La France va-t-elle laisser le groupe russe Wagner faire cavalier seul en Afrique ?

42
La France va-t-elle laisser le groupe russe Wagner faire cavalier seul en Afrique ?
La France va-t-elle laisser le groupe russe Wagner faire cavalier seul en Afrique ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Malgré l’insoutenable dilemme dans lequel la France s’est retrouvée après plus de neuf ans de lutte contre les groupes armés en Afrique, le pays de l’hexagone chercherait toujours à aider les pays d’Afrique de l’Ouest à gagner la bataille contre le terrorisme sans bruit et dans une atmosphère d’intense compétition stratégique entre les grandes puissances, menée par la Russie, après le retrait des derniers soldats français du Mali.

Dans ce contexte, le président français Emmanuel Macron a déclaré fin juillet dernier, lors de la visite officielle rendue en Guinée-Bissau, dans le cadre de sa dernière tournée africaine, que « la France continuera à renforcer son action dans la région au service des États souverains légitimes, car nous considérons que notre rôle est d’aider la région à réussir dans la bataille contre les groupes armées ».

Sachez que deux jours plus tôt, depuis le Cameroun, Macron avait exprimé son espoir que la France travaille « mieux et plus efficacement » en Afrique, tant il semble clair que l’ancienne puissance coloniale est en déclin rapide face à ses concurrents comme la Turquie, Israël et les États-Unis, et particulièrement la Russie, qui tentent tous d’avoir la suprématie sur les Français dans leur sphère d’influence.

Un officier français en poste en Afrique de l’Ouest a résumé la situation en disant : « Nous ne sommes plus qu’une partie parmi d’autres ».

Le départ français

Les présidents russe et français se creusant les méninges pour une influence en Afrique

L’armée française a quitté le Mali, le lundi 15 août 2022, après neuf ans de lutte contre les diverses factions de groupes armés et après que le Conseil militaire au pouvoir dans ce pays depuis l’année 2020 l’ait poussée à partir et à travailler désormais, bien qu’il s’en défende, avec le groupe paramilitaire russe « Wagner ».

Néanmoins, la présidence française a confirmé dans son communiqué, rendu public le lundi même, que « la France est toujours impliquée dans la région du Sahel, le golfe de Guinée et la région du lac Tchad » dans la lutte contre le terrorisme.

Ce qui en découle que, malgré la réduction de moitié du nombre de soldats à moins de 2 500 soldats contre 5 500 au plus fort de la force Barkhane, Paris n’a pas l’intention d’abandonner la lutte contre les organisations d’Al-Qaïda et de Daech, et autres, qui sont depuis longtemps contenus au Sahel et qui tentent toujours de s’étendre vers le sud, cependant, ses interventions militaires deviendront « moins visibles et moins exposées », comme l’a déclaré Emmanuel Macron, pour éviter de provoquer l’hostilité contre les Français.

D’après les spécialistes des stratégies militaires, la France voudrait éviter un recul stratégique face à ses adversaires ou concurrents sur le continent, dont la population devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants en 2050.

Wagner prend pied

Les unités russes de Wagner

« Les Russes ont une vraie priorité opérationnelle pour intercepter les Français via l’espace de l’information en Afrique, et ils exercent une forte pression pour essayer de nous expulser via les réseaux sociaux à travers le groupe Wagner », a déclaré un général français.

Des sources identiques ont déclaré à des médias français que le groupe Wagner est stationné en République centrafricaine et au Mali avec une offre claire de services, à savoir :

• la sécurité contre tout coup d’État

• et l’assistance judiciaire pour maintenir le régime en place en échange de l’exploitation des richesses minières.

La galaxie de Prigogine, comme on l’appelle, est active au nom du fondateur russe du groupe Wagner, connu pour sa proximité avec le Kremlin, également via les réseaux sociaux.

Rappelons que fin avril dernier, un drone français avait surpris des mercenaires en train de creuser un faux charnier près d’une base française au Mali, accusant Paris d’avoir commis des crimes de guerre via de faux comptes Twitter.

Mais, au-delà de la contestation russe, lutter contre les actes de violence commis par les groupes armés qui menacent les partenaires africains de Moscou et alimentent l’immigration vers l’Europe, reste une nécessité pour Paris, qui veut agir dans la discrétion, « car apparaître avec les Français donne un reflet négatif », selon un Officier français.

Coopération développée

La force Barkhane déménageant du Mali vers le Niger

Le commandant de la force Barkhane, le général Laurent Michon, déjà en fin de mission, a récemment déclaré à l’Agence France-Presse : « Nous allons vers plus d’opérations de coopération associées à plus de rigueur et aux demandes des pays africains, en apportant un soutien et pas des solutions ».

Michon a souligné que les groupes armés exercent toujours une pression sur les pays du Sahel notamment le Burkina Faso : « La menace de la Katiba Anifa, le long de la frontière Burkina-Niger a tendance à descendre et à avoir des liens un peu plus fréquents avec les autres pays, Bénin, Togo et Nigeria. Une tendance plutôt mauvaise dans le sens où ces liens s’accroissent. On assiste à une forme d’enracinement dans certaines régions du Nord, mais il y a aussi, le long de la frontière malienne, une menace qui descend assurément ».

Aujourd’hui, la première source d’approvisionnement en armement des groupes armés demeure les armées du Mali et du Burkina Faso, selon le commandant de la fore Barkhane : « Quand un poste est submergé et que les groupes armés arrivent à s’emparer d’un certain nombre d’armes et de munitions, ça devient une source d’armement pour le groupe terroriste qui est loin d’être négligeable », poursuit-il.

A noter que les discussions vont bon train pour redresser les revendications des partenaires, pour qui la France veut sécuriser davantage de places pour leurs officiers dans ses écoles militaires.

Quant à la région du Sahel, le Niger a accepté de maintenir une base aérienne française à Niamey et de déployer 250 soldats pour soutenir ses opérations militaires à la frontière malienne, tandis que le Tchad continuera d’accueillir une force française à N’Djamena, et les Français espèrent garder un bataillon des forces spéciales à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Par ailleurs, précisément dans le golfe de Guinée, les forces françaises coopérant avec l’armée en Côte d’Ivoire peuvent sécuriser des moyens d’observation dans le nord du pays à la demande d’Abidjan. Quant au Bénin et au Togo, « il y a une demande d’appui français sous forme d’appui aérien, ainsi que dans les domaines du renseignement et de l’équipement », selon une déclaration de l’Elysée, alors que la Guinée étudie encore ses besoins pour sécuriser sa frontière avec le Mali.

De cette sorte, avec son désengagement du Mali, la France aura réduit de moitié sa présence au Sahel, mais Paris affirmait depuis des mois qu’il ne renonce pas à lutter contre les groupes armés et discute avec les pays du Sahel et du golfe de Guinée pour préparer de nouvelles formes d’intervention.

Entre-autres, au Niger, les Français maintiendront des unités militaires renforcées par des capacités aériennes pour fournir un appui-feu et du renseignement dans le cadre d’un « partenariat de combat » avec les forces armées nigériennes déployées près de la frontière avec le Mali pour combattre les membres liés à Al-Qaïda ou à Daech.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here