Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. Les relations entre la Mauritanie et le Mali ont atteint leur paroxysme avec la décision prise par Bamako de fermer ses frontières occidentales avec la République Islamique Mauritanienne, après la grande protestation de Nouakchott contre le ciblage d’un certain nombre de ses citoyens à travers des enlèvements et des meurtres, et ce, à l’intérieur du territoire malien.
Il faut reconnaître que ces relations vivent sur un « feu de braise » depuis prés de deux mois, après l’assassinat et l’enlèvement de citoyens mauritaniens à l’intérieur des terres maliennes, suite auxquels Nouakchott s’était soulevé, protestant contre la réalité des faits, sachant que les deux pays avaient mis en place une commission d’enquête qui n’a abouti à aucun résultat, alors que des rapports internationaux ont attribué ces crimes aux mercenaires russes du groupe Wagner.
C’est pourquoi les tensions entre les deux pays ne se sont pas apaisées et ont été témoins d’exacerbation et viennent de se solder sur une décision de Bamako de fermer ses frontières occidentales avec la Mauritanie.
Dans ce contexte, des observateurs voient dans ces conditions une nouvelle implantation des relations Malo-mauritaniennes, fondées sur l’hostilité et la tension, qui affectent négativement les civils résidant entre les frontières des deux pays.
Si l’on jetait un coup d’œil sur le curseur de cette tension !

Des informations mauritaniennes, publiées le 7 mars dernier, ont évoqué la disparition d’une trentaine de citoyens mauritaniens après avoir franchi la frontière malienne, et des sources provenant des habitants de la région ont affirmé que les disparus avaient été tués par l’armée malienne et des mercenaires du groupe russe Wagner.
A vrai dire, ce n’était pas la première fois que des civils mauritaniens se fassent attaquer à l’intérieur du territoire du Mali, car bien avant cela, en janvier 2022, un groupe de 6 civils mauritaniens s’étaient trouvés nez à nez avec une patrouille de l’armée malienne et du groupe Russe Wagner, dans une zone dite « Cheikh Ahmed », et deux d’entre eux avaient été grièvement blessés, selon la même source qui a confirmé que les hommes armés de Wagner avaient pris l’initiative de tirer sur les Mauritaniens, avant de suspendre leurs tirs après que leur identité ait été révélée.
Les autorités mauritaniennes n’ont pars hésité à convoquer l’ambassadeur malien pour lui exprimer leur protestation contre ce qui s’est passé, et le ministère mauritanien des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué qu’il a fait part à l’ambassadeur du Mali d’une « rude protestation contre les récents actes criminels répétés et commis par les forces régulières maliennes, sur le sol malien, ayant ciblé nos citoyens innocents et sans défense ».
Le ministère a indiqué également que, « malgré les assurances émises par les autorités maliennes, le niveau de réponse des responsables maliens à leurs homologues mauritaniens est resté en deçà des normes ».
Dans le même contexte, une délégation gouvernementale malienne conduite par le ministre des Affaires étrangères Abdullaye Diop s’est rendue en Mauritanie. Un communiqué publié à l’issue de la visite indique qu’il a été décidé de constituer une « commission d’enquête conjointe provisoire pour élucider les faits, et faire la lumière sur les disparitions de Mauritaniens au Mali, et d’accomplir sa mission dès que possible ».
Néanmoins, étant donné que cette commission n’ayant pas toujours rendu ses conclusions sur ces crimes, le ministère malien de l’intérieur a déclaré dans un communiqué publié récemment, que par souci de préserver les relations distinguées et de bon voisinage entre la Mauritanie et le Mali, et de protéger les citoyens mauritaniens et maliens, les autorités maliennes ont décidé d’empêcher la circulation des civils dans les forêts de Ouagadou et de Gringali, où se déroule l’opération militaire « Maleko ».
A noter que l’opération Maleko a été lancée depuis quelques semaines par l’armée malienne contre les éléments d’Al-Qaïda au Maghreb (Aqmi), notamment ceux du front de libération du Macina installés dans la forêt Ouagadou.
La région frontalière occidentale du Mali, exactement au niveau de cette forêt, qui s’étend en territoire mauritanien, assiste effectivement à une opération militaire conjointe entre l’armée malienne et le groupe russe Wagner, dans l’objectif est de poursuivre les groupes armés.
Donc, l’analyse de la scène Malo-mauritanienne est difficile en ce moment en l’absence de données précises sur ce qui se passe véritablement sur le terrain.
Est-ce Wagner qui a embrouillé les relations mauritano-maliennes ?

Le traitement par la Mauritanie du dossier malien devait être très prudent, d’autant plus que le Mali est un État fragile et défaillant et tout ce qui s’y passe affecte automatiquement la Mauritanie. La géographie est étroitement liée, car les habitants de l’Est de la Mauritanie ont une variété de relations avec les Maliens, basée principalement sur l’aspect économique.
Cependant, les récents développements au Mali, ainsi que le blocus économique et l’isolement diplomatique imposés à la junte militaire au pouvoir, ont fait de la Mauritanie leur seul débouché. Ce qui a mis la Mauritanie dans l’embarras, en quelque sorte, par rapport à ce que le Mali représente pour elle comme profondeur stratégique et sociale, et par rapport à ses relations avec la Communauté économique ouest-africaine, ainsi qu’avec la France.
Les incidents d’enlèvement et de meurtre de citoyens mauritaniens au Mali, n’ont fait que ternir l’image de « bon voisinage » entre les deux pays membres du G5 Sahel, et il semble également que, de son côté, apparemment, la Mauritanie n’a pas trouvé qu’elle pouvait appliquer l’embargo contre le Mali, mais ces événements ont troublé tout de même le peuple mauritanien et forcé le gouvernement mauritanien à extérioriser son malaise, ce qui a compromis davantage les relations entre les deux pays voisins.
Pour certains observateurs, ces incidents risquent de se reproduire, car la présence des Mauritaniens au Mali ne peut pas être stoppée, du fait que pour certains elle est nécessaire et vitale.
D’un autre côté, l’armée malienne manque pratiquement d’expérience et compte dans ses rangs certains éléments qui pratiquent une violence injustifiée, ce qui met en danger la vie de tous ceux qui se trouvent au Mali.
Cela s’ajoute à la présence de mouvements extrémistes dans l’État malien qui contrôlent le territoire, et d’autres mouvements formés des habitants, car le gouvernement central du pays n’en contrôle que le peu.
Mais, suite aux situations vécues dans le bloc sahélien, comme coups d’Etat et bouleversements de pouvoir, va-t-on assister à l’éclatement du groupe du G5 Sahel, composé des cinq pays suivants : Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso ?
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