Quand Emmanuel Macron s’engage finalement de soutenir l’accord d’Alger au Mali !

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Quand Emmanuel Macron s’engage finalement de soutenir l'accord d'Alger au Mali !
Quand Emmanuel Macron s’engage finalement de soutenir l'accord d'Alger au Mali !

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Il importe de noter avant tout que l’espace sahélo-saharien connait depuis longtemps des problèmes touchant à la préservation des États et de leurs territoires, ainsi qu’à la sécurité des individus, et qu’il s’agisse de la crise de légitimité des régimes, de l’absence de bonne gouvernance, de tensions ethniques, de pauvreté ou de rébellions contre les autorités centrales en raison de la marginalisation des régions périphériques et de l’exclusion politique de larges segments de la population.

Ces crises se sont aggravées avec la montée de l’émergence des groupes armés, extrémistes ou non, et de l’apparition du terrorisme violent qui menace sérieusement la stabilité de toute la région sahélo-saharienne.

On peut donc affirmer que, même si la récente visite du président français Emmanuel Macron en Algérie est une tentative de Paris de consolider son contrôle économique et culturel sur l’une de ses anciennes colonies, ce déplacement officiel entre de plein fouet dans le sens de ce dont nous avons parlé dans les deux paragraphes précédents.

En effet, le 25 août dernier, le président Macron est bien arrivé à Alger pour une visite de trois jours, dans le but de commencer à réformer les relations bilatérales avec l’Algérie, historiquement caractérisées par la tension et l’attraction, mais qui se sont détériorées en octobre 2021 sur fond de propos de Macron dans lequel il s’interrogeait sur « l’existence de l’Algérie en tant que nation avant le colonialisme français ».

Suite à ces commentaires, la crise diplomatique qui s’en suivit a poussé l’Algérie à :

• retirer son ambassadeur de France

• fermer son espace aérien aux avions militaires français.

L’Algérie décidée à aller toujours vers l’avant


Signature de divers accords bilatéraux entre l’Algérie et la France

Lors de la visite du président français, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est dit « être fier » d’avoir réussi à arracher à Emmanuel Macron un engagement français de soutenir l’accord d’Alger pour la Paix et la Réconciliation au Mali, signé en 2015.

C’est ainsi que Macron a lâché le mot : « Les accords d’Alger sont un texte de base concernant la phase de transition au Mali ».

Cette nouvelle tendance, a permis donc au Président algérien de déclarer, au cours d’une conférence de presse conjointe, que : « Ce rapprochement (avec la France) nous permet d’aller loin, notamment avec la réunion de sécurité de haut niveau, et cela annonce une action commune au profit de notre environnement ».

Ce rapprochement s’est manifesté par la tenue de la première rencontre entre hauts responsables sécuritaires et militaires algériens et français, pour discuter de dossiers communs, notamment au Mali et dans la région du Sahel africain, liés à la lutte contre le terrorisme, le crime organisé, le trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains.

Moins d’une semaine après la fin de la visite d’Emmanuel Macron, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s’est envolé pour Bamako, en sa qualité de chef de la médiation internationale sur le Mali, pour suivre la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu de l’accord d’Alger de 2015, entre le gouvernement malien et les mouvements de l’Azawad dans le nord.

Lamamra était chargé de discuter des moyens de mettre en œuvre ledit accord, notamment en ce qui concerne l’intégration de 26 000 Azawads et Touaregs armés dans l’armée et la sécurité maliennes, en plus de nommer en postes des personnalités civiles aux affaires politiques et diplomatiques.

Pour rappel, le gouvernement malien, qui accusait Paris d’être à l’origine de l’obstruction à la mise en œuvre de l’accord d’Alger depuis belle lurette, a pris des mesures concrètes pour sa mise en œuvre, ce qui ouvre la voie à une coordination diplomatique, sécuritaire et de renseignement entre l’Algérie et la France dans la région du Sahel, pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé.

Toutefois, la coordination sécuritaire entre les deux pays existe en fait depuis 2013, lorsque l’Algérie avait autorisé les avions militaires français à survoler son ciel en direction des pays du Sahel, mais il est peu probable qu’elle inclurait des aspects militaires, tels que l’envoi de forces algériennes dans la région.

L’optimisme algérien l’emporte sur l’obstruction française


Arrivée d’Emmanuel Macron à Alger

Hormis toutes les difficultés du parcours, cet optimisme algérien est venu après que le président Tebboune ait critiqué des parties internationales qu’il n’a pas nommées comme étant à l’origine d’opérations terroristes contre les autorités de transition au Mali, mais il était clair qu’il s’agissait de la France, en raison de son influence et de sa présence militaire au Sahel.

En revenant à un attentat terroriste ayant ciblé la résidence du président de transition, le colonel Assimi Goïta, à la base de Kati, à environ 15 km de Bamako, en juillet dernier, Abdelmadjid Tebboune a estimé qu’« une partie du terrorisme au Mali est fabriquée, en raison de motifs stratégiques pour d’autres pays » qui alimentent le terrorisme.

