Africa-Press – Niger. La fête du Bianou, grande manifestation culturelle annuelle de la Ville d’Agadez, au Nord du Niger, a pris fin ce samedi 5 juillet dans la grande cour de sa Majesté le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou où des centaines de jeunes, femmes et hommes, habillés de leurs meilleurs atours de fête ont rivalisé de danses et de fairplay qui donnent au Bianou toute sa dimension socioculturelle et, ce, depuis la nuit des temps.
La Ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mme Aghaichata Guichene Atta a honoré de sa présence les cérémonies marquant cette fête millénaire.
Avant d’arriver au Sultanat, les festivaliers ont fait un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative.
Le Bianou, note-t-on, est une fête à caractère culturel et religieux qui n’existe nulle part au Niger que dans la Région d’Agadez. Cette fête se déroule aussi bien à Agadez qu’à Arlit et Ingall.
Selon les traditions orales, cette fête est organisée pour commémorer le jour de la naissance du Prophète Mohamed (S.A.W). Elle est la plus grande manifestation culturelle de l’Aïr qui commence le 10 du mois Muharam, un mois après la fête de Tabaski, appelé aussi mois du Bianou.
L’origine de cette fête, dont l’histoire remonte à la nuit des temps symboliserait aussi la manifestation de joie après l’arrêt des pluies diluviennes et le jour où l’arche de Noé s’est posé sur le mont Ararat (5 165 mètres d’altitude) à l’extrême-est de la Turquie après le déluge.
Certaines personnes estiment que cet évènement culturel célèbre l’accueil réservé au Prophète Mohamed (S.A.W) par les habitants de Médine, lors de l’hégire en 622. On pense aussi qu’il s’agit de la commémoration des victoires guerrières du temps des guerres saintes.
La ville entière et ses environs célèbrent cette manifestation culturelle et religieuse aux allures carnavalesques. Femmes, hommes, jeunes et personnes âgées paradent dans les grandes artères d’Agadez sous les rythmes endiablés des « Akanzam », sortes de petits tambourins et du « Tambari », grand tambour guerrier.
Deux groupes de danseurs des quartiers est et ouest de la ville, avec chacun à sa tête un « tambari », animent le Bianou, la grande fête de la musique, de la danse et de la beauté.
Des jeunes habillés de boubous bleu, blanc, arborant le turban auréolé de blanc et de noire vif, surmonté d’une bande d’étoffe indigo en forme de crête de coq, portent fièrement le sabre, des poignards, des lances et par-dessus leurs grands boubous, des larges ceintures décorées. Ils marchent et dansent au rythme endiablé de leurs instruments de musique: les grands tambours de la guerre, les tambours du Bianou.
La beauté des jeunes filles s’exprime lors du Bianou où celles-ci sont maquillées avec art, parées de bijoux en or et argent, habillées de pagnes et foulards bleus et noires, de chemises d’un blanc ou noir éclatant ornées de galons au motifs rouges des agdésiennes. Elles marchent en suivant les danseurs, la tête protégée par des petits et larges parapluies aux couleurs chatoyantes.
Quand la fête atteint son paroxysme, ce sont des centaines de personnes qui sautent, dansent et virevoltent dans une sorte de procession guerrière au cours de laquelle, malgré la multiplicité des instruments et des tonalités, les sons s’harmonisent pour donner un cachet très particulier à la musique du Bianou.
Lors des rencontres qui se tiennent dans des endroits bien déterminés des quartiers de la ville, les deux groupes de l’est et de l’ouest ne tarissent pas en défis, somme toute estivales.
Autrefois, la rencontre des deux groupes dégénérait en affrontements le plus souvent violents et sanglants. De nos jours, avec l’évolution des temps, l’ouverture d’esprit, la promotion de la paix et de la tolérance, la fête se passe dans toute la joie et l’allégresse partagées avec tous les résidents et non-résidents d’Agadez, dans un climat de communion, de pardon et d’unité avec tous les Nigériens sans distinction de race ou de religion.
Le 9 du mois Muharam, toute la ville participe au « Marétchan-n-Ado » ou la soirée de la beauté. Arborant leurs plus beaux habits, les deux divisions des quartiers précités rivalisent de sons et de danses.
La nuit tombée, les danseurs célèbrent la nuit de la consécration et vont festoyer à Alarcès (à 5 km au nord) de la ville. Le lendemain, aux environs de 9 heures du matin, les fêtards regagnent la ville en dansant, chantant, agitant des branches de palme prélevés aux bordures du Kori Telwa et des bannières d’étoffe multicolores.
Toute la ville converge pour l’accueil des deux grands cortèges qui parcourent toutes les rues pendant cette journée dite Daouka Tchizdayen (la prise des palmes de dattier).
Mais, préalablement, une première escale est faite non loin de la garnison d’Agadez en souvenir peut-être de la bataille engagée par les troupes des Sultans Tagama et Kaocen face aux militaires français, une autre sur la place des martyrs de la répression française de 1916 -1917 au cours de laquelle furent massacrés à l’époque les habitants d’Agadez.
Un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative locale et enfin la grande fête de chants et de danse se passera dans l’enceinte de la cour de sa Majesté le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou. Des jeunes, femmes et hommes, rivaliseront de danse et de leurs meilleurs atours de fête.
Quand la fête atteint un certain niveau, franchit un certain palier, les femmes et les hommes d’un certain âge suivent les rythmes du Bianou, balançant la tête, essuyant en certains moments les larmes de joie, de fierté et de réconfort, se souvenant des moments si précieux de leur tendre enfance dans cette cité qu’ils ont vu grandir et se prospérer sous leurs regards de patriarches.
Après le sultanat, la fête se poursuit dans toute les artères de la ville. Les groupes de danseurs rendent alors des visites à des dignitaires, aux personnes âgées qui ont marqué le Bianou et qui leur ont légué ce lourd héritage culturel et religieux qu’ils doivent préserver et pérenniser pour les futures générations.
Dans le commun des agadésiens, on dit qu’il est difficile de ne pas être sensible aux rythmes du Bianou, une fête qu’ils ont dans leur sang. La fin du Bianou correspond à l’Achoura, dixième jour de l’an musulman.
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