Africa-Press – Niger. Au seuil de la rentrée scolaire 2025-2026, j’annonçais quelques petites et moyennes réformes, qui ont été ensuite traduites en directives adressées aux chefs d’établissements. Elles concernaient:
– la sécurisation de nos écoles par la construction de mur d’enceinte (à cette fin l’initiative, « Zéro école aux quatre vents » a été lancée le 22 novembre 2025 au Centre de Formation aux Métiers de Dosso) ;
– la promotion de la discipline, du civisme et du patriotisme dans nos écoles ;
– l’introduction de pratiques sportives et culturelles nigériennes dans nos établissements (Langa et Dara notamment) ;
– une approche participative qui accorderait une place de choix au savoir, au savoir-faire et aux compétences de nos apprenants dans les contrats, les conventions et marchés passés entre le Ministère et les partenaires ;
– les travaux pratiques utiles (utilisation de la matière d’œuvre pour fabriquer des objets utiles à l’école et à la communauté).
L’annonce des réformes énumérées présupposait l’avènement de réformes de plus grande envergure.
Au demeurant, la réforme majeure du secteur est commandée par l’état actuel de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels, le cadre législatif dans lequel il s’inscrit, et les exigences de la lettre de mission confiée au Ministre par le Président de la République dont les articulations saillantes sont:
– l’amélioration et l’efficacité des programmes, de la formation et de l’apprentissage ;
– la satisfaction des besoins du marché du travail en mettant l’accent sur la compétitivité et l’auto-emploi ;
– l’usage optimal des nouvelles technologies en tenant compte des réalités socio-culturelles.
Le but ultime de la mission confiée au Ministère de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels est de faire la jonction avec la vision du Président de la République et de concourir à « bâtir un Niger nouveau où les Nigériennes et les Nigériens, unis et solidaires, décident souverainement pour notre patrie et dans l’intérêt supérieur de notre peuple ».
Pour mener à bien sa mission, le Ministère s’est doté de la vision: « Un enseignement et une formation techniques et professionnels au service de l’indépendance, de la souveraineté et de la prospérité du Niger ». Dans un texte précédent intitulé: « Ministère de l‘Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels ressuscité. Et après? », Paru dans le Sahel quotidien no 10994 du lundi 22 septembre 2025, j’ai repéré les obstacles qui se dressent sur notre chemin, et tracé les grandes lignes de la Réforme: le remembrement et la cohérence du processus éducatif. Seul le cadre législatif n’avait pas été examiné.
Le Ministère de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels est issu de la défusion d’avec le Ministère de l’Education Nationale de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales comme partie d’un tout. Or, ce ministère doit être un tout. A l’observation, le nouveau ministère apparaît comme un corps dépourvu de quelques membres ou comme un ensemble dont les parties sont dispersées.
La Loi no 2015-22 du 23 avril 2015, déterminant les principes fondamentaux de l’enseignement et de la formation professionnels et techniques en son article 3 stipule: « Au sens de la loi, l’enseignement et la formation professionnels et techniques désignent toutes les formes et tous les degrés du processus d’éducation où interviennent, outre l’acquisition de connaissances générales, l’étude de techniques et de sciences connexes et l’acquisition de compétences pratiques, de savoir-faire, d’attitudes et d’éléments de compréhension en rapport avec les professions pouvant s’exercer dans les différents secteurs de la vie économique, sociale et culturelle ».
La situation observée sur le terrain est en porte à faux avec la définition de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels. En effet, nombre d’écoles et d’établissement publics et privés qui, au sens de la Loi, relèvent de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels, échappent à la tutelle du Ministère.
Remembrer, mettre fin à la dispersion ou réformer signifient ici rendre au Ministère de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels ce qui lui revient légalement et légitimement.
Le processus d’éducation actuel dans le secteur de l’enseignement et de le formation techniques et professionnels renvoie l’image d’un espace cloisonné, ou encore celle d’un chemin parsemé d’écueils, et laisse un sentiment d’inachevé. La perception de cloisonnement et celle de l’obstruction s’expliquent par la difficulté de passer d’un type ou d’un niveau d’enseignement à un autre, tandis que le sentiment d’inachevé est rendu par l’absence d’un cycle supérieur.
La mission confiée au Ministère de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels ne peut atteindre les objectifs escomptés dans une telle situation d’oblitération et de paralysie. La réussite exige que les cloisons soient baissées, que les obstacles soient levés, et que soit abolie la discontinuité entre les cycles de formation, afin que les vocations s’affirment, que les talents s’expriment, et que les apprenants s’épanouissent.
Réformer, rendre le processus cohérent, c’est faire en sorte que le secteur de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels soit un espace où l’égalité des chances a droit de cité, où on peut passer d’un type ou d’un niveau d’enseignement ou de formation à un autre, d’un cycle à un autre, où l’on peut de manière continue améliorer son savoir, son savoir-faire et ses compétences, changer de catégories, gravir les grades et les échelons et faire véritablement carrière.
