Pourquoi cet Engouement des Pays du Golfe pour les Mines D’Afrique?

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Pourquoi cet Engouement des Pays du Golfe pour les Mines D’Afrique?
Pourquoi cet Engouement des Pays du Golfe pour les Mines D’Afrique?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Cet article examine en partie la position de l’Afrique face à la dynamique des conflits internationaux autour des minéraux stratégiques, en analysant diverses stratégies de pouvoir liées à ces minéraux, leurs interactions et leurs dimensions géopolitiques.

Le conflit autour de l’accès aux minéraux stratégiques est devenu un microcosme des tensions géopolitiques et géoéconomiques contemporaines. Tandis que les acteurs occidentaux maintiennent leur influence grâce à leur expertise et leurs investissements, les pays émergents redessinent la carte des partenariats. Dans ce contexte, le plus grand défi auquel sont confrontés les pays africains consiste à transformer la « malédiction des ressources » en une opportunité structurelle qui positionne l’Afrique comme un acteur central de l’économie mondiale. Ce défi réside dans leur capacité à se positionner intelligemment et à œuvrer pour transformer la convoitise internationale pour leurs ressources en une source d’influence géopolitique et géoéconomique et en un levier de développement économique durable.

Cet objectif peut être atteint grâce à la coopération, à des négociations solides, à l’investissement dans la recherche et le développement, ainsi qu’au renforcement de la gouvernance, de la réglementation et des compétences locales.

C’est dans ce sens que, depuis le début de l’année 2024, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, ayant senti sévèrement le vent tourner car le monde délaisse les hydrocarbures pour une énergie plus verte, ont multiplié les injections de fonds en Afrique pour tout ce qui concerne les terres rares. Ils ne se sont pas arrêtés là puisque l’année 2025 a été autant, voire plus prolifique.

Et afin d’assurer la pérennité de l’économie de leurs pays respectifs, ils se sont attelés à diversifier leurs économies, qui reposent sur le pétrole et le gaz, tout en jouant des coudes pour se faire une place dans cet eldorado africain.

C’est pourquoi on peut dire qu’entre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, la bataille des géants du Golfe pour les mines africaines a commencé.

En quelques chiffres, ce sont plus de 1 243 milliards de francs CFA (2,2 milliards de dollars) qui ont été injectés dans l’économie minière africaine.

Avec de tels financements, la région est vite devenue le troisième plus grand investisseur dans les mines d’Afrique. Elle est uniquement dépassée par les pays occidentaux et la Chine.

• Estimation de la demande mondiale en minéraux stratégiques

La demande mondiale en minéraux stratégiques est actuellement élevée. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la taille du marché a doublé ces dernières années pour atteindre 320 milliards de dollars en 2022. La demande devrait plus que doubler d’ici 2030 et quadrupler d’ici 2050, avec des revenus annuels atteignant 400 milliards de dollars.

Face à cette forte demande mondiale, les investissements dans l’exploitation de ces minéraux ont également augmenté de 20 % en 2021 et de 30 % en 2022. La Chine domine actuellement le marché des minéraux stratégiques, une domination devenue une « menace géopolitique et sécuritaire pour les pays occidentaux ». La Chine use déjà de cette influence en imposant des restrictions sur ses exportations de minéraux critiques, en coupant ses approvisionnements et en menaçant les chaînes d’approvisionnement des entreprises américaines, européennes et japonaises.

Par conséquent, les économies occidentales se tournent désormais vers les pays africains, une région déjà dominée par la Chine, pour leur approvisionnement en minéraux stratégiques. Conscients de leur vulnérabilité face à la Chine, les pays occidentaux ont commencé à rechercher des alternatives à l’approvisionnement chinois afin de garantir des approvisionnements plus diversifiés, sûrs et durables. L’Afrique est ainsi devenue une destination importante pour diverses puissances occidentales, ainsi que pour les puissances émergentes cherchant à se positionner sur la scène des minéraux stratégiques. Cela indique l’émergence d’un nouveau conflit mondial dans lequel l’Afrique sera un acteur clé.

• Que représente l’Afrique sur le marché mondial des minéraux?

Les minéraux « critiques » ou « stratégiques » englobent un éventail de ressources essentielles pour l’énergie, la transformation numérique et la sécurité nationale. L’importance du minéral est principalement évaluée:

a) Premièrement en raison de son caractère essentiel pour les industries considérées comme stratégiques par l’État (défense et aérospatiale, électronique, production d’énergie éolienne et solaire, automobile, etc.),

b) Deuxièmement, en raison des risques pour les chaînes d’approvisionnement, notamment en raison de pénuries de réserves ou de production de matières premières à l’échelle mondiale.

