Positions des Pays Africains Lors du Sommet des BRICS au Brésil

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Positions des Pays Africains Lors du Sommet des BRICS au Brésil
Positions des Pays Africains Lors du Sommet des BRICS au Brésil

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Avec le sommet des BRICS qui s’est ouvert à Rio de Janeiro, le dimanche 6 juillet 2025, au Brésil, pour deux jours, le rythme d’adhésion des pays africains au bloc, qui se présente comme la voix du Sud global, a démontré une certaine accélération.

Néanmoins, de nombreuses questions continuent à se poser par elles-mêmes dont en particulier:

« Les BRICS représentent-ils une réelle opportunité pour le continent, ou encore s’agit-il simplement d’une transition d’un modèle hégémonique à un autre? »

Dans ce contexte, il importe de noter que, récemment, des pays comme l’Égypte, l’Éthiopie, les Émirats arabes unis et l’Iran ont rejoint le bloc, qui comprend le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, pays fondateurs, sachant que l’Indonésie les a rejoints au début de la même année.

Par ailleurs, le ministre ougandais des Affaires étrangères, Henry Oryem Okello, a déclaré en janvier 2025 que son pays avait décidé de rejoindre les BRICS, après le gel des avoirs des pays africains par les États-Unis et l’Union européenne. Il considérait le respect de la souveraineté comme l’un des principes attractifs du bloc.

En avril dernier, le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Yacine Fall, avait révélé, quant à lui, que son pays était en pourparlers pour intégrer les BRICS, décrivant le bloc comme étant « une bonne alternative pour les pays du Sud ».

Quant à l’Algérie, bien que considérant son adhésion comme une priorité en 2023, ce grand pays nord-africain n’a pas été accepté en raison de sa faible diversification économique et de sa forte dépendance aux hydrocarbures.

Cependant, avec comme objectif d’assouplir les démarches, le groupe a créé ce qu’il a appelé le « Club des partenaires », un accord informel qui inclut des pays comme l’Algérie, le Nigéria et l’Ouganda, et qui est considéré comme une étape préliminaire vers l’adhésion à part entière.

• Les BRICS représentent-ils une réelle opportunité pour l’Afrique ou une transition vers une nouvelle hégémonie?

Il faut avouer que les pays africains ont de multiples motivations pour rejoindre les BRICS, notamment:

a) la diversification des partenaires commerciaux,

b) le renforcement de la coopération Sud-Sud,

c) et la recherche de financements alternatifs auprès de la Nouvelle Banque de Développement du bloc.

De facto, renforcer la coopération entre les BRICS et l’Afrique, de manière à soutenir l’engagement de l’Afrique au cœur du système commercial mondial, plutôt que de rester en marge de celui-ci, devient un objectif primordial.

Bien que la nouvelle Banque d’Investissement des BRICS ait annoncé des investissements dépassant les 40 milliards de dollars dans plus de 120 projets, elle n’a jusqu’à présent financé aucun projet africain, même après que l’Algérie soit devenue le neuvième actionnaire de la banque en mai dernier, avec un apport en capital de 1,5 milliard de dollars.

Pourtant, la banque est considérée comme une alternative à la Banque mondiale, compte tenu de sa réticence à imposer des « conditions politiques » aux prêts, selon le journal algérien « Al Watan », une initiative saluée par les pays soucieux de préserver leur souveraineté.

• Des avantages potentiels pour le continent

Malgré l’expansion continue, tout laisse croire que l’adhésion au club des économies émergentes n’apporte pour l’instant que des avantages économiques limités au continent. Cependant, elle offre d’innombrables possibilités d’élargir ses alliances et, avec un peu de réalisme politique, pourrait l’aider à négocier avec les grandes puissances mondiales pour obtenir des conditions plus favorables.

Toutefois, il reste quant même intrigant que le sommet des BRICS, qui regroupe les principales économies émergentes, tenu au Brésil, fût amputé de la présence de son membre le plus puissant, le dirigeant chinois « Xi Jinping », car, pour la première fois à plus de dix ans de règne, lui qui a fait des BRICS un élément central de ses efforts pour remodeler l’équilibre mondial des pouvoirs, ne participe pas à la réunion annuelle des dirigeants.

Le dirigeant chinois n’est pas le seul dirigeant dont l’absence avait été annoncée d’avance. Vladimir Poutine, son plus proche allié au sein du groupe, y a participé uniquement par visioconférence, comme il l’avait fait auparavant à distance à la réunion des BRICS de 2023 en Afrique du Sud.

Il importe de rappeler que le Brésil, comme l’Afrique du Sud, est signataire de la Cour pénale internationale (CPI) et était donc tenu d’arrêter Poutine pour crimes de guerre en Ukraine, s’il se présentait à Rio de Janeiro.

L’absence de deux personnalités mondiales de premier plan met ainsi en évidence le Premier ministre indien Narendra Modi, qui s’est rendu au Brésil pour le sommet et pour y effectuer également une visite d’État, ainsi que le président sud-africain Cyril Ramaphosa qui fût également présent.

