Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. Le Mali a ouvert récemment la plus grande mine de « lithium » d’Afrique, « Goulamina », précisément le 15 décembre 2024, et c’est dans ce contexte, que le président de la junte malienne, le général Assimi Goïta, s’était rendu à cette date à la cérémonie d’inauguration de ladite mine.
Sur ce gisement situé au sud-est de Bamako et exploité par le groupe chinois « Ganfeng Lithium », les techniciens prévoient de produire chaque année 500.000 tonnes de « concentré de spodumène » (type de minerai de lithium).
Par ailleurs, la société « Kodal Minerals » a annoncé à son tour, notamment le mardi 11 février 2025, la production du premier concentré de spodumène à sa mine de lithium Bougouni, au Mali.
Ce succès a été accueilli avec beaucoup de satisfaction, et marque ainsi la mise en service de la deuxième mine de lithium du Mali, après l’inauguration en décembre dernier de la mine de Goulamina.
Le Mali se trouve donc bien placé pour devenir, de facto, le deuxième producteur de lithium en 2025, sur le Continent africain.
• Des perspectives rapidement en hausse
a) Bougouni
Site de production de lithium
Une fois en production, le projet Bougouni deviendra la première mine de lithium du Mali, avec une production annuelle de concentré de spodumène estimée à 125.000 tonnes au cours de sa première phase. Durant la période initiale de quatre ans, la production ne comportera que des matériaux provenant du gisement de « Ngoualana » (site d’extraction à ciel ouvert), traités par des méthodes DMS (qui permettent de réduire considérablement les roches environnantes et les stériles pour une même capacité de traitement, et de réduire la consommation de broyage).
Sa production devrait monter à 230.000 tonnes au cours de la phase 2 après l’introduction de minerai provenant des gisements de « Boumou » et de « Sogola-Baoulé », qui sera traité dans une usine de flottation en aval. Sur la base des ressources minérales actuelles, la deuxième phase aura une durée de vie de 12 ans.
Le projet a nécessité un coût estimé à 65 millions de dollars et 175 millions de dollars pour chaque phase, la phase 1 étant actuellement entièrement financée par le partenaire chinois de Kodal, « Hainan Mining », tandis que la phase 2 devrait être financée par les flux de trésorerie provenant de l’exploitation de la phase 1.
A noter que la joint-venture entre Kodal et Hainan détient actuellement 65 % du projet Bougouni, le gouvernement malien n’en détient que les 35 % restants.
Il importe de noter également que ce projet constitue une étape stratégique importante pour renforcer la position du Mali en tant qu’acteur majeur de l’industrie mondiale du lithium, car le pays dispose désormais de « l’une des plus grandes réserves de lithium au monde ».
Evoquant l’importance stratégique de ce projet, le président malien, Assimi Goïta, a expliqué que le lithium est devenu un élément clé pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux.
Il a confié, entre-autres, qu’il s’attend à ce que le projet ait un impact économique positif, notamment une augmentation des recettes gouvernementales qui pourrait atteindre 114 millions de dollars.
b) Goulamina
Le Mali a lancé la plus grande mine de lithium en Afrique, marquant son entrée sur le marché de « l’or blanc », en coopération avec la Chine, qui représente environ les deux tiers de la production mondiale de ce métal.
Goulamina, qui est la plus grande mine de lithium d’Afrique et aussi la cinquième au monde, a suscité beaucoup d’accueil mais aussi d’interrogations dans le pays quant au contrat conclu avec les Chinois pour exploiter ce minerai stratégique dans la transition énergétique.
Le coût du projet de Goulamina, situé à 150 km de Bamako, est estimé à 318 millions de dollars, et le projet est détenu à 65% par la société chinoise « Ganfeng Lithium », l’une des principales entreprises mondiales dans ce secteur, tandis que l’État malien détient 30% des actions, alors que d’autres investisseurs locaux détiennent ensemble les 5% restants.
Avec des réserves exploitables estimées à environ deux millions de tonnes, la mine nécessite un investissement total d’environ 640,7 millions de dollars, sachant que le ministère des Mines du Mali, a affirmé que le projet pourrait générer 160 millions de dollars par an, propulsant le Mali à une position de leader dans la production de lithium en Afrique de l’Ouest.
