Les forces allemandes au Mali vont-elles emboiter le pas à leurs homologues français et danois ?

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Les forces allemandes au Mali vont-elles emboiter le pas à leurs homologues français et danois ?
Unité de l’armée allemande

Africa-Press – Mali. Tout laisse à croire que la communauté internationale est tiraillée entre principes et pragmatisme, car d’une part, il faut pousser pour un retour à l’ordre constitutionnel, et d’autre part, un dialogue constructif est nécessaire pour ne pas mettre en péril sa propre stratégie de sécurité dans le pays.

On a constaté que près de cinq mois après l’échec de la mission internationale en Afghanistan, la mission militaire au Mali se dirige également vers une situation très difficile et complexe, du fait que la France, partenaire de l’Union européenne, est devenue haïe et poussée au départ dans le pays, le gouvernement actuel au Mali étant venu au pouvoir à la suite d’un coup d’État, tandis que les mercenaires russes sont devenus les nouveaux et fructueux partenaires de l’armée malienne dans une lutte effective contre le terrorisme.

Changements en vue

Le Danemark a décidé, fin janvier 2022, de retirer sa centaine de soldats du Mali après que le gouvernement de transition ait exigé, à nouveau, leur départ.

Dans la mêlée de ces situations, le gouvernement allemand devra décider, quant à lui et dans quelques semaines, si l’armée allemande doit quitter ou non le Mali, sinon chercher une approche différente avec les Alliés pour parvenir à la stabilité, voire prendre une position plus forte, sachant que quitter l’arène au Mali pourrait donner plus de place aux groupes terroristes, ou pourrait pousser la Russie plus loin sur la scène, parallèlement aux craintes d’importants flux de réfugiés vers l’Europe.

Il importe de rappeler que l’armée allemande participe à deux missions sur le sol malien à travers son contingent composé de 1.170 soldats au sein de la mission de l’ONU au Mali, en l’occurrence la MINUSMA, et un autre contingent qui compte 328 soldats et qui contribue à la formation des militaires maliens par le biais de la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM), dans le but de permettre aux forces maliennes d’assurer elles-mêmes la sécurité.

Soldat allemand au nord du Mali

Les soldats allemand au sein de la mission des Nations unies (MINUSMA), participent à parvenir à la stabilité dans le pays, dont le nord est temporairement tombé entre les mains de terroristes islamistes et d’autres groupes rebelles depuis 2012.

Commentant l’idée d’un retrait de l’armée allemande, l’expert allemand de la défense chez les chrétiens-démocrates, Henning Otte, a conseillé de « ne pas se retirer, notamment de la mission onusienne MINUSMA ».

Otte, qui est vice-président de la commission de la défense au sein du parlement allemand (Bundestag), a appelé au déploiement d’hélicoptères de combat ‘Tiger’ et d’équipements de reconnaissance supplémentaires pour protéger les soldats allemands au Mali. Des hélicoptères de combat étaient déjà en service au Mali jusqu’en 2018.

Dans le même contexte, Jürgen Hardt, le porte-parole du groupe CDU-CSU pour les affaires étrangères en Allemagne, a déclaré à son tour : « Il est vrai que depuis l’automne dernier, nous regardons cette mission avec beaucoup d’inquiétude car la dictature militaire au Mali engage visiblement des mercenaires russes pour lutter contre les terroristes et peut-être aussi contre une partie de la population civile, mais nous devons regarder de plus près, car je ne peux pas imaginer que des soldats de la ‘Bundeswehr’ agissent durablement aux côtés de mercenaires pour lesquels le droit international de la guerre et le respect des droits de l’homme n’ont peut-être pas la même valeur que pour un soldat de l’armée allemande ».

Les Allemands contribuent à parvenir à la stabilité du Mali

L’Allemagne fait des efforts, certes, pour que les relations qui existent entre elle et le Mali soient maintenues pour l’intérêt supérieur des deux pays. Cela saute aux yeux !

Néanmoins, selon le ministère allemand de la Défense, les tensions diplomatiques actuelles entre Bamako et Paris, mais aussi l’incertitude démocratique après le double putsch des militaires (2020 et 2021), remettent en cause les objectifs de l’intervention de la ‘Bundeswehr’ au Mali.

Pour Ulf Lessing, responsable du programme Sahel à la Fondation allemande Konrad Adenauer : « La France en particulier est désormais perçue au Mali comme le ‘méchant’. En revanche, l’Allemagne a une bonne réputation ». Par conséquent, Lessing n’exclut pas que « l’Allemagne entre dans le cercle des critiques et du ressentiment en tant qu’alliée de la France », notant que « lors des manifestations de rue contre les sanctions (CEDEAO), il y avait déjà des affiches sur lesquelles on pouvait lire ‘Mort à la France et à ses alliés’, ce qui n’est pas un bon signe ».

Il a déclaré également que : « Tenir des élections maintenant, veut dire que l’armée malienne aura de bonnes chances de l’élire (Goïta) », soulignant l’importance pour l’Allemagne de développer une stratégie claire pour le Sahel africain, y compris le scénario de sortie.

Le Président du CMT Assimi Goïta

Il faut se rappeler que l’échec du gouvernement malien « corrompu et peu disposé à réformer », avait ouvert la voie au coup d’État de l’année dernière par le biais du colonel Assimi Goïta, l’actuel Président de la transition au Mali.

Bien qu’il n’ait aucune légitimité démocratique, il aura de bonnes chances d’obtenir cette légitimité si les élections se tiennent rapidement. Goïta est également perçu par la société civile malienne comme un espoir de remettre sur les rails « une situation sécuritaire de plus en plus détériorée ».

Même si Assimi Goïta avait résidé en Allemagne en 2008 et 2016 dans le cadre d’une formation pour officiers supérieurs maliens, il n’y avait eu aucun contact étroit entre lui et les autorités allemandes.

Donc, au lieu de s’opposer au conseil militaire, le soutien s’est accru parmi les citoyens, qui souffrent le plus des sanctions.

« Les sanctions ont provoqué la colère de nombreux Maliens et réveillé un esprit patriotique en faveur du gouvernement intérimaire », a déclaré Ornella Moderan, Chercheuse, responsable du Programme Sahel de l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé à Bamako, ajoutant que « la communauté internationale devrait rechercher le dialogue plus que son insistance sur la fixation d’une date pour les élections ».

D’un autre coup d’œil, on constate que l’entrée de mercenaires russes au Mali sous son commandement a suscité de vives critiques de l’Occident. Cependant, les forces occidentales peuvent désormais observer comment les soldats russes et maliens combattent côte à côte les terroristes islamistes, tandis que l’Union européenne mise sur une stratégie de formation et d’assistance en matériel, pour permettre aux forces maliennes de combattre de manière indépendante.

C’est pourquoi, en ce moment, la communauté internationale se trouve tiraillée entre « principes et pragmatisme ».

Quant aux élections maliennes, initialement prévues fin février 2022, elles ont été repoussées de cinq ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que « La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) » avait protesté en imposant, le 9 janvier de cette année, un embargo commercial et un gel des avoirs financiers à la Banque centrale des États membres de la CEDEAO, sachant que l’Union européenne avait également imposé des sanctions.

Mais le conseil militaire du Mali semble têtu jusqu’ici !

Anouar CHENNOUFI

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