Le Burkina Faso et le Niger quittent le g5 sahel : Le Comité d’Etat-major algérien sera-t-il l’alternative adéquate ?

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Le Burkina Faso et le Niger quittent le g5 sahel : Le Comité d'Etat-major algérien sera-t-il l’alternative adéquate ?
Le Burkina Faso et le Niger quittent le g5 sahel : Le Comité d'Etat-major algérien sera-t-il l’alternative adéquate ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Les pays du Niger et du Burkina Faso se sont joints à leur voisine, la République du Mali, pour annoncer leur décision de se retirer à leur tour du groupe des Cinq pays du Sahel africain (G5 Sahel), créé en 2014 avec une initiative française pour lutter contre le terrorisme dans la région, dans une démarche qui confirme la « désintégration » de ce bloc, qui comprend également la Mauritanie et le Tchad.

L’alliance entre les cinq pays du Sahel pour lutter contre le terrorisme se serait donc pratiquement effondrée avec le retrait du Burkina Faso et du Niger, après le Mali leur avait claqué la porte plus tôt.

En effet, le samedi 2 Décembre 2023, les pays du Burkina Faso et du Niger ont annoncé, dans une déclaration commune, leur retrait de ce groupe du Sahel, en raison de ce qu’ils ont décrit comme « l’incapacité de cette organisation à atteindre ses objectifs », neuf ans après sa création.


Selon le contenu de la déclaration commune rendue publique par les gouvernements de transition de ces deux pays, la décision est « souveraine et est en vigueur depuis le 29 novembre dernier », et intervient après « un examen attentif de la situation du groupe et comprend également le retrait de toutes ses institutions ».

Le communiqué a mis l’accent sur l’incapacité du G5 à « établir la sécurité et réaliser le développement attendu dans la région du Sahel, qui se heurte à des obstacles qui ne sont pas à la hauteur des ambitions des deux pays », et que ce groupe « sert les intérêts des pays étrangers, au détriment des intérêts des pays membres, à travers un partenariat formel qui ne respecte pas la souveraineté et l’indépendance des peuples de ces pays ».

Il importe de rappeler que le Mali a été le premier pays à se retirer du groupe en mai 2022, après l’arrivée au pouvoir d’un commandement militaire opposé à la France, et ce à la suite d’un coup d’État militaire réussi et manigancé par le colonel Assimi Goïta.

Un courant anti-français sur le littoral brouille les cartes

A noter que depuis 2021, ces pays qui se sont retirés du groupe ont connu des coups d’État qui ont produit des « chefs militaires opposés à la France et à son influence » dans la région, et les relations de Paris avec les gouvernements de ces républiques ont été le théâtre de tensions et d’éloignements à tous les niveaux, notamment militaire, avec l’expulsion de leurs forces opérant dans la région.

Cette situation a donné naissance, le 17 septembre 2023, au « Pacte Liptako-Gourma » qui été signé par les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger, établissant l’alliance des trois pays du Sahel, qui vise à établir une « structure de défense commune et d’assistance (économique) mutuelle » pour marquer la rupture avec la France dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et abandonner l’alliance avec elle au sein du groupe du Sahel, dont la charte fondatrice confirme que son objectif est de :
• renforcer les liens entre développement économique et sécuritaire,
• et lutter contre la menace des organisations armées opérant dans la région.

Le rejet algérien de toute alliance sous couvert étranger

D’abord demandons-nous « pourquoi l’Algérie, la plus grande puissance militaire de la région, avait-elle refusé de rejoindre le Groupe du Sahel dirigé par la France, lors de sa création ?

Pour répondre à cette question, il importe de noter que les observateurs avaient déclaré à l’époque que sa création n’était qu’une réponse de Paris à l’annonce, en 2010, de la naissance d’un bloc militaire de pays de la région pour lutter contre le terrorisme et la criminalité, appelé « Comité d’Etat-major opérationnel conjoint », basé dans la ville de Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie, et qui comprenait également la Mauritanie, le Niger et le Mali.

Néanmoins, les responsables algériens ont continué d’appeler les pays de la région à s’appuyer sur les capacités locales pour lutter contre le terrorisme et combattre la criminalité dans la région sans essayer d’avoir recours à une intervention étrangère.

D’ailleurs, fin 2014, l’Algérie s’était opposée à l’appel du groupe du G5 Sahel lancé au Conseil de sécurité, à créer une force internationale pour :
• Neutraliser les groupes armés,
• Aider à la réconciliation nationale
• Etablir des institutions démocratiques stables en Libye ».

