L’art africain s’envole dans l’espace

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L’art africain s’envole dans l’espace
L’art africain s’envole dans l’espace

Africa-Press – Niger. Le projet, un peu fou, est sur la rampe de lancement. Une œuvre africaine dans l’espace ! Dévoilée officiellement le 8 avril, « Memory of Today, Memory of the Future », l’œuvre, créée par trois artistes africains, ornera la coiffe du lanceur Ariane 5. Cette idée d’envoyer une œuvre d’art dans l’espace a pris naissance dans l’esprit des dirigeants de l’ONG française, African Artists for Development (AAD), en partenariat avec Eumetsat, l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques. Il restait à convaincre le troisième partenaire, Arianespace qui n’a jamais réalisé ce type de transfert, sur ses fusées. « Arianespace a été emballée par le projet », confie Matthias Leridon, coprésident d’AAD. Le projet a été baptisé African Space Art Project (Asap), dont l’acronyme sympathique signifie en anglais « aussi vite que possible ». Ainsi, l’espace, nouvelle frontière, s’ouvre à l’art contemporain africain.

Le lancement est prévu pour décembre 2022. Le satellite géostationnaire MGT-I1 d’Eumetsat, le premier représentant de la troisième génération, sera positionné au-dessus de l’Afrique après sa mise en orbite et permettra d’observer, notamment, les changements climatiques et météorologiques sur le continent africain. « Toutes les 10 minutes, le satellite va scanner l’Afrique et l’Union européenne, les données sont ensuite transmises gratuitement aux services météo africains, mais sont aussi utilisées pour l’aviation, l’agriculture et la prévention des crises alimentaires, la gestion des ressources de l’eau », détaille Vincent Gabaglio, chargé des relations internationales chez Eumetsat.

« L’Afrique est le continent qui émet le moins de CO2 tout en étant celui qui souffre et souffrira le plus du réchauffement climatique. African Space Art Project veut montrer l’importance stratégique pour le continent africain d’un tel lancement. Ce satellite et les données qu’il fournira pour le continent sont un enjeu sans égal », insiste Matthias Leridon.

Une œuvre collective

African Space Art Project est aussi l’aboutissement d’un long processus. Le projet est lancé en septembre 2018, auprès de 100 artistes africains invités à participer, 59 ont déposé un dossier. Le comité artistique, composé du galeriste et spécialiste de l’art contemporain Jean-Philippe Aka, l’artiste Mélissa Goba, les musiciens Gaël Faye et Keziah Jones, en a retenu trois : les Congolais Michel Ekéba et Géraldine Tobé, le Camerounais Jean-David Nknot. C’était le 4 mars 2020. Là, il faut reconnaître que la pandémie de Covid a mis en pause le projet. Il faudra donc attendre le 27 novembre 2021 pour la sélection finale. Et là encore la pandémie bouscule l’organisation. Cela devait se faire à Rabat, au Maroc, mais le pays ferme ses frontières juste avant. Tout se déroule alors à partir de Paris et en visioconférence. « Plutôt que de désigner un lauréat unique, une proposition est faite aux trois lauréats sélectionnés – Géraldine Tobé, Jean David Nkot et Michel Ekéba – de collaborer pour concevoir une œuvre unique, symbole de l’engagement collectif qui est au cœur des cultures africaines », détaille le communiqué. Ils acceptent, et c’est ainsi que le collectif N.E.T. est né, signature des trois initiales des artistes.

Le programme African Space Art Project (Asap) a été imaginé par AAD en partenariat avec Eumetsat, avec un jury dédié.

© Elodie Gregoire / Elodie GregoireInitialement, la résidence pour la création de l’œuvre devait se dérouler en Allemagne, au siège d’Eumestat. Là encore, face à la énième vague de Covid, et à une possible période de confinement, une autre solution est trouvée. Dans le large jury réuni, Jean Michel Abimbola, ministre du Tourisme et de la Culture du Bénin propose d’inviter les artistes en résidence à Ouidah, début 2022. Après deux mois passés, beaucoup de discussions et de travail, les artistes ont créé l’œuvre collective « Memory of Today, Memory of the Future », prête à décoller.

Cela ne s’est pas fait sans heurts. « Il a fallu s’adapter », reconnaît Michel Ekéba. « Nous avons tous les trois des techniques bien particulières. Géraldine peint avec le feu, c’est techniquement très difficile. Jean David maîtrise le pigment et, moi, je suis un performeur. Nos rythmes de création sont aussi différents. » Mais le résultat est là, avec un sens et une force symbolique très forte.

Faire le lien entre la terre et l’espace

En dévoilant cette œuvre collective, on reconnaît le travail de chaque artiste. Le fond de la toile de Jean-David Nkot, sur une cartographie imaginaire, sans frontière mais traversée de cours d’eau, de routes et parsemée de lacs. On retrouve la technique de la peinture réalisée avec de la fumée de Géraldine Tobé à travers les trois silhouettes de femme. Une femme africaine qui s’élance vers l’avenir. Les têtes d’aigles que l’on distingue dans les silhouettes font référence à la culture vaudoue. « Pendant notre résidence, nous avons été invités à assister à une cérémonie vaudoue, et nous nous sommes dit : “Pourquoi ne pas utiliser un symbole pour se souvenir de ce passage à Ouidah ?” » explique Géraldine Tobé.

Gros plan sur un costume de l’artiste Michel Ekéba avant une performance.

© Sylvie RantruaLes silhouettes d’afronautes en lévitation sortent de l’imagination de Michel Ekéba et évoquent par leur couleur les six zones climatiques du continent africain. Des détails de l’œuvre rappellent le lien entre la terre et l’espace, comme les signes de la cosmogonie dogon. La toile immense, de 150 par 300 cm, évoque l’Afrique d’aujourd’hui et de demain et entraîne le spectateur à suivre le fil d’Ariane entre l’Afrique et l’univers.

Gros plan sur les symboles de la cosmogonie dogon, présents dans l’œuvre.

Cette œuvre sera remise symboliquement, après cinq années de présentation dans de nombreux pays, à l’Agence spatiale africaine, organe de l’Union africaine. Sa reproduction sur la coiffe d’Ariane 5, dont ce sera un des derniers vols, pourra être observée à Kourou en Guyane mais aussi par les astronautes de la station MIR.

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