Par Jeune Afrique
Africa-Press – Mali. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, un gradé du contingent de Casques bleus sénégalais critique vertement l’attitude des autorités de transition maliennes qui ont demandé le départ de la mission de l’ONU. Des propos qui suscitent des remous à Bamako.
« Nous ne sommes pas là pour représenter le Mali, mais pour représenter notre pays et les Nations unies. » Ce mercredi 5 juillet, la vidéo d’un officier sénégalais de la Minusma (la mission de l’ONU dans le pays) est devenue virale sur les réseaux sociaux. Visiblement prise par un soldat de son contingent, on y voit ce militaire s’adresser à ses hommes, en français et en wolof.
En treillis, béret bleu des Nations unies sur la tête et lunettes de soleil sur le nez, cet officier du 11e détachement sénégalais de la Minusma, basé à Sévaré, dans le centre du Mali, revient sur l’annonce du retrait de la Minusma d’ici au 31 décembre 2023, à la demande des autorités de transition maliennes.
« Les Maliens avaient demandé trois mois pour nous dégager. L’ONU en a négocié six », poursuit le gradé. « Nous avons donc six mois pour finir la mission » déclare-t-il, avant de dénoncer l’attitude des Maliens qui, selon lui, « pourrissent la situation ».
Les Maliens « ne sont pas plus des hommes que nous »
Cause de son mécontentement : les Casques bleus auraient été « ramenés » par les Forces armées maliennes (Fama) alors qu’ils étaient partis en patrouille. « Nous ne voulons aucun problème avec les Maliens, mais nous n’allons pas accepter qu’ils nous interdisent d’aller en mission (…) C’est une question de dignité », déclare-t-il.
Sans remettre en cause le désengagement de la Minusma – qu’il prévoit « difficile » –, l’officier entend mener à bien sa mission « tant que nous sommes là et payés ». Les Maliens « ne sont pas plus des hommes que nous, ils ne se battent pas mieux que nous », poursuit-il, rappelant que lui et ses soldats sont des « ambassadeurs du Sénégal ».
Le contingent sénégalais de la Minusma, composé de 850 « Jambaars » (« guerriers » en wolof, le surnom donné aux soldats sénégalais), a souvent été reconnu comme exemplaire, et salué pour son action dans le centre du Mali.
Après les massacres d’Ogossagou, village situé à 150 kilomètres au sud-est de Sévaré, entre 2019 et 2020, qui ont fait près de 200 morts, les efforts de médiation et de réconciliation – auxquels ont pris part les Casques bleus sénégalais – ont permis d’aboutir à la signature d’un accord de paix entre les communautés dogon et peule le 8 octobre 2021.
La Minusma « regrette » ses propos
Malgré sa bonne réputation, le contingent sénégalais n’a pas été épargné par la spirale de désinformation lancée après une attaque jihadiste complexe qui a visé la ville de Sévaré, le 22 avril. D’après plusieurs fake news circulant sur les réseaux sociaux, la Minusma aurait été à son origine – ce qui est, bien évidemment, totalement faux.
Qualifiée de « bavure passée sous silence », cette théorie complotiste est réapparue dans un communiqué diffusé le 5 juillet par le Collectif pour la défense de militaires (CDM), une association pro-junte au pouvoir à Bamako. Quant à la vidéo du gradé, le collectif y voit une sortie « va-t-en-guerre de très mauvais goût » et dénonce des propos « intolérables qui constituent une menace directe contre la population malienne ».
Le CDM, défenseur inconditionnel des autorités de transition et des Fama, appelle le gouvernement à « écourter la mission de l’auteur en le déclarant persona non grata » au Mali. De son côté, la Minusma a aussi réagi à cette vidéo : dans une courte déclaration publiée sur les réseaux sociaux, elle déclare « regretter [ses] propos » et se « dissocier de sa déclaration ».
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press