L’Algérie a ensuite condamné l’attentat revendiqué par le groupe Macina, allié d’Al-Qaïda, tandis que le gouvernement malien accusait officiellement la France de fournir des munitions, du matériel et des informations aux groupes armés, ce que Paris a évidemment démenti, rappelant les sacrifices de ses soldats pour l’unité du Mali.

Autres réactions algériennes

Cette situation embarrassante a incité le président algérien à exprimer à plusieurs reprises son agacement face à l’entrave à la mise en œuvre de l’accord d’Alger, qu’il considère comme le plus à même de résoudre la crise sécuritaire au Mali sur la base de l’expérience algérienne de concorde et de réconciliation, par laquelle elle est sortie victorieuse du tunnel de la « décennie rouge » (26 décembre 1991 – 8 février 2002).

Tebboune a déclaré dans l’un de ses communiqués de presse : « Tant qu’il n’y aura pas de mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation émanant du processus de l’Algérie, le Mali restera collé à ses problèmes ».

Il a tenu pour responsables les parties internationales d’entraver le rôle de médiation mené par son pays dans plusieurs points chauds, comme le Mali, déclarant à cet effet que : « Chaque fois que nous essayons de réunir des frères dans un pays, il y a ceux qui interfèrent… Il y a des parties qui envient l’Algérie pour son rôle ».

La France est-elle convaincue de la vision algérienne autour d’une solution ?


Vue de la signature de l’accord à Alger 2015

L’approche algérienne de la solution au Mali repose sur l’intégration des composantes du nord, en particulier les Touareg et l’Azawad, au sein des organes de l’État, qu’ils soient militaire, sécuritaire ou civil, et l’allocation de ressources pour le développement de leurs régions, au lieu de les marginaliser et de les pousser à rechercher plutôt la séparation, la coopération avec des organisations terroristes ou tomber dans les abus de la contrebande.

La logique voudrait que « Contenir la minorité Azawad et Touareg par la réconciliation » priverait les groupes terroristes d’un incubateur populaire, leur fournissant un soutien logistique et un réservoir humain pour recruter davantage d’éléments prêtant allégeance à ces groupes terroristes et compenser les pertes humaines dans leurs rangs.

Il ne faut pas oublier qu’au niveau régional, entre-autres, l’Algérie s’était opposée à l’intervention militaire française au Mali en 2013, car cela conduirait à la polarisation des militants dans le monde pour combattre la France au Mali, et transformerait la région en un foyer pour l propagation du terrorisme dans toute la région.

Et cette vision s’était concrétisée finalement par la formation par l’Algérie du « Groupe des pays du champ », qui comprend également le Mali, le Niger et la Mauritanie. Ce groupe vise à coordonner le travail militaire, sécuritaire et de renseignement dans la lutte contre le terrorisme, à condition que chaque armée combatte sur son propre territoire, sans former de forces conjointes, ni inviter des forces étrangères à intervenir dans la région, mais plutôt en appelant la communauté internationale à fournir une assistance militaire et de développement afin que ces pays puissent protéger leur propre sécurité, en particulier, surtout que la lutte contre le terrorisme exige un long souffle, et les solutions de sécurité ne suffisent pas à elles seules à l’éliminer.

Néanmoins, la vision française reposait elle sur une intervention militaire directe avec ses forces pour expulser les groupes terroristes des villes et les poursuivre dans le désert et les montagnes reculées, puis la formation d’une alliance militaire des cinq pays du Sahel, à laquelle l’Algérie a refusé de participer, et qui inclut le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie (G5 Sahel).

Sauf qu’après neuf ans d’intervention militaire au Mali et au Sahel, l’approche sécuritaire française a échoué.

Ce à quoi l’Algérie s’attendait s’est donc produit, notamment en ce qui concerne l’attraction de militants de différents pays après la défaite de Daech en Syrie, en Irak et en Libye, et l’alliance d’ethnies locales avec des organisations terroristes, comme le « Groupe Ansar Dine » à majorité touareg , ainsi que la Brigade Macina, dont la majorité de ses membres sont issus de la tribu peul.

On a noté également que des groupes armés se sont propagés du nord du Mali vers la majeure partie du pays et les pays voisins, notamment au Sahel, les pays du bassin du lac Tchad, et même les pays du lointain golfe de Guinée.

Cette situation a provoqué la colère populaire dans la région du Sahel contre la présence française dans leur pays, et des manifestations ont eu lieu au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina Faso appelant ainsi les forces françaises à s’en aller.

Quand la France admet son échec

Cet échec français a été l’une des principales raisons du retrait des troupes militaires françaises du Mali et de son soutien à l’accord d’Alger, après avoir entravé sa mise en œuvre pendant plusieurs années.

C’est donc pourquoi la France préfère désormais laisser l’Algérie mettre en œuvre sa vision d’une solution au Sahel, plutôt que de laisser la région à la portée de la Russie pour la dominer.

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