Côté experts, ceux-ci estiment que la mine peut être exploitée pendant plus de 23 ans et que sa production annuelle est de 500.000 tonnes de concentré de spodumène, principale source de lithium.
Pour rappel, lors de la cérémonie d’ouverture de la mine, le général Assimi Goïta a indiqué que ce projet constitue une étape importante dans le parcours du pays vers l’exploitation optimale des ressources naturelles.
L’un des experts en affaires africaines a souligné que: « Bamako devrait tirer les leçons des erreurs passées en matière d’exploitation des ressources naturelles ».
Il a déclaré également que: « Les contrats avec l’entreprise chinoise sont entourés d’ambiguïté, car le Mali doit utiliser une partie de sa part pour créer des unités de fabrication de batteries au lithium au Mali et dans la région africaine, au lieu de laisser la liberté de disposer du métal à son partenaire », la Chine, qui représente environ les deux tiers de la production mondiale de produits chimiques à base de lithium, qui sont principalement utilisés dans la technologie des batteries.
Pourtant, les prix du lithium ont chuté de plus de 80 % au cours de l’année 2023, en raison de la « surproduction chinoise et de la baisse de la demande de véhicules électriques ».
Dans le même contexte, en octobre dernier, un haut responsable américain en visite au Portugal, pays qui dispose d’abondantes réserves de lithium, a accusé les producteurs chinois de lithium d’inonder le marché mondial avec le « métal critique » et de provoquer des baisses de prix « prédatrices » dans leur quête pour éliminer les projets concurrents.
Néanmoins, au jour d’aujourd’hui, le prix du lithium est de 11.000 dollars la tonne et devrait dépasser les 13.000 dollars la tonne en 2026, surtout que le lithium est un matériau utilisé dans la fabrication de batteries pour voitures électriques, appareils électroniques, drones et téléphones portables.
Enfin, le succès de la mine de Goulamina pourrait attirer davantage d’investissements étrangers dans le secteur minier malien, notamment dans l’exploration et l’exploitation d’autres ressources minérales.
Une partie des revenus générés par l’exploitation de la mine sera ensuite utilisée pour financer des projets d’infrastructures locales, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’eau.
• La Chine surpasse l’Occident dans l’exploitation du lithium en Afrique
Une concurrence internationale rode autour de ce métal considéré comme étant de « l’or blanc », en raison de ses utilisations importantes et diversifiée.
On juge que le continent possède les plus grands projets de lithium, et que le Zimbabwe possède à lui seul les plus grandes réserves de ce matériau, tandis que la Chine surpasse tout le monde dans les accords d’acquisition de mines.
En effet, le Continent africain possède plus de 30 % des réserves mondiales de minerais, dont le minerai de lithium, selon les estimations des Nations Unies. Le continent dispose de vastes ressources de ce minerai, représentant environ 5 % de la production et des réserves mondiales, ce qui en fait un sujet de concurrence mondiale, en plus de son besoin d’exploiter ce minerai pour répondre à la demande mondiale croissante pour soutenir les économies de ses pays.
• Top 10 des pays africains qui extraient et exportent du lithium
Il existe de nombreux pays africains qui possèdent des mines de lithium, dont les plus importants, d’après un rapport rendu publique à ce sujet par la plateforme énergétique spécialisée « Energy Capital & Power », sont 10 projets sur le continent en termes de production estimée, dont la mine de Goulamina au Mali, qui représente la première mine de lithium à roche dure en Afrique de l’Ouest près de Bamako, capitale du Mali.
Certes, le lithium africain intéresse notamment beaucoup la Chine et des États-Unis qui rivalisent sur ce champ économique. La production de lithium devrait augmenter de plus de 30 fois d’ici 2027, représentant ainsi 12% de l’offre mondiale. Le Mali, la République démocratique du Congo et le Zimbabwe figurent parmi les pays africains qui devraient devenir les principaux producteurs de ce métal dans les années à venir.
Ci-après une liste des 10 plus grandes mines de lithium en Afrique.
D’abord au Mali:
-/- Le projet Bougouni
Avec une ressource estimée à 236.500 tonnes d’oxyde de lithium, il devrait être développé comme une mine conventionnelle à ciel ouvert. Une installation de traitement, en cours de développement par la société Kodal Minerals basée au Royaume-Uni, est actuellement en cours de conception pour traiter deux millions de tonnes de minerai de lithium par an. Kodal Minerals a signé un protocole d’accord avec la société d’ingénierie et de construction Sinohydro en septembre 2020 pour co-développer le projet.