Il est important de noter que l’évaluation de l’importance des minéraux varie d’un pays à l’autre et résulte des conditions économiques et géopolitiques du moment. Par conséquent, les pays et les blocs régionaux établissent leurs propres listes de minéraux stratégiques selon des critères différents.

En définitive, le Continent africain représente environ 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques. Il est un producteur majeur de nombreux minéraux classés comme stratégiques ou critiques par le monde occidental (voir détails ci-après):

Réserves de certains minéraux stratégiques en Afrique

La richesse de l’Afrique attire l’attention des puissances industrielles. Les pays africains concluent de plus en plus d’accords de partenariat, généralement influencés par les stratégies minières nationales de chaque pays et dont les objectifs, le contenu, les types et les parties prenantes clés varient.

Par ailleurs, l’Afrique est la troisième destination mondiale des investissements miniers, malgré un budget relativement faible pour l’exploration et les nouveaux investissements. L’Afrique a reçu 13,9 % du total des investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur minier entre 2018 et 2022. Avec un total cumulé de 77 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), le continent est la troisième destination après l’Amérique latine (114 milliards) et le Canada (80 milliards).

Cependant, l’Afrique a également bénéficié du moins de dépenses d’exploration au cours de la même période, avec 4,7 milliards de dollars, soit près d’un tiers du montant alloué à l’exploration en Amérique latine. Cela indique que l’Afrique n’a pas été aussi attractive ces dernières années que d’autres destinations. Avec l’accélération de la transformation énergétique et numérique, les besoins mondiaux en minéraux stratégiques ont considérablement augmenté ces dernières années, et la demande en minéraux critiques devrait être multipliée par 3,5 d’ici 2030 (3). L’Afrique, qui possède d’importantes ressources, espère capitaliser sur cet essor pour renforcer son rôle dans les chaînes de valeur mondiales, notamment face à l’escalade des tensions géopolitiques internationales liées aux minéraux stratégiques. De plus en plus de pays mettent en œuvre diverses stratégies pour accéder à ces ressources, notamment des partenariats avec des pays africains riches.

• Un secteur concurrentiel: de la domination occidentale à l’implication de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes

En Afrique, une évaluation stratégique de l’importance des investissements dans les minéraux pour la promotion des programmes politiques et sécuritaires de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis est présentée.

Le continent africain est un espace de plus en plus concurrentiel pour les puissances régionales et internationales, notamment dans le domaine des ressources minérales, dont le continent dispose en abondance. Dans ce contexte, le rôle de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis dans la promotion de leurs programmes politiques et sécuritaires par le biais d’investissements dans le secteur minier africain est remarquable.

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis font avancer leurs programmes politiques et sécuritaires en Afrique, en évaluant stratégiquement l’importance des investissements dans les minéraux.

Évaluation stratégique: Comment l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis font avancer leurs programmes politiques et sécuritaires en Afrique grâce à des investissements dans les minéraux.

L’Afrique possède d’importantes ressources minérales, notamment:

a) Minéraux précieux (or, platine, diamants),

b) Minéraux stratégiques (cobalt, cuivre, terres rares), essentiels aux industries technologiques et militaires,

c) Ressources énergétiques (uranium, gaz, phosphates).

• Pourquoi l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis investissent-ils dans le secteur minier africain?

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis cherchent à renforcer leur influence en Afrique par des investissements économiques, notamment dans le secteur minier, afin d’atteindre des objectifs politiques et sécuritaires plus larges.

Dans cette optique, et vue l’importance stratégique des minéraux africains, les deux pays ont planifié de:

a) Diversifier de l’économie au-delà du pétrole (conformément à la Vision 2030 de l’Arabie saoudite et à la stratégie de diversification des Émirats arabes unis),

b) Assurer l’approvisionnement en minéraux essentiels aux industries d’avenir (comme les voitures électriques et les énergies renouvelables),

c) Renforcer l’influence politique grâce à des partenariats économiques avec les gouvernements africains,

d) Faire face aux influences concurrentes (Chine, Turquie, Russie, Iran).

• Comment Riyad et Abou Dhabi utilisent-ils les investissements miniers pour faire avancer leurs programmes politiques et sécuritaires?

a) En renforçant l’influence politique grâce aux investissements miniers:

Des fonds souverains (tels que le Fonds d’investissement public saoudien (FIP) et Mubadala (Émirats arabes unis) investissent dans des sociétés minières africaines.

Des partenariats conclus également avec des gouvernements africains tels que:

-/- Soudan: investissements saoudiens et émiratis dans des mines d’or,

-/- République démocratique du Congo (cobalt et cuivre),

-/- Afrique du Sud (platine).

En plus de l’octroi de prêts et de projets d’infrastructures en échange de contrats miniers (comme en Afrique de l’Ouest).

b) En renforçant également les dimensions sécuritaires et militaires en liant les investissements à la sécurité avec:

-/- Les Émirats arabes unis qui disposent de bases militaires dans la Corne de l’Afrique (Érythrée, Somalie) pour protéger leurs intérêts économiques.

