L’Allemagne au Sahel africain : Visions – Stratégies – et Doctrine militaire

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L’Allemagne au Sahel africain : Visions – Stratégies – et Doctrine militaire
L’Allemagne au Sahel africain : Visions – Stratégies – et Doctrine militaire

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Le gouvernement allemand, envisage de déployer jusqu’à 300 soldats au Niger, dans le cadre d’une nouvelle opération lancée par l’Union européenne en décembre dernier pour soutenir le gouvernement de Niamey ; une mission de trois ans qui mobiliserait au Niger un contingent de soldats européens, dont la mission principale est d’aider le pays à améliorer sa logistique et ses infrastructures.

L’Allemagne a donné son accord préalable, le mercredi 29 mars 2023, pour que les troupes allemandes y soient dépêchées pour participer à cette mission militaire de l’UE au Niger, mais à priori, c’est au Bundestag que revient le dernier mot concernant la décision finale de la participation des soldats allemands.

Un vote pour trancher la question devrait avoir lieu vers la fin de ce mois d’avril.

Ce n’est pas étranger aux Allemands d’être présents sur le Continent africain

Déjà, au Niger, 150 soldats allemands avaient entraîné les forces spéciales nigériennes depuis 2018 jusqu’à la fin de l’année 2022, sans oublier que 1100 éléments de l’armée allemande sont encore basés au Mali dans le cadre d’une mission de reconnaissance pour une mission de maintien de la paix des Nations-Unies.

Mais, vu que les relations entre l’Allemagne et le Mali se sont dégradées depuis le coup d’État militaire survenu en 2020 et le recours par la junte militaire à des combattants du groupe paramilitaire russe privé « Wagner », pour soutenir le gouvernement de transition dans sa lutte contre les insurgés et les groupes terroristes, Berlin avait décidé, il y a quelques mois, de retirer ses troupes de ce pays à l’horizon du mois de mai 2024.

Cette augmentation des effectifs allemands sur le sol nigérien a été prévue à un moment où l’Allemagne se prépare à se retirer du Mali comme l’a déjà fait la France.

A ce propos, nous croyons savoir que l’Allemagne est sur le point de déployer un premier contingent comptant une soixantaine de soldats au Niger, dans le cadre de l’opération conjointe avec l’Union européenne.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le Niger est menacé par un éventuel débordement de la violence qui sévit au Mali voisin, où les éléments terroristes de Daech avaient gagné du terrain après le retrait des troupes françaises et européennes du pays, et qui risquerait de prendre plus d’ampleur dangereusement.

Activités militaires allemandes dans le Sahel africain

Il faut d’abord se rendre à l’évidence que la majorité des Allemands refusaient la participation des soldats de leur pays à des missions de combat à l’étranger, craignant que la « Bundeswehr » (l’armée fédérale allemande) ne s’implique dans le bourbier africain, et que le sort des soldats allemands ne soit semblable à celui des soldats français.

D’autant plus que la France a toujours souhaité que la mission des soldats allemands dans la région du Sahel passe de l’entraînement à la participation effective aux opérations de combat sur terrain, ce que les Allemands rejettent, car celà porterait atteinte, selon eux, au pacifisme traditionnel de l’opinion publique allemande et restaurerait l’image de l’armée d’Hitler dans leur imaginaire.

Toutefois, on se doit de rappeler que le déploiement militaire allemand au Mali remonte à janvier 2013, lorsque le gouvernement malien de l’époque avait lancé un appel à la France et aux Nations unies pour les aider à repousser l’attaque des groupes extrémistes.

À la suite de cet appel, la France avait envoyé des forces militaires au Mali et de nombreux pays l’ont rejoint, dont l’Allemagne, où le gouvernement a pu, avec l’aide des forces internationales, vaincre les éléments islamistes et les rebelles du nord du pays.

Cependant, après neuf ans d’existence de cette mission, il semble que la patience de l’Allemagne soit à bout avec le gouvernement du colonel Assimi Goïta.

Les soldats allemands sur le territoire nigérien

Le Chancelier allemand Scholz inspectant une base des forces militaires en Afrique

Environ 200 soldats allemands ont participé à la mission « Gazelle », qui a débuté en 2018, sachant que l’offre de l’Allemagne d’intégrer la « Force opérationnelle d’assistance militaire (MATF) GAZELLE dans l’EUTM Mali », opérant au Niger avait été approuvée.

