Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Niger. Au Niger, le secteur minier a fait l’objet d’une exploitation active au cours des cinquante dernières années. Cependant, il n’a quasiment pas changé le niveau de vie des populations qui continuent d’être affectées par l’extrême pauvreté. Les infrastructures ont connu une tendance à la baisse pendant ces dernières années, tandis que le secteur a représenté à peine 5 % du produit intérieur brut du pays.
Dans cette industrie centrale au Niger, les défis pointant à l’horizon semblent être plus grands que ceux rencontrés par le passé. Si l’uranium constitue à présent le gros des minerais extraits du pays, d’autres ressources telles que le pétrole corroborent le fait que le Niger peut se servir des ressources naturelles comme levier d’un développement durable. Cependant, ces attentes génèrent des déceptions et des défis.
Prorogation de l’accord de partenariat avec la société Orano
Ce jeudi, le gouvernement nigérien a annoncé la signature, à Niamey, d’un « accord global de partenariat » pour prolonger jusqu’en 2040 l’activité de la mine d’uranium de la Somaïr, près de la ville d’Arlit, dans le nord du pays, et en plein désert.
Les discussions avec Orano ont permis de « voir comment l’exploitation pourrait durer le plus longtemps possible avec de nouveaux permis, de nouveaux moyens pour réduire les charges, et voir comment la durée de vie de la mine pourrait être prolongée », a déclaré Mme Hadiza Ousseïni, ministre nigérienne des Mines, qui a ajouté qu’initialement on parlait de l’horizon 2029.
Exploitée depuis un demi-siècle, la Somaïr (la Société des mines de l’Aïr), unique mine d’uranium du groupe encore en exploitation dans le nord du Niger, voit en effet ses rendements se réduire depuis plusieurs années et devrait, selon les prévisions, arriver à épuisement d’ici la fin de la prochaine décennie.
De son côté, le PDG d’Orano Mining, Nicolas Maes, a déclaré que : « Cet accord matérialise le double engagement industriel et sociétal d’Orano au Niger, dans le respect de la réglementation » nationale, tout en ajoutant « Nous nous engageons mutuellement à collaborer pour permettre à la Somaïr de durer, afin d’exploiter le plein potentiel des gisements et faire durer cette mine un maximum d’années possible ».
Orano exploitait depuis 50 ans deux mines dans le nord du Niger, la Somaïr (Société des mines de l’Aïr) et la Compagnie des mines d’Akokan (Cominak) : néanmoins cette dernière a déjà mis la clé sous la porte depuis 2021.
En revanche, les deux partenaires ont décidé de repousser le début de l’exploitation d’Imouraren, l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, également dans le nord du Niger, dont les réserves ont été estimées à environ 200.000 tonnes.
L’exploitation de ce gisement aurait dû débuter en 2015, mais la chute des prix de l’uranium sur le marché mondial après la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon en 2011, a gelé son entrée en production.
Projet Imouraren ou « la mine de demain »
Situé à 80 km au sud d’Arlit et à 160 km au nord d’Agadez, ce gisement découvert en 1966 contient des réserves parmi les plus importantes au monde. A l’issue d’une étude de faisabilité achevée fin 2007, Orano a obtenu début 2009 un permis d’exploitation du gisement. Les travaux pour la mise en production du site ont été suspendus et le site a été mis « sous cocon » en 2015 dans l’attente de conditions de marché plus favorables. La société d’exploitation est détenue à 63,52 % par Orano, à 33,35 % par SOMAPIN et L’Etat du Niger et 3,13% par KHNP. Aujourd’hui Orano est à la recherche de nouvelles méthodes d’extraction permettant de réduire les coûts et prévoit des campagnes de forage dans certaines zones du gisement afin de tester la faisabilité des opérations.
Après des essais qui sont programmés début 2024, sa mise en exploitation est prévue en 2028, selon Matthieu Davrinche, directeur d’Imouraren SA, coentreprise du groupe français Orano (ex-Areva) et de l’Etat nigérien, qui a expliqué que le projet est relancé « à la suite de plusieurs études hydrogéologiques qui permettent de penser que la méthode ISR (In Situ Recovery – extraction de l’uranium par pompage) peut être très intéressante pour l’exploitation de ce gisement ».
L’uranium d’Imouraren sera donc extrait par pompage, une méthode inédite en Afrique, permettant de dissoudre de l’uranium dans l’eau avant de le pomper.
