvoir. On s’attend à ce que la pression occidentale sur la nouvelle élite militaire se poursuive au cours de la période à venir, dans le but de la forcer à renoncer au rapprochement avec les Russes et à reprendre la coopération et le partenariat avec l’Occident, y compris la France en particulier.

Dans l’ensemble, il semble que le rôle politique des armées africaines s’accroisse dans la région du Sahel, devenue soumise au régime militaire. Il existe donc une bonne opportunité pour la nouvelle élite militaire au pouvoir de commencer à adopter des approches qui permettraient de contenir les crises des pays de la région, d’empêcher leur propagation et de répondre à tous les défis et crises complexes auxquels ils sont confrontés sur le plan politique, niveaux économiques et sécuritaires, en vue de préparer la transition vers une nouvelle phase visant le développement durable du continent africain, sachant que l’Occident ne changera pas sa boussole et sa stratégie visant à s’emparer des richesses et des ressources des pays africains, par conséquent, les troubles de la situation politique et sécuritaire sur le continent représentent un environnement approprié pour que les puissances occidentales puissent l’exploiter afin de consolider leur influence et leur présence en Afrique sans égard aux intérêts des Africains.

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