Les soldats allemands avaient pour mission d’entraîner les forces spéciales nigériennes au sein de la base militaire de « Tilia », pour lutter contre le terrorisme extrémiste dans la région.

On note qu’au mois de mai 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz s’était rendu à cette base, et a déclaré en cette occasion que : « L’armée allemande fait quelque chose d’extraordinaire ici et elle a également réalisé des choses extraordinaires ici dans des circonstances très difficiles », décrivant la mission comme un modèle pour d’autres régions également, ajoutant qu’il s’agit d’une « mission très réussie », mais aussi dangereuse.

Scholz avait souligné ce jour-là « la nécessité de prolonger la mission, qui devrait se terminer vers la fin de l’année 2022, car le parlement allemand avait décidé de mettre fin à la participation de l’armée allemande à cette mission ».

Quoi de neuf dans la nouvelle stratégie de développement de l’Allemagne envers l’Afrique ?

L’Allemagne se réjouit de jouer un plus grand rôle sur la scène africaine, et à cette fin, le ministère allemand du développement a élaboré une nouvelle stratégie. Les idées sont ambitieuses, mais le plan comporte plusieurs risques : quels sont-ils et quel est leur impact sur l’avenir du partenariat entre les deux parties ?

La Ministre allemande de la Coopération économique et du Développement, Svenja Schulze, en poste depuis prés de 15 mois, a attribué à son plan stratégique le nom « Avec l’Afrique, créons ensemble l’avenir ».

Elle a confié : « Nous ne voulons pas que ces pays restent indéfiniment dépendants de notre aide », en ajoutant également : « Nous voyons comment l’Afrique se développe et quelles sont ses capacités d’innovation. Nous voulons construire des réseaux et des partenariats qui profitent aux deux parties, pas seulement à une partie ».

Ces partenariats devraient s’occuper de nouveaux thèmes.

Comme stipulé dans l’accord pour former l’alliance gouvernementale allemande actuelle, la question de la durabilité joue un rôle majeur. Ce qui n’est pas surprenant à l’ère du changement climatique, dont l’impact est clairement ressenti par les pays africains.

Par conséquent, l’Allemagne veut soutenir la restructuration sociale de l’économie africaine respectueuse du climat. Par exemple, le ministère du Développement veut soutenir les pays là-bas afin d’étendre les sources d’énergie renouvelables. Créer de nouveaux emplois, en particulier pour les jeunes. Selon le ministère, 25 millions de nouveaux emplois devraient être créés chaque année sur le continent, car la population croît de façon exponentielle en Afrique, et d’ici 2050, la population du continent pourrait atteindre 2,5 milliards.

A propos de la stratégie militaire allemande en général

Un convoi militaire allemand au Niger

Pour la Bundeswehr, quatre lignes directrices sont à respecter :
• l’armée doit s’engager pour garantir la liberté d’action de la politique étrangère de l’Allemagne ;
• aux niveaux européen et mondial, les forces militaires doivent participer à maintenir un ordre stable ;
• les troupes armées doivent assurer la sécurité nationale et défendre les Alliés dans le cadre de la défense collective ;
• l’organisation de la défense doit aller dans le sens de la coopération internationale et de l’intégration.

Il est plus que certains que les pays européens ne veulent pas un retrait complet de la région stratégiquement importante qu’est le Continent africain. En Allemagne, on discute actuellement du transfert des soldats de l’armée allemande actuellement stationnés au Mali vers le Niger.

Quant à la Bundeswehr (l’armée fédérale allemande), elle dispose déjà d’un centre logistique au Niger : la base de pont aérien de Niamey fait partie de la mission MINUSMA et garantit une partie importante de l’approvisionnement logistique des forces allemandes au Mali.

La question de l’éventualité d’un transfert de soldats allemands au Niger a été au centre des discussions entre la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock et le président du Niger, Mohamed Bazoum.

