Depuis le Gabon, « l’internationale bantu » fait rayonner l’universelle âme africaine

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Depuis le Gabon, « l’internationale bantu » fait rayonner l’universelle âme africaine
Depuis le Gabon, « l’internationale bantu » fait rayonner l’universelle âme africaine

Africa-Press – Niger. Il est peu connu du grand public en Afrique, y compris au Gabon, où se trouve son siège. Pourtant, le Centre international des civilisations bantu (Ciciba) constitue un pôle de recherche de niveau international. Il s’apprête à célébrer son quarantième anniversaire, avec l’objectif de renforcer sa visibilité, à l’instar de « l’internationale bantu » qu’il incarne.

L’idée de créer un tel centre a germé dans la tête d’Omar Bongo Ondimba au début des années 1980. Le président gabonais rêvait de mettre en valeur les cultures et traditions bantu en constituant, dans un premier temps, une association nationale gabonaise.

Onze États membres

Sûr de l’intérêt que son idée pouvait susciter à l’international, Omar Bongo Ondimba s’en était par la suite ouvert à ses homologues de la région et du continent. Certains chefs d’État étaient enthousiastes à l’idée de se lancer dans cette aventure, d’autres avaient promis d’y adhérer sans pour autant passer à l’acte, et quelques-uns, dit-on, cherchèrent secrètement à torpiller ce projet de crainte qu’il ne fasse briller encore un peu plus l’image du président gabonais.

Qu’à cela ne tienne, le Ciciba a fait émerger ce que certains appellent « l’internationale bantu ». Il compte aujourd’hui onze États membres : l’Angola, le Burundi, la Centrafrique, les Comores, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la RDC, le Rwanda, São Tomé-et-Principe et la Zambie. Ils pourraient prochainement être rejoints par les douze autres pays qui avaient nourri la réflexion préalable à la création du centre il y a plus de quarante ans et qui, depuis, traînent des pieds pour y adhérer. Le Ciciba continue de s’employer à convaincre ces « États tièdes » à ratifier les textes qui feront d’eux des membres à part entière.

Une identité présente du Nigeria à l’Afrique du Sud

Les Bantus ne forment ni un bloc monolithique ni un peuple en tant que tel. Il ne s’agit pas non plus d’un groupe de personnes ayant des traits physiques communs. Les chercheurs qui font autorité en la matière parlent d’un ensemble de populations ayant des langues, des cultures et des traditions communes. « Le muntu [singulier de bantu] est l’être intime, cet élément qui, dans l’homme, est porteur de son identité. Le muntu, c’est l’être africain qui réside dans des communautés africaines et est déterminé par un certain nombre de langues », explique le professeur Antoine Manda Tchebwa, directeur général du Ciciba.

L’apparition des Bantus en Afrique remonterait à 5 000 ans. Leur foyer originel se situerait dans l’actuel État de Benue, dans l’est du Nigeria. Certaines études identifient cependant un foyer antérieur en Égypte antique. Cette thèse est corroborée par des figures emblématiques du monde universitaire africain, comme Théophile Obenga (égyptologue, historien et linguiste du Congo) et Cheikh Anta Diop (scientifique, historien et anthropologue sénégalais, décédé en 1986).

Sur le continent, la sphère de rayonnement des Bantus s’étend du Nigeria jusqu’en Afrique du Sud, où est fait l’éloge d’ubuntu, une philosophie humaniste qui prône le bien-être et le vivre-ensemble au sein de la communauté. Ce sont, pour l’essentiel, des membres de l’ethnie xhosa, dont était issu Nelson Mandela, qui ont mis en avant ce concept, lequel englobe la notion d’interdépendance entre les êtres humains au sein d’une communauté. Ubuntu aurait permis à la nation Arc-en-Ciel de mieux affronter les tensions nées de l’abolition de l’apartheid, génératrice de la fin des privilèges de la minorité blanche, qui tenait les rênes de l’économie nationale.

Dans l’espace bantu vivent aussi d’autres communautés (pygmées, semi-bantu, nilotiques, etc.). Grâce notamment au livre Ubuntu – Je suis car tu es – Leçon de sagesse africaine (HarperCollins, 2019), de Mungi Ngomane, petite-fille de l’archevêque Desmond Tutu, cette philosophie « parle » aujourd’hui à des millions d’êtres humains qui ne vivent pas forcément dans l’espace bantu. Des expositions d’artistes sur le même thème ont également contribué à asseoir sa réputation dans le monde.

Afro-descendants en quête de racines

Aujourd’hui, le Ciciba a quitté son siège délabré d’Akanda, au nord de Libreville, pour s’établir dans un bâtiment moderne du centre de la capitale gabonaise. Il dispose de la plus grande banque de données mondiale sur les civilisations bantus, constituée sous forme de microfiches. Cette banque contient les résultats des travaux effectués dans plusieurs pays par des chercheurs africains, européens et asiatiques, entre autres. Sur le plan académique, le centre a conclu des partenariats avec diverses universités étrangères pour le développement de la recherche sur les civilisations et les cultures bantus.

Il veut être un espace de coopération internationale entre l’Afrique et ses diasporas, parmi lesquelles on peut inclure les personnes d’ascendance africaine, dans un contexte où les Afro-descendants sont de plus en plus nombreux à se mettre en quête de leurs racines et à entreprendre des pérégrinations sur le continent. C’est d’ailleurs dans cette optique que Libreville a accueilli, en 2017, la première rencontre entre personnes d’ascendance africaine, aujourd’hui disséminées à travers le monde, principalement en raison de la traite négrière et de l’esclavage.

Antennes locales

Le Ciciba rayonne en particulier à São Paulo, la plus grande ville du Brésil, où il a ouvert un bureau de représentation qui couvre toute l’Amérique latine. L’internationale bantu étend ainsi sa présence en « Méso-Amérique » (aire culturelle occupée par les civilisations d’Amérique centrale avant la colonisation espagnole), mais aussi en Amérique du Nord : aux États-Unis, au Canada et dans les îles des Caraïbes, où elle dispose de partenaires informels. Il est toutefois question que ces derniers deviennent des « collaborateurs formels » dès 2023. « Dans les prochaines années, nous espérons pouvoir installer des antennes du Ciciba partout où il a l’obligation de diffuser et de promouvoir l’identité ainsi que les cultures bantus », souligne Antoine Manda Tchebwa.

Reste que cette ambition se heurte encore à des difficultés liées au retard avec lequel certains États membres versent leur contribution – mais quand on sait que l’Union africaine (UA), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac), la Communauté de développement de l’Afrique australe (Sadec) et d’autres organisations régionales ou continentales se plaignent également de ces lenteurs… Pour contourner cet écueil et trouver de nouvelles sources de financement, l’internationale bantu entend se tourner vers des philanthropes et des fondations sensibles à la question bantu à travers le monde. Une démarche d’autant plus encouragée qu’elle est prévue par les textes fondateurs du Ciciba.

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