Rebondissement dans l’affaire du journaliste Birama Touré disparu depuis 2016

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Rapporté par
Anouar Chennoufi

Africa-PressMaliIl ya prés d’un mois, précisément le jeudi 29 juillet 2021, nous avons appris l’arrestation du général de division Moussa Diawara, ancien chef d’état-major de la garde nationale, qui a occupé le poste influent de Chef des services de renseignements maliens (Direction générale de la sécurité d’Etat), et ce, pendant sept ans (2013 – 2020), sous le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta.

Général Moussa Diawara

Cette arrestation qui a lieu cinq ans après, s’inscrit dans le cadre de l’enquête lancée autour de la disparition d’un journaliste d’investigation en 2016, en l’occurrence « Birama Touré », et dans laquelle Karim Keïta, fils de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par INTERPOL au début du mois de juillet dernier, à la suite d’une requête judiciaire formulée par un juge d’instruction du tribunal de la Commune 4, à Bamako.

Il semblerait que le général Diwara soit inculpé et placé sous mandat de dépôt pour « complicités d’enlèvement, de séquestration, de tortures, etc. », d’après une source judiciaire malienne citée par l’Agence France Presse, et qui aurait requis l’anonymat.

Vu son statut de général, une demande de mise à la disposition de la justice avait été formulée auprès du ministère de la Défense par le juge d’instruction chargé de l’affaire, vis-à-vis de laquelle le ministre concerné, le colonel Sadio Camara, n’a pas formulé d’objection.

Le général Diawara est actuellement « détenu au Camp 1 de l’école de gendarmerie » de la Capitale malienne, Bamako.

Karim Keïta

Il n’échappait à personne, au Mali, que le général était très proche de Karim Keita, du fait que le fils de l’ancien président était député avant de fuir en Côte d’Ivoire, après le coup d’État qui a renversé son père en août dernier 2020.

Rappelons que l’enquête en cours portait notamment sur la disparition du journaliste qui travaillait pour l’hebdomadaire « Le Sphinx », et que personne n’a jamais plus revu, depuis le 29 janvier 2016, sachant que sa famille, ses amis et son entourage sont tous persuadés qu’il fût assassiné après avoir été violenté et torturé.

D’ailleurs, et comme nous en avions déjà parlé dans un article précédent, Karim Keïta, le fils de l’ancien président, persécuté par tous les regards et par la justice malienne, traînerait sur ses épaules un dossier très compromettant.

Selon des déclarations faîtes en 2018 par Adama Dramé, le directeur du journal qui employait Birama Touré, le journaliste (maintenant disparu) avait eu des contacts avec Karim Keïta au sujet d’un dossier qui semblait compromettant pour le fils du président.

Il avait souligné à cette époque que Karim Keïta avait toujours démenti, non sans fermeté, toute implication dans la disparition de Birama Touré, tout en refusant d’accepter de comparaître devant la justice de son pays pour s’expliquer sur cette affaire.

« Il est essentiel que Karim Keïta dise ce qu’il sait, compte tenu des liens qu’il a avec cette affaire », avait estimé début juillet le responsable du Bureau pour l’Afrique de Reporters sans frontières, Arnaud Froger. RSF a affirmé avoir recueilli en 2019 le témoignage d’un homme affirmant avoir été détenu avec le journaliste dans une prison secrète de la DGSE malienne.

Il importe également de rappeler que Karim Keïta occupait entre-autres, en sa qualité de député, le poste de « Président de la commission de la défense » au sein de l’Assemblée nationale du Mali.

Par ailleurs, selon le témoignage d’un autre témoin, que l’organisation Reporters sans frontières a tenu à ne pas dévoiler son identité pour des raisons sécuritaires, Birama Touré aurait été torturé pendant plusieurs mois, avant d’être exécuté « de trois coups de feu » à la fin de l’année 2016, et probablement jeté dans un puits.

C’est dans ce contexte que RSF a publié un communiqué, le jeudi 26 août 2021, dans lequel l’organisation non gouvernementale s’est félicitée de l’arrestation du général Moussa Diawara, en estimant qu’il s’agissait « d’un tournant », notamment « après des années d’indifférence ».

Toutefois, on devrait quand même se poser la question suivante : En quoi l’ancien chef des services secrets maliens peut-il être réellement concerné par cette affaire ? Sauf que des journaux maliens avaient affirmé à l’époque que le reporter disparu, Birama Touré, aurait séjourné un certain temps dans les locaux des services de renseignements du Mali, tout juste après son enlèvement.

Du moment qu’en cette période le général Moussa Diawara était à la tête des services secrets d’Etat maliens, l’interrogatoire pourrait donner probablement une réponse plus ou moins définitive, ou plus explicite à ce sujet.

En attendant, le tribunal qui a inculpé le général Moussa Diawara rappelle qu’à ce stade de l’enquête, il faut respecter la présomption d’innocence.

A noter que l’enquête piétinait depuis la disparition énigmatique du journaliste d’investigation Birama Touré, le 26 janvier 2016, et la procédure judiciaire s’est soudainement accélérée pour aboutir à l’arrestation du général.

Pour rappel, le Mali se trouve au jour d’aujourd’hui dirigé par le colonel Assimi Goïta, principal artisan de deux putschs en neuf mois, ceux du 18 août 2020 et du 24 mai de l’année en cours.

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