A propos du transfert des forces étrangères d’un pays à un autre en Afrique, le chroniqueur nigérien Sidak Abba s’est ainsi exprimé : « Les forces militaires seules ne peuvent pas mener la bataille, pour créer la croissance. Des investissements sont également nécessaires pour améliorer les conditions de vie des citoyens et leurs perspectives », sans toutefois oublier de mettre l’accent sur la frustration que ressent la société civile nigérienne car il est clair que la présence militaire internationale n’a pas amélioré la situation sécuritaire, a-t-il dit, par exemple, investir dans la formation professionnelle des jeunes ».

Abba assure qu’un pays comme l’Allemagne peut aider dans ce domaine en particulier.

L’Allemagne modifie sa doctrine militaire

Dans ce contexte, l’on doit rappeler ici le célèbre dicton de Napoléon Bonaparte dans l’histoire militaire « les armées marchent sur le ventre » qui est venu nous dire que la chose la plus importante, dont les armées ont besoin, est la subsistance matérielle, et bien que ce dicton puisse sembler correct en termes de nourriture ou de logistique, les forces armées ont besoin de plus que la subsistance matérielle pour poursuivre leurs opérations.

Il doit également y avoir un fondement intellectuel à travers lequel il peut commencer, renforcer et terminer ses opérations offensives, et ce fondement intellectuel qui s’adresse à l’esprit et non au corps et à la conscience est ce qu’on appelle la «Doctrine militaire».

C’est pourquoi nous constatons que l’invasion russe de l’Ukraine a conduit à un bouleversement sans précédent de la doctrine militaire allemande qui s’était établie après la Seconde Guerre mondiale. Elle a également bouleversé un certain nombre de convictions politiques, soulignant la nécessité d’un changement rapide et radical de la boussole de Berlin dans un monde en mouvement où il incombe à chaque pays de travailler pour se protéger de l’impact de ses changements rapides et différents.

Quant aux résultats à long terme du réarmement de l’Allemagne, il ne peut se limiter à un changement dans sa politique à l’égard de la Russie, et sa vision de son rôle militaire et de sécurité au sein de l’OTAN, il ne se limite pas non plus à son potentiel retour en tant que force militaire capable d’équilibrer les menaces russes contre l’Union européenne, mais cela lance également une nouvelle réalité qui est trop tôt pour déterminer ses « conséquences géopolitiques » à long terme sur la nature des relations germano-américaines à l’avenir si Berlin devient plus indépendant de Washington, sur les plans sécuritaire et militaire, et ce sera pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui va dessiner de nouveaux traits pour la forme du conflit international actuel et imposer un nouveau rôle conflictuel à l’Allemagne sur le plan international et régional.

La formulation de la doctrine militaire, selon le Bundeswehr, peut être affectée par un certain nombre de facteurs qui peuvent être résumés comme suit :
1- L’ennemi réel et potentiel,
2- Les développements scientifiques et techniques,
3- Les capacités industrielles,
4- L’économie nationale,
5- Les aspirations nationales et nationales,
6- La zone géographique et sa localisation,

Cette nouvelle stratégie militaire insiste sur le fait que :
• l’Allemagne doit assumer une nouvelle responsabilité en matière de sécurité mondiale.
• l’Allemagne joue un rôle majeur pour la poursuite de l’intégration européenne et le renforcement du partenariat transatlantique et avec les Nations Unies.
• L’Allemagne a toujours cherché à inclure l’Afrique parmi les zones d’instabilité dans le monde comme en Europe, en Asie et qui menacent la sécurité mondiale.

L’Allemagne militarise son rôle à la lumière des dangers en Afrique

Le dossier de la sécurité était au centre de tous les pourparlers entre les autorités allemandes, nigériennes et autres, ce qui reflète la militarisation du rôle allemand à la lumière des dangers croissants des organisations terroristes, en particulier dans les pays du Sahel, et que les puissances étrangères y sont préoccupées à rivaliser d’influence au lieu de combattre les extrémistes, comme c’est le cas avec la Russie et la France au Mali.

Les mesures prises par la République Fédérale d’Allemagne semblent également viser à répondre aux mesures de la guerre commerciale entre Washington et Pékin, en poussant les entreprises allemandes à « envahir les marchés africains » et à profiter des opportunités d’investissement qu’ils offrent.

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