-/- Le projet Goulamina
Situé à environ 150 km de Bamako, la capitale, le projet devrait produire 142,3 millions de tonnes d’oxyde de lithium à 1,38% sur 21 ans. Développé et exploité par le biais d’une coentreprise entre les sociétés minières australienne Leo Lithium et chinoise Jiangxi Ganfeng Lithium, le coût total en capital du projet dépassera les 320 millions de dollars et ciblera la production de concentré de spodumène au premier semestre 2024.
Puis dans d’autres pays africains:
-/- Le projet Arcadia, Zimbabwe
Situé à 38 km à l’est de Harare, la capitale, héberge des réserves de lithium à hauteur de 42,3 millions de tonnes, considérées comme l’une des plus grandes ressources de lithium de roche dure au monde. Le projet a été acheté à 87% par la société minière chinoise Zhejiang Huayou Cobalt, en 2022. Le groupe devrait investir environ 300 millions de dollars pour construire la mine et installer une usine d’une capacité de traitement d’environ 4,5 millions de tonnes de minerai par an. L’objectif est de pouvoir produire annuellement jusqu’à 400.000 tonnes de concentré de lithium.
-/- La mine de Bikita, Zimbabwe
Il s’agit là du site principal du pays. Suite à son acquisition par le groupe minier chinois Sinomine Resource Group, la construction d’une double usine de traitement du lithium devrait aboutir à une production annuelle allant jusqu’à 300.000 tonnes de concentré de spodumène, un minéral de la classe des silicates, famille des pyroxènes, et de 480.000 tonnes de pétalite, autre minéral de la famille des silicates.
-/- La mine de lithium et de tantale de Blesberg, Afrique du Sud
Il contient entre 250.000 et 400.000 tonnes de lithium. C’est une propriété de la compagnie minière Marula Mining. La première expédition de minerai de lithium a été entreprise en janvier 2023.
-/- Le projet Ewoyaa, Ghana
Il est destiné à devenir la première mine productrice de lithium au Ghana, et a des ressources minérales estimées à 35,3 millions de tonnes. Avec une production prévue pour fin 2024, le projet est développé par l’entreprise australienne Atlantic Lithium, et devrait avoir une durée de vie de 12,5 ans. Avec un investissement initial de 125 millions de dollars, il utilisera des méthodes conventionnelles d’exploitation minière à ciel ouvert.
-/- Le projet Karibib, Namibie
Avec une production totale estimée à 773.000 tonnes de lithium sur 14 ans, le concentré de lithium produit à partir de la mine sera expédié vers une usine chimique prévue d’une capacité de production de 56.700 tonnes par an de concentré de lithium dans les Émirats arabes unis. Le projet Karibib est détenu et exploité par la société australienne Lepidico.
-/- Le projet Manono, République démocratique du Congo
Il est exploité par la société d’exploration minière australienne AVZ Minerals. Il devrait produire environ 700.000 tonnes par an de lithium à haute teneur au cours des 20 années d’exploitation de la mine. Le projet devrait être pourvu d’un investissement d’environ 545,5 millions de dollars et ciblera une base de ressources minérales estimée à 401 millions de tonnes d’oxyde de lithium.
-/- Le projet Manono Tailings, République démocratique du Congo
Il a une première estimation des ressources minérales à 5,46 millions de tonnes. Le projet comprendra 11 gisements et devrait atteindre une production à 100.000 tonnes par an de concentré, mises sur le marché international d’ici 2025.
-/- Le projet lithium/tantale Zulu, Zimbabwe
Il est considéré comme le plus grand site de lithium non développé au Zimbabwe. Il comprendra 14 concessions minières couvrant une superficie d’environ 2,5 km2. Détenu par la société d’exploitation minière Premier African Minerals, le projet ciblera une ressource minérale présumée de 526.000 tonnes d’équivalent de carbonate de lithium. La mine a commencé sa production au premier trimestre 2023 et verra le développement d’une usine pilote d’une capacité de 50.000 tonnes par an par la société de recherche et développement chinoise Suzhou TA&A Ultra Clean Technology.