Orano poursuit : « Dans la planification que nous envisageons, nous continuons à mettre en place ces études hydrogéologiques qui doivent aboutir à un Go-no go (lancement ou non) d’un pilote fin 2023-début 2024. Un pilote, ce sont des essais à petite échelle qui permettent d’évaluer ce que sera l’exploitation à grande échelle. »
Techniquement parlant, ce changement de méthode d’extraction « fait suite à des considérations économiques, le prix de l’uranium n’étant pas certain pour les années qui viennent. Il y a aussi des considérations environnementales, sachant que le groupe Orano s’est engagé à diminuer de façon importante ses émissions de CO2 et les mines à ciel ouvert émettent beaucoup de CO2, basiquement sur la consommation en gasoil des engins miniers ».
Faisons connaissance avec le groupe Orano
Depuis plus de 50 ans, Orano au travers de ses filiales valorisent le potentiel uranifère du pays en exploitant respectivement des gisements situés au nord-ouest du pays dans la région désertique de l’Aïr. Depuis les années 1970, l’activité industrielle générée par l’exploitation minière constitue un atout majeur et participe au développement économique, social et sociétal de la région. Suite à l’épuisement de ses ressources, la mine souterraine de COMINAK a arrêté sa production le 31 mars 2021. Cependant, les travaux de réaménagement et de surveillance environnementale du site se poursuivent pendant au moins 12 ans.
Créer les conditions et mener des actions pour la continuité des opérations d’extraction d’uranium dans le Nord du Niger est la pierre angulaire des relations mutuelles d’Orano et de l’Etat Niger.
Rappelons qu’Orano, exploite l’uranium en partenariat avec l’Etat nigérien, et le Groupe français promet de surveiller la radioactivité de l’air et de l’eau pour rassurer les habitants de la région.
Plus de détails sur les sites miniers nigériens d’uranium
-/-Site n°1 : Somaïr, une mine à ciel ouvert
Somaïr (Société des mines de l’Aïr) – détenu à 63,4 % par Orano et à 36,66 % par SOPAMIN (Société du patrimoine des mines du Niger) – exploite plusieurs gisements à proximité de la ville d’Arlit. Extrait d’une mine à ciel ouvert, le minerai est traité par lixiviation en tas ou par lixiviation dynamique.
SOMAÏR continue d’investir en vue de découvrir de nouvelles ressources en uranium et de prolonger la vie de la mine. De nombreuses initiatives ont été lancées pour que l’exploitation de SOMAÏR se poursuive au-delà de 2035, notamment par des optimisations techniques et la digitalisation. Elles contribueront à améliorer l’économie, la qualité et la sécurité des opérations.
-/-Site n°2 : Cominak, mine d’uranium souterraine
La COMINAK (Compagnie Minière d’Akouta) est détenue à 59 % par Orano, à 31 % par la SOPAMIN (Niger) et à 10 % par Enusa (Enusa Industrias Avanzadas SA, Espagne).
Orano Mining détient 59% du capital de COMINAK depuis fin février 2021, après la reprise de la part détenue par l’un des actionnaires historiques, la société japonaise OURD (25%).
La COMINAK a produit plus de 75 000 t d’uranium pendant les 47 ans d’exploitation des gisements d’Akouta, Akola et Ebba. Suite à l’épuisement des ressources, le Conseil d’Administration de COMINAK a voté en octobre 2019, l’arrêt de production le 31 mars 2021.
-/-Site n°3 Imouraren : actuellement à l’étude pour sa mise en exploitation.
Il s’agit d’un site étendu sur 500 km2, avec des réserves de plus de 174 000 tonnes d’uranium après récupération, et qui sera doté d’une capacité de production annuelle de 5 000 tonnes et d’une durée de vie estimée à 43 ans.
Vision du gouvernement nigérien à propos des sites d’uranium
Le Président directeur général du groupe Orano, Nicolas Maes, a confié aux médias que le nouvel accord signé avec l’Etat nigérien a « reconfiguré » le projet Imouraren afin « de trouver un équilibre économique, tout en diminuant significativement son empreinte environnementale ».
Dans le même contexte, Mme Ousseïni, la Ministre nigérienne de l’Industrie, s’est ainsi exprimée : « De par la loi minière, on se donne généralement un horizon de dix ans (pour exploiter), c’est la période maximale pour chercher et voir comment on peut exploiter ce qu’on a à Imouraren, ça peut être dix ans, comme ça peut être moins ».
