Le Mali, l’encerclement de l’OTAN, et le nouveau concept stratégique de l’organisation transatlantique en Afrique

23
Le Mali, l'encerclement de l'OTAN, et le nouveau concept stratégique de l’organisation transatlantique en Afrique
Le Mali, l'encerclement de l'OTAN, et le nouveau concept stratégique de l’organisation transatlantique en Afrique

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. La dernière réunion du sommet de l’OTAN, qui s’est tenue à Madrid durant le week-end du 3 et 4 juillet dernier, a traité des menaces et des défis au Sahel, en Afrique du Nord e au Moyen-Orient, selon ce qu’a déclaré le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, lors la dernière conférence de presse avant la tenue du sommet, le jeudi 30 juin, notant « l’impact direct de l’instabilité dans ces zones sur la sécurité de tous les alliés », et où il a noté que le nouveau concept stratégique identifie le terrorisme comme l’une des principales menaces à la sécurité des pays de l’OTAN.

Pour la première fois, les pays de l’alliance militaire se sont mis d’accord pour fournir un bouquet de « renforcement des capacités de défense » à la Mauritanie, car le nouveau concept stratégique indique un intérêt stratégique pour cette région compte tenu des risques sécuritaires posés par le terrorisme et la migration irrégulière au Sahel africain et en région du Sahara, et il a également été convenu de fournir un soutien supplémentaire pour renforcer les capacités de la Tunisie et continuer à soutenir la Jordanie.

L’intérêt de l’OTAN pour les pays du Sud n’est pas nouveau

NATO : « Qui m’a réveillé ? »

A noter qu’à l’issue du sommet, qui s’est tenu au siège de l’OTAN à Bruxelles, la capitale belge, en 2018, l’OTAN a annoncé l’attribution d’un ensemble d’initiatives pour les pays du Sud (qui s’étend de la Mauritanie au Golfe et à Israël) qui incluent des politiques et des initiatives de coopération pratique vers une approche stratégique plus cohérente et ciblée du Moyen-Orient et de l’Afrique, considérant que cette région est confrontée à un certain nombre de menaces et de défis complexes qui affectent la sécurité des États transatlantiques.

Cependant, la guerre russe en Ukraine a entraîné des changements drastiques dans la stratégie de l’OTAN envers les pays de l’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient.

Il a été fait référence au Moyen-Orient et à l’Afrique dans le nouveau concept stratégique au onzième point des menaces auxquelles sont confrontés l’OTAN et ses partenaires, qui stipulait que le voisinage méridional de l’OTAN, en particulier l’Afrique du Nord, le Sahel africain, et le Moyen-Orient, était confronté à des problèmes de sécurité interdépendants, démographiques, économiques et politiques. Ces problèmes sont exacerbés par l’impact du changement climatique, la fragilité des institutions, les urgences sanitaires et l’insécurité alimentaire. Cela représente un terreau fertile pour la prolifération des groupes armés non étatiques, y compris les organisations terroristes, notant que cette situation permet à des « concurrents stratégiques » de « déstabiliser l’ingérence ».

Le Mali et l’encerclement de l’OTAN

La dernière phrase résume les raisons de l’intérêt croissant pour la Mauritanie, qui partage une frontière de 2 237 kilomètres avec le Mali et entretient des relations renforcées avec la Russie depuis le retrait des forces françaises il y a moins d’un an. En janvier 2022, un porte-parole de l’armée malienne a annoncé l’arrivée de soldats russes dans la ville de Tombouctou, dans le nord du pays, pour entraîner les forces maliennes dans une base d’où les forces françaises se sont retirées, ce qui a provoqué la colère des pays occidentaux, notamment au milieu des allégations de la présence du groupe paramilitaire privé russe Wagner, qualifié de « mercenaires », et qui est accusé par l’Occident de violations des droits de l’homme, ce que Bamako nie.

Selon un document de recherche publié par le Fonds Marshall allemand des États-Unis, une institution de recherche américaine non partisane qui travaille sur des questions importantes pour les intérêts transatlantiques, l’environnement de sécurité à la périphérie sud de l’OTAN est difficile, car de la Libye au Proche-Orient et au golfe Persique, la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) témoigne d’une multitude de menaces allant des conflits régionaux à la fragilité des États, en passant par le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, qui présentent également des risques directs et indirects pour la sécurité des membres de l’OTAN et de leurs sociétés, y compris ceux liés à la migration irrégulière, à l’insécurité humaine et au changement climatique.

L’étude du Fonds Marshall indique que la récente réémergence de la Russie et de la Chine au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a accru l’importance du rôle de « l’OTAN » là-bas, car elle indique que la présence russe dans la région est une raison logique supplémentaire et cela renforce la nécessité de la présence de « l’OTAN » dans cette région, en avertissant que d’autres puissances extérieures (indiquant Moscou et Pékin) ont des plans clairs sur ce qu’elles veulent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et donc tout désengagement de l’OTAN ou des puissances occidentales comportera probablement d’énormes risques.

« Compte tenu du concept stratégique à venir, une ambition de sécurité coopérative renouvelée est impérative si (l’OTAN) veut influencer la stabilité globale de la région », ajoute cette étude.

On constate qu’entre 2015 et 2021, la Russie a multiplié par sept sa présence militaire dans le monde, avec des opérations dans 27 pays depuis l’année dernière, selon le « Center for Strategic and International Studies, à Washington ». Le groupe militaire russe le plus important est le groupe Wagner, que les États-Unis et l’Union européenne considèrent comme un mandataire de l’armée russe, mais que le Kremlin nie.

Le journal américain « Los Angeles Times » dit : « De la Libye à Madagascar, les contrats de sécurité avec le (Wagner Group) et d’autres donnent à la Russie l’accès aux ressources minérales, la base des opérations de lancement, et des points d’appui importants qui défient l’influence des pays occidentaux ».

Le Mali quant à lui, outre la Libye et le Soudan, est le dernier de plus d’une douzaine de pays africains riches en ressources à avoir forgé des alliances de sécurité avec le Kremlin, selon des responsables américains qui se sont entretenus avec les médias américains au cours des derniers mois. En mars 2022, le général (4 étoiles) américain à la retraite Philip Mark Breedlove a déclaré à l’Associated Press : « Ce que nous voyons, c’est que la Russie fait beaucoup plus d’opérations exploratoires, jetant sa puissance militaire à une échelle plus grande et plus vaste, en particulier au cours des six dernières années ».

Alors que le président russe Vladimir Poutine poursuit sa guerre féroce en Ukraine, les Européens considèrent ses objectifs expansionnistes au Moyen-Orient et en Afrique comme une menace potentielle à long terme, et non comme une menace immédiate pour l’Europe ou l’OTAN. Mais en même temps, travailler à construire des alliances avec les pays du Sud, c’est repousser les ambitions du Kremlin de restaurer l’influence russe aux confins de la guerre froide.

Dans ce contexte, Christina Koch, chercheur associé en sécurité européenne au Marshall Fund, a dit au sujet de l’influence de la Russie : « Elle menace (l’OTAN) depuis le sud. Les Russes se sont sentis assiégés par l’alliance, et maintenant ils veulent l’encercler ».

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here