• Les pays africains et les ambitions au sein des BRICS

D’après les recherches disponibles, on constate que les positions des pays africains lors du sommet des BRICS tenu au Brésil (évoqué dans le contexte de la réunion des ministres des Affaires étrangères de Rio de Janeiro) peuvent être résumées comme suit:

1. Pour l’Égypte autant que l’Éthiopie: « Opposition à la préférence accordée à l’Afrique du Sud pour un siège permanent au Conseil de sécurité »

L’Égypte et l’Éthiopie (les deux nouveaux pays africains intégrés au sein des BRICS) se sont explicitement opposées à toute référence à un soutien à l’Afrique du Sud pour un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce désaccord a conduit à l’échec de la réunion à publier une déclaration commune, les deux pays ayant insisté pour supprimer toute mention explicite de l’Afrique du Sud du texte sur la réforme du Conseil de sécurité et la remplacer par un libellé général soutenant « les demandes des pays africains conformément au Consensus d’Ezeulini et à la Déclaration de Syrte ».

Cette position reflète la compétition interne africaine pour savoir qui devrait représenter le continent au sein du Conseil de sécurité. L’Égypte et l’Éthiopie préfèrent adopter une position unifiée, basée sur le « Consensus d’Ezeulini », qui stipule que l’Afrique devrait disposer de deux sièges permanents choisis par les pays africains eux-mêmes, plutôt que de privilégier un pays spécifique comme l’Afrique du Sud.

A noter que le pays arabe le plus peuplé avait reçu une invitation à rejoindre le groupe lors du sommet de 2023 et avait officiellement rejoint le groupe en janvier 2024. Il représente une composante démographique et géographique importante en Afrique du Nord et entretient des relations diversifiées avec la Russie, la Chine et l’Occident. Il est considéré comme un lien entre l’Afrique et le monde arabe. En rejoignant le groupe, Le Caire risque de compromettre ses relations avec l’Occident, car il reçoit environ 1,5 milliard de dollars d’aide américaine annuelle.

2. Pour l’Afrique du Sud: Défendre ses ambitions tout en mettant l’accent sur la solidarité africaine

Bien que n’étant pas directement impliquée dans le débat, l’Afrique du Sud a affirmé son soutien total au « Consensus d’Ezeulini », mais elle est considérée comme ayant le plus bénéficié du soutien tacite des BRICS (notamment de la Russie et de la Chine) à ses aspirations à un siège permanent. Elle a exprimé son mécontentement face à la position égypto-éthiopienne, qu’elle considère comme une tentative de saper ses acquis diplomatiques.

3. Pour l’Algérie: Le quatrième pays arabe est candidat, mais n’a pas encore officiellement rejoint l’organisation.

Il avait officiellement déposé sa candidature en 2022 et reçu le soutien de la Russie et de la Chine. Bien qu’il n’ait pas encore été accepté en raison de l’instabilité politique au sein du groupe, il reste un candidat potentiel pour le prochain cycle d’élargissement. C’est un important producteur et fournisseur de pétrole et de gaz pour le continent européen.

4. A propos des divisions africaines et de leur impact sur les BRICS.

Le différend entre les trois pays africains (Afrique du Sud, Égypte et Éthiopie) a révélé les difficultés à parvenir à un consensus africain au sein des BRICS, notamment sur des questions politiques sensibles comme la réforme du Conseil de sécurité. Cette division pourrait affaiblir le pouvoir de négociation du continent en tant que bloc unique au sein du bloc.

Il convient de rappeler que l’Afrique du Sud, seul membre africain des BRICS jusqu’en 2023, s’est retrouvée sur la défensive après l’adhésion de l’Égypte et de l’Éthiopie, ce qui pourrait limiter son influence antérieure sur l’élaboration des politiques du groupe.

5. A propos du contexte général: Priorités de l’Afrique au sein des BRICS.

Malgré leurs divergences politiques, les pays africains des BRICS partagent des objectifs économiques communs, tels que:

-/- Réduire la dépendance au dollar dans le commerce international grâce à des initiatives telles que la Nouvelle Banque de Développement.

-/- Promouvoir l’intégration économique entre les pays du Sud, notamment dans les domaines de l’énergie et des infrastructures.

-/- Cependant, les désaccords politiques tels que ceux apparus à Rio mettent en évidence les difficultés rencontrées par les BRICS pour assurer la coordination entre leurs pays membres africains.

C’est pourquoi l’on peut affirmer que le sommet des BRICS au Brésil a révélé de nettes divisions entre les États membres africains, notamment sur la question de la réforme du Conseil de sécurité, tandis que l’Afrique du Sud est apparue comme une partie lésée par l’élargissement de l’adhésion africaine au bloc.

Toutefois, les intérêts économiques communs demeurent un facteur d’unification potentiel à l’avenir.

Selon les observateurs, les faibles attentes en matière de percées majeures lors du sommet de cette année et l’attention accrue portée aux questions intérieures ont probablement contribué à la décision de Xi Jinping d’envoyer Li Qiang, son numéro deux de confiance.