D’aucuns disent que nous devons nous contenter de former des ouvriers qualifiés. Ils ont sans doute raison, mais nous devons aussi former des ingénieurs. L’ouvrier qualifié grâce à la formation et l’expérience acquiert une expertise dans une technique spécialisée qui lui permettent de réaliser des travaux complexes. L’ingénieur a effectué cinq (5) années d’études supérieures après le baccalauréat au cours desquelles il a acquis des connaissances mathématiques et scientifiques qui lui permettent de résoudre des problèmes pratiques, de concevoir, de planifier et de gérer. L’ouvrier qualifié est un exécutant, l’ingénieur est un concepteur. Les deux travaillent de pair et sont donc complémentaires. L’ingénieur conçoit des plans, l’ouvrier qualifié les met en œuvre suivant les directives de l’ingénieur.
Réformer, c’est instaurer dans le processus d’éducation du secteur de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels un cycle supérieur menant au Brevet de technicien supérieur (BTS) et au diplôme d’ingénieur.
Réformer, c’est aussi, en collaboration avec le Ministère de l’Education Nationale, élaborer des programmes d’enseignement et des sciences et de la technologie à l’école primaire.
La loi no 2015-22 du 23 avril 2015 détermine les principes fondamentaux de l’enseignement et de la formation professionnels et techniques au Niger.
Au sortir de la lecture de cette loi, on se rend compte que son esprit et sa lettre n’ont jusqu’ici pas été proprement respectés.
L’article 3 a déjà été cité, mais il n’est pas inutile de le reprendre pour les besoins de notre démonstration. Il est ainsi énoncé:
« Au sens de la présente loi, l’enseignement et la formation professionnels et techniques désignent toutes les formes et tous les degrés du processus d’éducation où interviennent, outre l’acquisition de connaissances générales, l’étude de techniques et de sciences connexes et l’acquisition de compétences pratiques, de savoir-faire, d’attitudes et d’éléments de compréhension en rapport avec les professions pouvant s’exercer dans les différents secteurs de la vie économique, sociale et culturelle ».
La lecture attentive de cet article permet de récuser le terme de sous-secteur de l’éducation que d’aucuns utilisent pour désigner l’Enseignement et la Formation Techniques et professionnels. En effet il ne peut pas être une simple subdivision de l’enseignement général, puis que par définition, en plus de l’enseignement général qu’il dispense, il assure l’acquisition de connaissances techniques et scientifiques, un savoir-faire, des compétences pratiques et professionnelles.
Elle permet aussi de situer l’enseignement et la formation techniques et professionnels dans le système éducatif et de déterminer son importance. Excepté le domaine politique, l’enseignement et la formation techniques et professionnels concernent tous les autres domaines (économique, social et culturel), et leur sont indispensables.
Il faut donc désormais regarder l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels non plus comme un sous-secteur, mais comme un secteur à part entière qui gagne de plus en plus ses lettres de noblesses dans l’opinion publique en vertu des services qu’ils peuvent rendre dans le développement du pays, dans sa quête de prospérité, d’indépendance et de souveraineté.
L’article 6 traite des missions de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels. Les alinéas 5 et 6 énoncent respectivement:
« susciter les vocations dans les domaines de l’ingénierie en vue des études supérieures » ;
« assurer la formation continue des professionnels et préparer les jeunes à la vie active ou aux études supérieures ».
Force est de constater qu’une décennie après la promulgation de la loi, aucune structure n’a été mise au niveau supérieur pour accueillir les jeunes. Leur parcours s’arrête au Baccalauréat technique ou professionnel. Des vocations dans le domaine de l’ingénierie ont pu naître chez eux, des désirs de poursuivre des études supérieures ont pu les animer, mais leurs vocations et leurs désirs ont eu le temps de s’émousser et de s’éteindre, faute de dispositif d’accueil et de respect de l’esprit de la loi.
L’article 7 expose les différents niveaux de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels. L’enseignement professionnel et technique, peut-on y lire, comprend:
– l’enseignement élémentaire professionnel et technique ;
– l’enseignement moyen professionnel et technique ;
– l’enseignement supérieur professionnel et technique.
L’enseignement supérieur technique et professionnel est encore aujourd’hui le chaînon qui manque dans le processus d’éducation du secteur. Or, la cohérence et l’efficacité du processus exigent une fluidité entre les différents niveaux. D’ailleurs, l’article 9 précise:
« Les modalités d’organisation de l’enseignement professionnel et technique, notamment le passage d’un type ou niveau d’enseignement à un autre, les structures, le contenu, les lieux et les responsabilités sont fixées par voie réglementaire ».
Au demeurant, les possibilités offertes par l’article 9 n’ont pas été suffisamment explorées, elles ouvrent toutefois un large avenu pour la réforme de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels.
Ce qui rend nécessaire la réforme de l’Enseignement et de la Formation Techniques et Professionnels, c’est la nature évolutive du domaine dans lequel ils se déploient. Les changements technologiques sont permanents, les sciences apportent sans cesse de nouvelles connaissances, de nouvelles professions voient le jour. Les avancées technologiques et scientifiques ont une incidence sur nos curricula et programmes, sur la matière d’œuvre, sur nos structures et équipements. Il faut suivre le rythme des changements et s’y adapter. Ce qui la rend nécessaire, c’est aussi et surtout dans le contexte de la Refondation, la contribution décisive qu’elle peut apporter dans la quête de la prospérité, de l’indépendance et de la souveraineté de notre pays.
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