Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. Une vieille théorie politique dit : « un dirigeant disposant d’un pouvoir sans barrière est toujours une menace pour la paix », car les décisions qu’il prend selon sa propre logique, irrationnelle pour beaucoup, ne peuvent qu’engendrer des catastrophes humaines.
Cette théorie vient effectivement d’être confirmée par les agissements de Poutine, car l’enlisement des troupes russes en Ukraine était prévisible, sauf aux yeux de Vladimir Poutine. Il peut, aujourd’hui, se retourner contre les généraux, les ministres qui l’avaient mal renseigné et lui avaient menti dans la réalisation de son projet impérial.
Les observateurs étrangers partagent cette analyse pour expliquer le fiasco de la campagne militaire russe conduite par le « nouveau Tsar du XXIe siècle ».
Ceci nous pousse à nous poser la question suivante : Plongée dans une guerre en Ukraine, la Russie va-t-elle se retirer du Mali à cause de l’erreur Poutine ?
Un scénario probable et imprévisible
Après que la Russie ait pu renforcer sa présence militaire en Afrique, notamment au Mali, remplaçant de facto l’influence occidentale dans la région, la guerre n’a pas tardé à éclater en Ukraine entre les deux pays voisins, et la russes y ont concentré tous leurs efforts.
Selon les autorités militaires russes, c’est une question de quelques jours seulement pour envahir l’Ukraine et atteindre les objectifs fixés par Poutine. Mais, nous constatons au contraire que Vladimir Poutine serait tombé dans son propre piège, puisque l’invasion a été décidée le 20 février 2022, et qu’elle se poursuit jusqu’à aujourd’hui 26 avril.
C’est d’ailleurs pour cette raison que beaucoup se demandent si la présence russe au Mali va par conséquent décliner, étant donné que la guerre s’éternise.
En plus, l’Ukraine n’est pas le seul point de confrontation entre Moscou et le reste des pays occidentaux. Les intérêts des deux parties se sont affrontés auparavant, et la confrontation entre eux s’intensifie encore, en Syrie, en Libye, en Afrique et dans plusieurs autres zones stratégiques, avec des degrés d’importance différents.
Bien que l’on ait beaucoup et intensément prêté attention, ces dernières semaines, à l’attaque militaire lancée par la Russie contre l’Ukraine, au cours de laquelle la communauté occidentale s’est consacrée à soutenir Kiev de diverses manières militaire, médiatique, logistique et autres, mais personne ne nie en même temps, que le reste des districts et des régions qui ont renforcé la présence militaire de Moscou n’est pas moins important que cela, et cela peut amener cette dernière à prendre des mesures pour le faire sur ses concurrents.
Après que les médias internationaux aient bourdonné ces dernières années sur les acquis réalisés par la Russie sur le continent africain, ancrage traditionnel et centre d’influence historique des pays occidentaux, beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur le sort de cette présence, notamment au Mali, à la lumière de l’intensification du conflit en Ukraine, qui semble encore loin d’être décisif, et la Russie y a déployé toutes ses capacités.
La présence russe au Mali va-t-elle faire marche arrière ?
Malgré le blocus imposé et les sanctions qui ont resserré l’étau autour d’elle depuis le début de l’opération militaire en Ukraine le 24 février, cela n’a pas empêché Moscou de continuer à apporter un soutien militaire à ses alliés en Afrique de l’Ouest.
Dans ce contexte, à ne pas oublier que, fin mars, les fournisseurs d’armes russes ont livré deux hélicoptères de combat et un système radar aérien avancé aux autorités militaires de Bamako.
Tout en lançant des appels pour la formation d’un réseau international de combattants étrangers et convoquait également des combattants en Syrie et en Afrique pour qu’ils se joignent à ses forces militaires en vue d’effectuer des missions de combat en Ukraine, la Russie a maintenu la présence d’une partie importante de ses combattants au Mali, en continuant aussi de former les forces combattantes du gouvernement de Bamako.
Le Mali : Un pôle d’influence africain pour Moscou
Drapeau russe hissé à côté du drapeau malien
Compte tenu de l’importance stratégique du Sahel africain, la région est devenue une zone d’influence entre puissances internationales qui se précipitent pour y prendre pied. Depuis que la junte militaire a pris le pouvoir au Mali, la présence française n’est plus souhaitable, et l’hostilité envers la France s’est accrue et le retrait de ses forces au plus tôt devenait une exigence populaire.
Ce fût donc une précieuse opportunité pour la Russie qui a cherché alors à combler le vide politique et militaire dans la région. D’autant plus qu’elle avait hâte de rétablir son positionnement mondial et de retrouver son influence, et voyait l’Afrique comme un moyen pour y parvenir.
De son côté, Bamako a signé un accord de défense avec la Russie, en 2019, qui a ouvert la porte à une nouvelle intervention du groupe russe privé Wagner, sachant que cela a renforcé les craintes de la France et du reste des pays européens d’une baisse d’influence dans le Sahel africain, en contrepartie de la pénétration de Moscou et du renforcement de sa puissance dans cette région d’Afrique de l’Ouest.
Toutefois, il nous a semblé que la Russie cherche, malgré ses revers militaires dans sa guerre contre l’Ukraine, à préserver ses intérêts diplomatiques et militaires grandissants en Afrique, notamment au Mali, dont les forces françaises ont commencé à se retirer, avec le reste des forces européennes.
Commentant la présence des mercenaires russes au Mali, le Directeur de recherche au Centre africain d’études stratégiques de l’Université de la Défense nationale, Joseph Siegel, a laissé entendre que « Wagner est un outil que le gouvernement russe utilise pour essayer de faire avancer ses objectifs de politique étrangère », en ajoutant ceci : « Ils sont au Mali pour maintenir la junte au pouvoir parce que la junte sert les intérêts de Moscou en délogeant la France et l’Union européenne ».
Dans la même vision, des experts et des spécialistes estiment que la guerre en Ukraine, dans laquelle Moscou n’a pas réalisé de gains clairs jusqu’à présent, ne l’a pas empêché de chercher à jouer un rôle majeur sur le Sahel africain, et ce, à la lumière de la présence continue d’un nombre important de ses forces et de ses combattants, avec pour mission le soutien militaire continu au gouvernement malien.
Le Chef du Pentagone Lloyd Austin
Commentant à son tour la situation de Moscou vis-à-vis de sa guerre contre l’Ukraine, le lundi 25 avril 2022, le chef du Pentagone, M. Lloyd Austin, a déclaré que l’Ukraine peut, si elle a les « bons équipements », « gagner » la guerre contre la Russie.
« Nous voulons voir la Russie affaiblie à un degré tel qu’elle ne puisse pas faire le même genre de choses que l’invasion de l’Ukraine », a encore déclaré M. Austin.
Alors la Russie s’en ira ou ne s’en ira pas du Mali ?
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