Elle a affirmé entre-autres que « les parties sont d’accord » qu’Imouraren est désormais « une société qui va reprendre la recherche pour bâtir une nouvelle étude de faisabilité ».
Par ailleurs, Matthieu Davrinche, directeur d’Imouraren SA, avait déclaré à l’AFP en mars dernier, que la décision d’exploiter cette mine serait prise en 2028, après des essais qui doivent débuter l’an prochain.
D’autre-part, Orano s’est engagé à injecter 26 milliards FCFA (environ 39 millions d’euros) dans des secteurs « prioritaires » au Niger, dont l’éducation, selon son PDG.
Projet futur
Certes, l’intérêt renouvelé pour l’énergie nucléaire à l’international entraîne un regain d’attrait pour l’exploration d’uranium au Niger. Mais le démarrage de la production sur une nouvelle mine dans le pays est, pour sa part, encore relativement lointain.
Néanmoins, la politique économique du Niger s’implique d’avantage dans l’extraction minière, et c’est dans cette optique que la compagnie canadienne Global Atomic Corporation compte construire une mine de production d’uranium en 2023 à Dasa, dans une région du nord du Niger, où est implantée la société française Orano.
D’ailleurs, on peut lire sur le site de Global Atomic que « Cette compagnie lancera en 2023 la construction de la mine d’uranium de Dasa et la production commencera en 2025 ». Dasa « est un vaste gisement d’uranium à haute teneur », il est situé à 105 km au sud de la ville minière d’Arlit.
L’investissement quant à lui prévoit quelque 121 milliards de FCFA (soit prés de 184,4 millions d’euros) qui seront investis dans la construction de la mine de Dasa, a précisé le ministère des Mines.
Le Niger est l’un des pays les plus pauvres de la planète malgré sa position de quatrième producteur d’uranium au monde. Les ONG locales ont souvent dénoncé « le flou » entretenu par les autorités sur les permis d’exploitation d’uranium et de pétrole accordés à des sociétés étrangères.
Le Niger, qui est également un important fournisseur d’uranium de l’Union européenne, rencontre des difficultés à sécuriser les ressources de ce minerai en raison des prix bas, de la difficulté à exploiter les réserves et des investisseurs internationaux parfois très gourmands.
L’Uranium…qui en profite ? Cela signifie-t-il la fin de l’uranium nigérien ?
D’après un expert français en la matière « Les prix sont bas par rapport au coût de production, et un grand nombre de mines ont été fermées pour cette raison », a-t-il indiqué, ajoutant que « La reprise aujourd’hui est lente et à long terme, il y a de grands besoins, notamment pour les centrales électriques en Russie ou en Chine ».
Faut-il noter que des sociétés chinoises, australiennes, américaines, britanniques, italiennes, canadiennes, indiennes et russes ont obtenu des permis d’exploration ces dernières années.
« Aujourd’hui, nous avons 31 concessions d’exploration d’uranium et 11 permis d’extraction d’uranium valides », a confié le ministre nigérien des Mines.
Par ailleurs, Ali Idrissa, coordinateur du Réseau nigérien des organismes de transparence et d’analyse budgétaire, une coalition d’ONG, a confirmé qu’ « il n’y a pas de partenariat gagnant-gagnant : le Niger n’a pas tiré profit de l’exploitation de l’uranium ».
Dans le même contexte, un autre expert nigérien, Chiroma Isami Mamadou, a laissé entendre que l’uranium « ne nous a apporté que la ruine (…) et tous les bénéfices sont allés à la France », évoquant le monopole quasi total d’« Orano » (ex-Areva) pendant près d’un demi-siècle.
Par contre, le groupe Orano affirme le contraire : « Depuis la création des sociétés minières au Niger, jusqu’à fin 2021, le Niger aurait bénéficié de 85% des retombées économiques directes des sociétés minières, qui consistent en redevances minières, taxes et autres frais, et bénéfices », en assurant avoir investi des dizaines de millions d’euros « dans des projets pour améliorer la santé de la population, l’éducation des enfants, l’accès à l’eau et le développement économique des communes des régions où se situent les sites miniers ». Qu’en est-il du « vrai du faux » ?
Appui médiatique
Vidéo 1 : https://www.youtube.com/watch?v=joZQMeLBP_A&t=41s
Vidéo 2 : https://www.youtube.com/watch?v=JwRgptrg2OI
Vidéo 3 : https://www.youtube.com/watch?v=rm77Ge9Po7s
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