Répercussions du retrait du Mali sur le G5 Sahel et sur l’activité « terroriste »

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Répercussions du retrait du Mali sur le G5 Sahel et sur l’activité « terroriste »
Répercussions du retrait du Mali sur le G5 Sahel et sur l’activité « terroriste »

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Dès que le Mali a annoncé sa décision de se retirer du G5 Sahel et de sa Force conjointe, il y a une semaine, les regrets n’ont pas manqué à l’appel quant à cette décision, dont voici quelques-uns pris au hasard :

-La Sous-secrétaire générale pour l’Afrique aux Départements des affaires politiques et de consolidation de la paix et des opérations de paix des Nations Unies, Mme Martha Ama Akyaa Pobee, a regretté, le 18 mai dernier, devant le Conseil de sécurité, la décision des autorités de transition du Mali de se retirer du G5 Sahel et de sa Force conjointe, alors que le contexte sécuritaire dans la région ne cesse de se dégrader.

Mme Martha Ama Akyaa Pobee*, a prévenu qu’il s’agit très certainement d’un recul pour le Sahel, un avis partagé par la plupart des délégations, à l’exception de la Fédération de Russie qui a qualifié cette décision de « logique ».

-De son côté, l’Union européenne a regretté le retrait du Mali du G5 Sahel, par l’intermédiaire du Haut représentant, Josep Borrell, qui a indiqué que l’Union européenne ne peut que s’inquiéter davantage des conséquences de ce choix sur la sécurité des populations, au Mali et dans la sous-région.

« L’Union européenne prend note de la décision des autorités de transition au Mali de retirer leur pays de tous les organes et instances du G5 Sahel, y compris de la Force conjointe », a souligné la même source, qui a ajouté que « Même si la décision de rester ou non membre du G5 Sahel appartient à chacun des États souverains qui le constituent, nous ne pouvons que regretter cette décision ».

-Par ailleurs, Fahiraman Rodrigue Koné, chercheur principal à l’Institut de sécurité de Bamako, équipe Sahel, a voulu relativiser ce retrait du Mali qui est certes « quelque chose d’important », mais qui ne changera rien selon lui à « la paralysie dont souffrait un peu l’institution depuis quelques mois ». Il a souligné également que « le dispositif de la force conjointe était déjà mis à mal par une crise de gouvernance qui secoue trois pays sur les cinq que compte l’organisation ».

Ces trois pays sont le Burkina Faso, le Tchad et évidemment le Mali, tous dirigés par une junte militaire.

Nous savons tous que le mandat du président tchadien s’est achevé en février dernier et par conséquent la présidence tournante aurait dû échoir au Mali.

C’est pourquoi de nombreuses questions sont venues à l’esprit concernant les répercussions possibles de la prise par le Mali de cette décision, que ce soit au niveau du groupe Sahel, ou au niveau régional, que l’on pourrait ainsi soulever comme ci-dessous :

• Les répercussions d’un retrait malien sur le Groupe des Cinq du Sahel

Après les importants évènements qui ont été la cause de la déstabilisation de la région du Sahel africain, particulièrement ces dernières années, le retrait du Mali est venu porter le coup de grâce au groupe tant sur le plan structurel qu’opérationnel.

En effet, le Mali revêt une importance géostratégique, notamment dans le cadre de la coordination sécuritaire et de la lutte contre le terrorisme. Avec le retrait du Mali, le groupe perd l’avantage de la cohésion géographique, et ainsi la Mauritanie ne se retrouve plus liée à aucune frontière terrestre avec le reste des pays du Sahel, en plus du fait que les tâches de la force militaire conjointe du groupe sont effectuées par voie terrestre à travers les frontières communes des pays, et cela a des répercussions sur le rôle du groupe dans la lutte contre le terrorisme, car le Mali partage également des frontières avec trois pays du groupe (Mauritanie, Niger et Burkina Faso), et ainsi le Mali est considéré comme un pays pivot dans les opérations militaires conjointes, en plus d’être un foyer important pour les groupes terroristes, qu’ils soient affiliés à Al-Qaïda ou à Daech, ce qui suscite des interrogations sur l’avenir du bloc à court ou moyen terme à la lumière de la l’absence malienne et l’étendue de sa cohésion.

• Les répercussions d’un retrait malien sur l’activité terroriste

A noter que malgré le rôle limité du groupe dans la lutte contre les groupes terroristes dans la région du Sahel, il est certain que le retrait du Mali du groupe du G5 Sahel aura des répercussions favorables sur l’activité des groupes terroristes dans la région, puisque le commandement militaire du groupe est situé au Mali, près de la capitale, Bamako.

Trois autres secteurs militaires relevant de ce commandement, sont répartis l’un dans la région du Liptako-Gourma dite « Triangle de la Mort », située sur les frontières avec le Burkina Faso et le Niger, le second est concentré le long de la frontière entre le Mali et la Mauritanie, tandis que le troisième est situé le long de la frontière entre le Niger et le Tchad.

Le plus important d’entre eux est le secteur militaire stationné dans la région du Liptako-Gourma, étant donné qu’il s’agit de la zone la plus dangereuse en ce qui concerne l’activité des groupes terroristes, outre le fait qu’il existe une coordination existante et conjointe entre le Mali et la Mauritanie dans le cadre de ce qu’on appelle le bloc des “Etats du terrain” , qui comprend également le Niger et l’Algérie, et qui atténue les répercussions négatives du retrait du Mali du G5 Sahel.

3- Le renforcement de l’implication russe au Mali

Le retrait du Mali du G5 Sahel, y compris ses commandements militaires stationnés sur son territoire précité, ouvrira la porte à Moscou pour renforcer son implication au Mali et la concentration de ses forces dans les zones où les chefs militaires sahéliens y sont stationnés, pour tenter de combler le vide sécuritaire laissé par le retrait du Mali du groupe, et donc Moscou sera proche du développement du théâtre des opérations au Niger et au Burkina Faso.

Cela a déjà soulevé l’inquiétude des pays du Sahel après l’utilisation par Bamako du groupe russe “Wagner”, ce qui menace également d’intensifier le conflit russo-français-européen dans la région du Sahel, voire l’entrée des pays du Sahel dans la ligne de ce conflit qui contribue à creuser davantage le fossé entre le Mali et le reste des pays de la région.

De tout ceci, nous pouvons retenir que la région du Sahel traverse une étape très dangereuse, et elle est considérée comme l’une des étapes les plus difficiles, non seulement à la lumière des défis politiques et sécuritaires auxquels elle est confrontée, mais aussi parce que ces défis servent de « document d’expertise » révélant les degré de cohésion, d’interdépendance et de coordination entre les pays de la région.

Ainsi, malgré l’affirmation du Conseil militaire malien suite au retrait du Mali du Groupe des cinq Sahel que les relations bilatérales avec les pays du groupe continueront d’exister toujours, maintenant ainsi une fenêtre ouverte de concertation et de dialogue, cependant, la décision de retrait est considérée comme une rupture dans la matrice sahélienne et l’une des répercussions du conflit russo-européen dans la région du Sahel, dont le coût ne sera supporté que par les seuls pays de la région.

Entre-temps, tout pourrait prendre une autre tournure…

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