Site d’extraction au Zimbabwe
-/- Le Nigéria est aussi un important contributeur au lithium
Bien que la production du Zimbabwe soit plus transparente grâce à l’exploitation minière industrielle, les approvisionnements en provenance de pays comme le Nigeria, qui jusqu’à présent exportait du minerai de lithium extrait avec des outils rudimentaires, sont plus difficiles à suivre. Le Nigeria est le deuxième plus grand exportateur de lithium d’Afrique depuis un an et demi
• Utilisations essentielles du lithium
Toutes ces mines, avec leur énorme capacité de production, ont fait du continent un terrain de compétition internationale pour l’acquisition de ce métal, d’autant plus qu’il s’agit d’un élément de base de l’économie mondiale et que de grands pays industriels, comme les États-Unis, la Chine et d’autres, en dépendent. Il est utilisé dans un certain nombre d’industries civiles et militaires modernes et est utilisé dans la fabrication de voitures électriques grâce aux batteries au lithium.
C’est également un composant de base dans la fabrication de smartphones, de tablettes, d’ordinateurs portables, d’appareils photo numériques, de serveurs Internet et de nombreuses technologies modernes qui reposent sur la réduction des émissions dans le cadre de la tendance mondiale vers une économie verte et une énergie propre pour faire face aux crises du changement climatique.
• Comment la Chine remporte-t-elle la course au lithium en Afrique ?
Toute cette importance dont jouit ce minerai dans le monde a poussé la Chine à surpasser tout le monde en dépensant des milliards pour l’acquérir, et pour conclure également des accords spéciaux au sein du continent africain, avec l’objectif de renforcer son emprise sur les mines, notamment au Zimbabwe, qui possède les plus grandes réserves du continent.
Dans son rapport, le journal britannique Financial Times, a attiré l’attention sur la course mondiale au lithium en Afrique, soulignant que la Chine a acquis une position dominante dans de nombreux minéraux essentiels à la transition énergétique, notamment « le cobalt, le lithium et les terres rares ».
La même source a indiqué entre-autres que Pékin cherche à diversifier ses sources de lithium et s’appuie pour cela sur le continent africain, de sorte que 3 entreprises chinoises, en quelques mois (de fin 2021 à mars 2022), avaient acquis diverses actions dans des mines au Zimbabwe, pour renforcer sa position d’acteur majeur de ce secteur en Afrique, et compte tenu de la grande influence dont jouissent les entreprises chinoises dans le secteur minier dans d’autres pays du continent.
Pour conclure, on peut affirmer que la découverte de gisements de lithium au Mali pourrait potentiellement représenter une opportunité économique significative pour le pays, mais il est important de considérer plusieurs facteurs pour évaluer si cela pourrait conduire à un décollage économique pour le pays autant qu’à l’Alliance des Etats du Sahel, qui inclurait également d’autres nations en développement rapide.
• Précautions à prendre par les autorités maliennes
1. Gestion des ressources: Pour que le lithium devienne un moteur de croissance, le Mali doit mettre en place une gestion transparente et efficace de ces ressources. Cela inclut des contrats équitables avec les entreprises minières, une fiscalité appropriée, et des investissements dans les infrastructures locales.
2. Diversification économique: Le Mali ne doit pas dépendre uniquement du lithium. Une économie diversifiée, avec des secteurs comme l’agriculture, les services, et l’industrie manufacturière, est essentielle pour une croissance durable.
3. Stabilité politique et sociale: La stabilité politique est cruciale pour attirer les investissements et assurer une exploitation efficace des ressources. Le Mali a connu des périodes d’instabilité, et il est important de renforcer la gouvernance et la sécurité.
4. Impact environnemental et social: L’exploitation minière doit être conduite de manière à minimiser les impacts négatifs sur l’environnement et les communautés locales. Des normes strictes et des pratiques responsables sont nécessaires.
5. Coopération régionale: Le Mali pourrait bénéficier de la coopération avec d’autres pays de la région, y compris ses voisins membres de l’AES, dont il fait partie, pour partager des meilleures pratiques et renforcer les liens économiques.
En résumé, bien que le lithium puisse offrir une opportunité économique importante, son impact réel dépendra de la manière dont le Mali gère cette ressource, diversifie son économie, et assure la stabilité politique et sociale.
Si ces conditions sont remplies, le lithium pourrait effectivement contribuer à un réel décollage économique, important et bénéfique même, en Afrique de l’Ouest.
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