Par Manon Laplace
Africa-Press – Mali. Ce 1er juillet, le président de la transition a remanié son équipe ministérielle. Il y a placé quelques-uns de ses proches et a évincé certains soutiens du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga.
La première tentative de remaniement, le 24 mai 2021, avait duré à peine quelques heures. La réorganisation gouvernementale prévue par Bah N’Daw et Moctar Ouane, à l’époque respectivement président et Premier ministre de la transition malienne, avait alors précipité ce que l’on surnommera ensuite le « putsch dans le putsch ». Un second coup d’État qui, mettant fin au mandat de N’Daw et de Ouane, avait permis au colonel Assimi Goïta de prendre les pleins pouvoirs.
Ce samedi 1er juillet, le double-putschiste devenu président a donc procédé au premier « vrai » remaniement depuis l’avènement de la transition, en 2020. Seize nominations, dont trois changements de portefeuille et treize entrées au gouvernement, pour une équipe largement reconfigurée.
Pas de changement de cap
Nombre de formations politiques, ouvertement hostiles au Premier ministre et plus ambiguës vis-à-vis des colonels, réclamaient de longue date un gouvernement d’union nationale. Il n’en sera rien.
Avec douze ministres débarqués sur vingt-quatre portefeuilles, la mue est importante. Mais elle ne marque pas de changement de cap pour autant. Au contraire, la nouvelle équipe, que dirige toujours Choguel Kokalla Maïga, consacre un peu plus la scission entre Assimi Goïta et la classe politique.
« Ce qui devait arriver est arrivé », se contente de balayer un cadre du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) Mali Kura – la branche défavorable à Choguel Maïga – sans vouloir commenter davantage. Un désintérêt partagé par l’opposant en exil Oumar Mariko, qui assure avoir « accordé peu d’intérêt à ce remaniement ». Pour cette figure de la gauche malienne, il ne s’agit là que « d’une étape dans la récupération totale du pouvoir par les militaires ».
Choguel Maïga affaibli ?
Ce remaniement écarte plusieurs personnalités dont la nomination avait un temps été considérée comme un gage d’ouverture de la part des colonels au pouvoir. Exit, le ministre délégué chargé de l’Action humanitaire, Oumarou Diarra. Cet imam au profil très politique avait cheminé aux côtés de Choguel Maïga au sein du M5-RFP, où il représentait la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS).
Avec lui, plusieurs membres considérés comme des soutiens du Premier ministre ont été remerciés. C’est le cas des désormais anciens ministres de l’Environnement, Modibo Koné, et de l’Urbanisme, Bréhima Kamena, tous deux issus du M5-RFP. Seuls rescapés, le chef du gouvernement lui-même, malgré sa mésentente supposée avec les colonels, et son ministre de la Refondation, Ibrahim Ikassa Maïga.
Plusieurs acteurs politiques maliens, qui ont requis l’anonymat, voient dans ce remaniement une manière d’affaiblir le Premier ministre sans toutefois l’écarter totalement, de peur de se mettre à dos une partie de ses soutiens au sein de l’opinion publique.
Deux représentants du Nord débarqués
Deux ministres issus de l’ancienne rébellion du Nord ont, eux aussi, été débarqués : Harouna Mamadou Toureh, à la Communication, et Mahmoud Ould Mohamed, à l’Industrie et au Commerce. Le premier est membre de la Plateforme, le second de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), les deux principales coalitions de groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger.
« Une manière d’écarter les mouvements du gouvernement », font valoir certains responsables de l’ancienne rébellion, à l’heure où leur divorce avec Bamako semble consommé.
Pourtant, deux autres ministres issus ou proches des anciens mouvements indépendantistes restent en fonction. Mossa Ag Attaher (CMA) lâche le portefeuille de la Jeunesse et des Sports pour récupérer celui des Maliens établis à l’extérieur. Ce ministère était jusque-là occupé par le cadre de la Plateforme Alhamdou Ag Ilyene, un proche du général El Hadj Ag Gamou. Il est désormais ministre de la Communication.
Des proches de Goïta promus
Plusieurs proches d’Assimi Goïta font leur entrée au gouvernement. La nomination de la colonel Assa Badiallo Touré au ministère de la Santé et du Développement social a ainsi été particulièrement remarquée. Cette conseillère spéciale d’Assimi Goïta, médecin de formation, était jusqu’ici chargée des œuvres sociales du chef de l’État. Autre conseillère spéciale du président promue : Bintou Camara, qui remplace l’ancien ministre de l’Énergie, Lamine Seydou Traoré, qui a démissionné en mai dernier.
Le nouveau gouvernement fait aussi la part belle aux technocrates, éloignant les profils trop politiques. On peut ainsi citer le nouveau ministre de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo, ancien PDG de la Banque nationale de développement agricole du Mali (BNDA), mais aussi Abdoul Kassim Ibrahim Fomba, nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, membre fondateur du think-tank Think Peace Sahel.
Les piliers reconduits
Les piliers du gouvernement, eux, ont tous conservés leur poste. Les colonels Abdoulaye Maïga, Ismaël Wagué et Sadio Camara, respectivement ministres de l’Administration territoriale, de la Réconciliation et de la Défense gardent leur siège. Comme le chef de la diplomatie, Abdoulaye Diop, devenu le porte-voix de la junte face à la communauté internationale.
Ce remaniement semble asseoir un peu plus l’autorité des colonels et de leurs alliés, moins de deux semaines après l’adoption, avec 97 % des voix, de la nouvelle Constitution. Une victoire du « oui » qui, pour certains, ouvre la voie à une candidature d’Assimi Goïta – ou d’un autre colonel – à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2024.
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