Pour ce qui est du côté du monde arabe, l’incertitude persiste quant à l’acceptation par l’Arabie saoudite de l’invitation à rejoindre le groupe, dont l’acronyme fait référence aux initiales des pays fondateurs: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, avant son élargissement en 2024 à l’Égypte, aux Émirats arabes unis, à l’Éthiopie, à l’Indonésie et à l’Iran.

A noter que le le prince héritier d’Abou Dhabi, Cheikh Khalid ben Mohammed ben Zayed, était présent, aux côtés du Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouly, et du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.

• Quand Trump déclare la guerre aux BRICS, en guise d’affronter le bloc rival

Le président américain Donald Trump n’a pas caché son amertume quant à l’expansion du groupe des Brics, il avait écrit sur sa plateforme Truth Social: « Tout pays qui s’aligne sur les politiques anti-américaines des BRICS sera soumis à des droits de douane supplémentaires de 10 %. Il n’y aura aucune exception. Merci de votre attention ! »

Cette déclaration souligne l’inquiétude croissante des États-Unis face à l’expansion géopolitique et économique des BRICS, qui ont commencé à virer d’un bloc économique émergent en une alternative potentielle à l’ordre mondial dirigé par les États-Unis.

a) Contexte de la menace

Depuis sa campagne électorale de 2016, Trump s’appuie sur le principe de « l’Amérique d’abord » et utilise les droits de douane comme outil de négociation et de dissuasion. Il a imposé des droits de douane à la Chine, au Canada, au Mexique et à l’Union européenne, affirmant que ces mesures protègent les industries américaines et rétablissent l’équilibre commercial.

Bien que les BRICS aient été initialement perçus comme un groupe économique restreint, les évolutions récentes, notamment depuis 2022, ont révélé une tendance à l’accélération qui inquiète Washington.

b) Trump craint que les BRICS renforcent et accélèrent la rupture avec « l’hégémonie du dollar »

Parmi les sujets les plus controversés qui sont évoqués par les BRICS d’un somment à l’autre, figure la tentative des États membres (Brésil, Inde, Russie, Chine et Afrique du Sud) de « rompre avec la domination du dollar américain dans le commerce international ».

Pour ce faire, ils explorent l’utilisation accrue des monnaies locales dans les échanges commerciaux entre les États membres et la mise en place d’un système de paiement commun. Ils travaillent également à la création d’un comité technique chargé d’envisager l’émission d’une éventuelle monnaie commune, d’autant plus que les cinq pays représentent environ 42 % de la population mondiale, 24 % du PIB mondial et 18 % du commerce mondial.

c) Les Etats-Unis et la peur de la fin de l’ère du dollar

Les administrations américaines successives ont consolidé la domination du dollar comme principale monnaie mondiale, utilisé dans environ 80 % des échanges internationaux et représentant plus de 60 % des réserves des banques centrales mondiales.

Le dollar sert également à fixer les prix du pétrole, du gaz et des matières premières énergétiques, appelés « pétrodollars ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que Donald Trump craint que les BRICS puissent éliminer la dépendance au dollar dans le commerce international, en mettant en œuvre:

-/- La création d’institutions financières alternatives au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale (BM),

-/- La construction d’un bloc politico-économique parallèle à l’Occident,

-/- Attirer des pays clés comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, signe d’une refonte de la géopolitique mondiale.

Les centres de décision à Washington sont sincèrement préoccupés par la crainte croissante des États-Unis de voir les BRICS saper l’influence mondiale des américains qui s’explique par les tentatives de transition d’un système unipolaire, dirigé par Washington, vers un système multipolaire partagé par des puissances non occidentales.

• La riposte américaine anti-BRICS

Pour préserver ses intérêts dans pratiquement les plus importantes régions des quatre coins du monde, y compris le continent africain, Washington envisage de renforcer ses alliances régionales, telles que l’OTAN, l’alliance AUKUS ou le Quad, qui comprend l’Inde, l’Australie et le Japon, tout en renforçant également leur présence militaire et logistique dans des zones d’influence traditionnelles, comme l’Asie, l’Afrique et le Golfe Arabique. La sécurité se transforme en outil de pression, par le biais d’allusions ou de mises en œuvre de retraits ou de redéploiements, selon la position des pays envers les BRICS.

La déclaration de Trump ne constitue pas seulement une menace commerciale, c’est un avertissement stratégique contre l’érosion de la centralité des États-Unis dans le système international.

Washington a commencé entre-autres à réagir à la propagande des pays du bloc hostile en lançant une campagne médiatique visant à déformer l’image des BRICS, les qualifiant de bloc « autoritaire » ou « antidémocratique » et de « plateforme pour les ennemis de l’Occident ».

Parallèlement, Washington met en avant les avantages de l’intégration au système occidental, tels que le libre marché, l’accès au financement, les protections juridiques, les alliances de défense et la facilité des échanges commerciaux.

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