Après la suspension de l’accord sur les céréales ukrainiennes, péril sur les prix des denrées alimentaires en Afrique

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Après la suspension de l’accord sur les céréales ukrainiennes, péril sur les prix des denrées alimentaires en Afrique
Après la suspension de l’accord sur les céréales ukrainiennes, péril sur les prix des denrées alimentaires en Afrique

Maher Hajbi

Africa-Press – Niger. Tension sur les marchés, inflation, pénurie… Très dépendant de la Russie et de l’Ukraine pour ses importations en blé, que risque vraiment le continent africain ? Décryptage.

Un an après avoir donné son feu vert pour l’exportation des céréales ukrainiennes en mer Noire, à travers la Turquie, la Russie a opposé son veto à la prolongation de « l’accord céréalier ». Malgré les tentatives des Nations unies pour dissuader Moscou, « l’accord de la mer Noire s’est de facto terminé », a affirmé Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, lundi 17 juillet.

Initiée par l’ONU et la Turquie, l’initiative sur les céréales de la mer Noire a facilité l’acheminement de 32 millions de tonnes de denrées alimentaires de trois ports ukrainiens vers 45 pays depuis juillet 2022. Objectifs : assurer l’approvisionnement des pays importateurs et limiter la flambée des prix sur les marchés internationaux au lendemain de la guerre en Ukraine.

Si aujourd’hui le Kremlin se dit toujours prédisposé à reconduire cette initiative, « dès que la partie [des accords] concernant la Russie sera satisfaite », l’ONU craint les répercussions de cette démarche. Selon les Nations unies, la décision de Moscou sera lourde de conséquences pour « des centaines de millions de personnes dans le besoin », notamment en Afrique.

Le continent en première ligne

En effet, les importations africaines de blé représentent près de 90% des échanges commerciaux avec la Russie, contre environ 50% avec l’Ukraine. « Le non renouvellement de cet accord est synonyme de retour à la case départ pour les pays africains dans un contexte de pression sur les marchés internationaux », confirme à Jeune Afrique Mahfoud Kaoubi, analyste économique algérien.

À en croire les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), certains pays en Afrique ont une dépendance « dangereuse » aux exportations céréalières russo-ukrainiennes. Entre 2018 et 2020, le Bénin et la Somalie affichent une dépendance totale au blé russe et ukrainien qui représente 100% de leur approvisionnement, selon les données de la Cnuced.

Premier importateur mondial et premier consommateur africain de blé, l’Égypte achète 81 % de ses besoins en céréales auprès de Moscou (61 %) et de Kiev (20 %). À l’image du Caire, 15 pays africains dépendent à plus de 55 % pour leur approvisionnement en blé de l’Ukraine et/ou de la Russie, notamment le Soudan (75 %), la RDC (68 %), le Sénégal (65 %) ou encore le Congo 61%.

Tensions, inflation, pénurie…

Jugée cruciale pour tempérer la crise alimentaire mondiale, la non-reconduction de l’accord sur les exportations des céréales de la mer Noire par la Russie a accéléré la hausse des cours de ces denrées. « La première réaction des marchés internationaux a été rapide : le prix du blé a grimpé de 3%, celui du maïs de 2%, sans compter les autres produits céréaliers », détaille Mahfoud Kaoubi.

Pour l’analyste économique algérien, le continent doit s’attendre à tous les scénarios possibles. Alors que le début de la guerre en Ukraine a fait bondir l’inflation en Afrique, une nouvelle augmentation des prix des denrées alimentaires n’est pas à exclure dans les semaines à venir. Pire, le risque de pénurie alimentaire plane sur les pays africains n’ayant pas anticipé la crise.

« Il y a non seulement un risque de poussée inflationniste, mais surtout une menace de pénurie en cas de désorganisation des chaînes d’approvisionnement », craint Mahfoud Kaoubi, selon qui le deuxième producteur de blé au monde, l’Inde peut, à tout moment, ressortir la carte de l’interdiction des exportations, aggravant, ainsi, le risque de rupture des stocks en Afrique.

Quelles solutions ?

Dans ce contexte, notre expert voit mal les pays africains être en capacité de se tourner vers de nouveaux partenaires – notamment le Canada, le Brésil ou encore les États-Unis – pour s’approvisionner en céréales. « Il faut constituer des stocks pour éviter la crise alimentaire, toutefois, les pays n’ayant pas une forte capacité d’achat vont traverser une période compliquée », déplore Mahfoud Kaoubi.

Conscients de la complexité de la situation, plusieurs pays africains se sont appuyés, depuis le début de la guerre, sur des ressources locales. Au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en Égypte, des aliments comme le manioc et la patate douce sont utilisés pour faire du pain. Le Togo s’est, quant à lui, fixé un objectif de produire 10 000 tonnes de fonio à l’horizon 2028. D’ailleurs, le sorgho et le mille, cultivés en Afrique, constituent aussi une alternative au blé russe et ukrainien.

Bien que Kiev souhaite poursuivre les exportations des céréales en mer Noire, Moscou exige, elle, la levée des sanctions qui entravent ses exportations de produits alimentaires et d’engrais. D’ailleurs, la Russie accuse les pays riches de profiter des exportations ukrainiennes, censées être acheminées vers les pays en développement. Une confusion que l’Union africaine « regrette » à quelques jours du sommet Russie-Afrique, prévu du 27 au 28 Juillet à Saint-Pétersbourg.

La Source: JeuneAfrique.com

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