Un détail de poids

Le retrait du Niger et du Burkina Faso du groupe du Sahel est intervenu quelques jours seulement après la tenue à Alger, fin novembre dernier, d’une réunion des commandants des armées du « Comité d’Etat-major opérationnel conjoint », au cours de laquelle la présidence tournante du bloc a été transférée de l’État du Niger à l’Algérie.

Ont participé à cette réunion :
• Le Chef d’Etat-major algérien, le lieutenant-général Saeed Chengriha
• Le général de brigade Musa Salawo Barmo, chef d’Etat-major des forces armées nigériennes,
• Le général-major Omar Diarra, chef d’Etat-major général des forces armées maliennes,
• Le général de division Mohamed Al-Mukhtar Sheikh Minni, chef d’Etat-major de l’armée de terre mauritanienne.

Lors de cette rencontre, Saeed Chengriha a affirmé l’engagement de son pays (l’Algérie) « à persévérer sans acharnement dans la lutte contre le terrorisme et les crimes qui y sont liés, et à coordonner ses efforts avec ses partenaires dans ce mécanisme de coopération sécuritaire », notamment comme il l’a claire dit « lorsqu’il s’agit d’unifier nos efforts et à coordonner nos interventions, chacun dans son domaine de responsabilité, avec la possibilité de se soutenir mutuellement, selon les moyens disponibles, afin de protéger notre zone géographique et de renforcer la sécurité nationale de nos pays ».

Pour l’activation du bloc Tamanrasset

La réunion entre les commandants de l’armée du groupe était la deuxième du genre en quelques semaines, puisque ces responsables militaires se sont réunis en octobre dernier à Alger lors d’une réunion d’urgence, au cours de laquelle un communiqué du ministère algérien de la Défense a déclaré que « de nouveaux projets de lois pour ce mécanisme de coopération en matière de sécurité » ont été signés, qui sont des projets qui s’inscrivent dans le cadre de donner une nouvelle dynamique à la coopération et à la coordination opérationnelle entre les États membres ».

Il a ajouté que la réunion a été « une occasion d’échanger sur des questions d’intérêt commun », au cours de laquelle « les chefs d’Etat-major ont présenté aux Etats membres, à travers leurs interventions, leurs analyses et évaluations des approches sécuritaires adoptées dans le domaine de la confrontation avec les diverses formes de menaces sécuritaires, notamment la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, ainsi que l’immigration clandestine, saluant à l’occasion le rôle de l’Algérie dans la région et son souci de renforcer les liens de coopération entre les pays membres du Comité d’Etat-major opérationnel conjoint.

L’activation du rôle de ce bloc militaire intervient après des changements importants que la région du Sahel a connus ces dernières années, dont le plus important a été le retrait français de la région, à un moment où l’on a assisté à une escalade record de l’activité des groupes terroristes affiliés à Daech et à Al-Qaïda, au milieu des craintes d’opérations croissantes contre les armées régulières et les civils.

Un avis de taille

A ce propos, Kamisa Camara, l’ancienne cheffe de cabinet de l’ancien président malien Boubacar Keita, écrivait dans un article publié sur le Middle East Institute for Near Eastern Affairs à Washington, en décembre 2022, que « l’avantage unique du Comité d’Etat-major réside dans la sécurité institutionnelle », entre l’Algérie et le Sahel.

Elle a expliqué entre-autres que « l’influence diplomatique régionale de l’Algérie, sa force militaire et son expérience dans la lutte contre le terrorisme peuvent aider les pays du Sahel à éviter un effondrement politique et sécuritaire imminent ».

Selon Camara, la coopération entre l’Algérie et les pays du Sahel sera bénéfique aux deux parties, sachant que la sécurité de l’Algérie est liée à la sécurité du littoral, politiquement, démographiquement et géographiquement. Les frontières sud de l’Algérie étant en danger et l’État doit agir rapidement, car l’Algérie partage des frontières avec le Mali, la Mauritanie et le Niger, longues d’environ 3.000 kilomètres.

Le mot de la fin

Suite à cette nouvelle situation dans le Sahel, qui a pris le pas au Mali, on peut affirmer que les deux pays ont justifié leur décision en affirmant ceci :

« Notre chemin vers l’indépendance et la dignité n’est pas compatible avec la participation au G5 Sahel sous sa forme actuelle ».

Ils soulignent à cet effet qu’après près de 9 ans d’existence, l’organisation peine toujours à atteindre ses objectifs, et pire encore, les ambitions légitimes de nos Etats à faire de l’espace du G5 Sahel une zone de sécurité et de développement sont contrariées par des lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge qui achèvent de nous convaincre que la voie de l’indépendance et de la dignité sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés, est contraire à la participation au groupe du G5 Sahel, dans sa forme actuelle.

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