-/- L’Arabie saoudite qui soutient les forces locales dans des pays comme le Soudan et le Tchad pour combattre les insurrections et protéger les investissements.

c) En calculant entre-autres les défis et les risques comme tels:

Troubles politiques et coups d’État (comme au Mali, au Niger et en Guinée) pouvant freiner les investissements.

Concurrence entre les grandes puissances (la Chine contrôle quant à elle 70 % du secteur minier africain).

Critiques relatives aux droits humains (exploitation des travailleurs, pollution de l’environnement).

Fluctuations des prix mondiaux des minéraux pouvant également affecter la viabilité économique.

• Riyad et Abou Dhabi utilisent ces outils de mise en œuvre

1. Fonds souverains: Tels que le Fonds d’investissement public saoudien (PIF) et Mubadala (Émirats arabes unis), qui investissent dans des projets miniers africains.

2. Partenariats avec le secteur privé: Par l’intermédiaire d’entreprises telles que Ma’aden (Arabie saoudite) ou Al Dahra Group (Émirats arabes unis).

3. Diplomatie économique: Par le biais de forums tels que le Sommet Arabie saoudite-Afrique ou le Sommet d’investissement d’Abou Dhabi, qui visent à renforcer les relations économiques et politiques.

4. Des investissements colossaux injectés en 2025:

Selon les données les plus récentes de la plateforme « Critical Minerals: Pivotal Outlook », ces derniers mois, les pays du Golfe, notamment les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, ont considérablement renforcé leur présence dans le secteur minier africain, ciblant des minéraux stratégiques comme le cuivre, le lithium et le cobalt, essentiels pour leur transformation économique.

Ils ont injecté 2,2 milliards de dollars dans des projets liés aux minerais critiques en Afrique au cours du premier semestre 2025. Cela les place au troisième rang des principaux investisseurs, derrière la Chine et les pays occidentaux.

L’intérêt de Riyad et d’Abu Dhabi est tel que leur part dans les projets africains de minerais critiques pourrait bientôt dépasser 25 %, alors qu’ils n’avaient que quelques participations en 2024.

5. Quand les entreprises du Golfe passent à l’action

Le géant saoudien Ma’aden prévoit d’investir 15 milliards de dollars en Afrique dans les années à venir, via sa filiale Manara Minerals. L’entreprise a déjà signé un accord important avec la Zambie, marquant une étape clé dans sa stratégie minière.

Du côté des Émirats arabes unis, International Resources Holding (IRH) a acquis la mine de Mopani en Zambie pour 1,1 milliard de dollars, avec l’objectif de produire 150.000 tonnes de cuivre par an. De plus, IRH serait en pourparlers avancés pour acquérir jusqu’à 49 % de la société Chemaf, qui exploite les mines d’Étoile et de Mutoshi en République démocratique du Congo.

Investir dans l’exploitation minière africaine n’est pas seulement un accord économique pour l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, c’est aussi un outil géopolitique permettant de renforcer leur influence, d’assurer leur sécurité nationale et de limiter l’influence de leurs adversaires. Le succès de cette stratégie dépend de la flexibilité dont ils font preuve pour faire face aux complexités de l’environnement africain.

• Quel serait leur « Résultat stratégique »?

Si l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis parviennent à exploiter les investissements miniers pour accroître leur influence, cela contribuera à:

Assurer la loyauté des gouvernements africains à leur programme politique (par exemple, en soutenant leurs positions dans les forums internationaux).

Renforcer la sécurité nationale en sécurisant les chaînes d’approvisionnement en minéraux essentiels.

Contrebalancer l’influence turque et iranienne dans des régions sensibles comme la Corne de l’Afrique.

Pour clôturer ce dossier, on peut présager qu’investir dans les ressources minières africaines ne constitue pas seulement une démarche économique pour l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Cela s’inscrit également dans une stratégie plus large visant à renforcer leur influence politique et sécuritaire sur le continent, tout en affrontant leurs rivaux régionaux et internationaux.

Cependant, le succès de cette stratégie dépend de la capacité des deux pays à relever les défis sécuritaires et politiques complexes du contexte africain.

• L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis réussiront-ils en Afrique?

Ceci fait ressortir deux suppositions:

1. Oui, s’ils continuent à:

Combiner investissements et diplomatie politique et sécuritaire,

Éviter les conflits locaux et établir des partenariats à long terme,

Équilibrer leur influence avec les puissances rivales (notamment la Chine).

2. Non, si:

Les deux échouent à gérer les crises sécuritaires (comme la prolifération de groupes armés dans la région du Sahel),

Leurs investissements deviennent la cible de manifestations populaires ou de sanctions internationales.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

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