Africa-Press – Mali. Par Sidi Ould Tah, directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) et ancien ministre de l’Économie et du Développement de la Mauritanie
La crise du développement en Afrique ne se résume plus à l’ampleur des besoins, mais à la manière dont on y répond.
En 2025, une rupture décisive s’opère. Les États-Unis proposent une réduction de 500 millions de dollars de leurs engagements envers le financement multilatéral du développement en Afrique. Le Royaume-Uni revoit publiquement son approche du financement collectif, tandis qu’en Europe, les pressions internes poussent à la réduction des budgets d’aide et à un contrôle accru.
Dans le même temps, les financements climatiques déçoivent une fois encore: le Fonds vert pour le climat n’a débloqué que moins de 15 % de ses allocations approuvées pour l’Afrique en 2024, malgré la vulnérabilité aiguë du continent face au changement climatique.
Le message est clair: le financement traditionnel ne peut porter l’avenir de l’Afrique. Pour un résultat différent, il faut une approche totalement nouvelle.
L’heure d’un nouveau pacte
Ce n’est pas le moment de s’appuyer sur les schémas du passé, mais de réinventer la manière dont la croissance est financée, et par qui.
L’Afrique doit dépasser la logique de dépendance envers les donateurs et s’ouvrir à un éventail plus large de partenaires: investisseurs souverains, capitaux philanthropiques, fonds à impact social, et financeurs technologiques. Ces acteurs ne sont pas contraints par les cycles historiques de l’aide ou l’usure politique ; ils cherchent la concordance, les opportunités d’envergure, et des résultats tangibles.
La Banque africaine de développement doit devenir la plateforme de cette transformation.
Au cours de la dernière décennie, elle a démontré sa résilience face aux crises, de la pandémie de COVID-19 aux chocs macroéconomiques. Mais la phase à venir exige davantage: passer de la résilience à la consolidation institutionnelle, de l’urgence à la durabilité.
Les éléments du nouveau modèle
• Élargir les alliances: inclure des partenaires non traditionnels dans les guichets concessionnels comme le Fonds africain de développement. La participation récente des Émirats arabes unis est un signal fort.
• Mobiliser le capital de manière innovante: garanties, rehaussements de crédit, plateformes intégrées doivent permettre de libérer les financements privés à grande échelle. Malgré des décennies de discussions, l’Afrique ne capte que moins de 3 % des investissements privés dans les infrastructures mondiales. Ce chiffre doit changer.
• Agir avec rapidité et clarté: les retards dans les projets et les décaissements lents ne sont pas de simples dysfonctionnements administratifs, mais des causes réelles de rupture de partenariats. Pour attirer de nouveaux acteurs, la BAD doit incarner l’exécution efficace: préparation rapide, outils intelligents de gestion des risques, corrélation entre résultats, institutions, emploi et adaptation.
• Penser comme une place de marché: la Banque doit devenir un centre de confiance où les projets prêts à investir sont présentés aux gouvernements, aux investisseurs privés et aux fondations, non seulement comme bailleur, mais comme plateforme de solutions à fort impact.
Au-delà du capital: la question de la confiance
Les fondamentaux économiques de l’Afrique sont solides: c’est le continent à la plus forte urbanisation, avec plus de 400 hubs technologiques et un taux de redressement souverain de 64 %, supérieur à bien des marchés émergents.
Le problème n’est pas la capacité, mais les perceptions, et l’absence d’outils pour les changer.
L’Afrique n’a pas besoin de plus de charité, mais de crédibilité et d’un système financier qui perçoive les fluctuations du marché comme des opportunités de valeur, et non comme des menaces.
La prochaine présidence de la BAD doit se consacrer à restaurer la confiance, élargir la base des partenariats et maximiser le rendement de chaque dollar investi: moins de discours, plus d’alliances, moins de projets pilotes, davantage de plans d’investissement ambitieux.
L’avenir ne patientera pas
Le déficit annuel en infrastructures dépasse 100 milliards de dollars. Plus de 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité. Le chômage des jeunes continue d’augmenter.
Pourtant, les capitaux nécessaires existent. Mais ils sont mal coordonnés, peu incités, trop rigides ou en manque de confiance.
Nous ne pouvons attendre le retour d’une ancienne recette. Le monde a changé de cap, et le financement du développement doit en faire autant.
Dans une ère de rigueur budgétaire mondiale, la force de l’Afrique résidera dans sa capacité à forger des alliances — non seulement avec ses partenaires traditionnels, mais avec ceux prêts à co-construire les solutions.
La Banque africaine de développement doit être le point de départ de cette nouvelle ère.
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