Le Niger Divorce de Washington en Mettant Fin Illico à L’Accord de Coopération Militaire avec les Etats-Unis : Causes et Effets !

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Le Niger Divorce de Washington en Mettant Fin Illico à L'Accord de Coopération Militaire avec les Etats-Unis : Causes et Effets !
Le Niger Divorce de Washington en Mettant Fin Illico à L'Accord de Coopération Militaire avec les Etats-Unis : Causes et Effets !

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. La décision prise par le régime militaire au pouvoir au Niger, dans la soirée du samedi 16 mars 2024, d’annuler « avec effet immédiat » l’accord de coopération militaire avec les États-Unis, qui remonte à 2012, et d’annoncer que la présence des forces américaines était « illégale et viole toutes les règles constitutionnelles et démocratiques », fût tel un « coup de massue » asséné à la tête de cette grande puissance autant que l’occident.

Il s’agit là d’une décision qui a été ficelée rapidement au lendemain d’une visite de trois jours rendue par une délégation américaine de très hauts responsables à Niamey, composée de la Sous-secrétaire d’État aux affaires africaines, cheffe de délégation Mme Molly Phee, du Secrétaire d’État adjoint aux affaires internationales Dr Céleste Wallander, du Commandant de l’Africom le Général Michael Langley, du Directeur adjoint de l’Afrique de l’Ouest Skye Justice et de l’ambassadrice des États-Unis au Niger Kathleen FitzGibbon.

Molly Phee à Niamey
Molly Phee à Niamey

A souligner que la délégation « n’a pas pu rencontrer » le général Abderrahmane Tiani, le chef du régime militaire, selon une source gouvernementale nigérienne, mais a réussi à rencontrer tout de même, et à deux reprises, le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, nom issu de l’armée, selon les médias officiels, qui n’ont pas précisé le contenu des deux réunions.

Et dans ce contexte, le porte-parole du gouvernement nigérien, Amadou Abdel Rahman, a déclaré à la télévision nationale que: « Le gouvernement nigérien, prenant en compte les aspirations et les intérêts du peuple, décide en toute responsabilité d’annuler, avec effet immédiat, l’accord sur le statut du le personnel militaire américain et les employés civils du Département de la Défense des États-Unis » sur le territoire du Niger.

Il a tenu à souligner que la présence militaire américaine est jugée « illégale » et « viole toutes les règles constitutionnelles et démocratiques », ajoutant que les discussions ont tourné autour de la transition militaire en cours au Niger et de la coopération militaire entre les deux pays.

Selon les autorités du pays, cet accord est « injuste », et a été « imposé unilatéralement » par les États-Unis à travers une « simple note verbale » le 6 juillet 2012.

Amadou Abdel Rahman a mis également l’accent sur le fait que « l’arrivée de la délégation américaine n’a pas respecté les normes diplomatiques », soulignant à ce propos que le gouvernement américain a informé Niamey « unilatéralement » de la date de son arrivée et de la composition de sa délégation.

• L’armée américaine stationnée au Niger

Une des bases militaires américaines au Niger

Pour rappel, les États-Unis déploient au Niger plus d’un millier de soldats, stationnés dans une base située dans le nord et participant à la lutte contre les « groupes takfiri », même si leurs déplacements sont limités depuis la prise du pouvoir par la junte militaire.

Depuis l’année dernière, environ 1 100 soldats américains sont présents au Niger, sachant que l’armée américaine opère à partir de deux bases, dont une base de drones connue sous le nom de « Base aérienne 201 », qui a été construite près d’Agadez, au centre du Niger, pour un coût de plus de 100 millions de dollars.

Soldats américains au Niger

D’autant plus que ladite base est utilisée depuis 2018 pour cibler les combattants de l’organisation de Daech et du groupe affilié à Al-Qaïda dans la région du Sahel.

Il importe de rappeler que, dans un communiqué rendu public, le Département d’Etat américain a indiqué que la visite de la délégation américaine à Niamey, visait à « poursuivre les discussions entamées depuis le mois d’août 2023 » avec l’armée qui détient le pouvoir au Niger, notamment « au sujet du retour sur la voie de la démocratie et sur l’avenir de notre partenariat au Niger », dans le domaine de la sécurité et du développement.

A noter ici que Washington a suspendu sa coopération avec le Niger tout de suite après le coup d’État du 26 juillet, qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, et en décembre dernier, et s’est déclaré prêt à reprendre cette coopération sous des conditions bien précises.

• Retour sur les détails de l’accord

Bien que l’accord de coopération militaire avec les États-Unis d’Amérique ait pris la forme d’un « simple mémorandum verbal », les États-Unis comptent quand même environ un millier de soldats et disposent d’importants investissements. Ils sont confrontés, selon des observateurs avertis, à un dilemme lié à l’avenir de leur alliance de sécurité avec le Niger.

Les États-Unis ont alloué plus de 500 millions de dollars entre 2012 et 2021 pour une assistance et des équipements militaires au Niger, que Washington considère comme l’un des plus grands programmes d’assistance à la sécurité dans la région de l’Afrique subsaharienne.

Les forces armées américaines lancent des avions de reconnaissance et des drones armés depuis la base d’Agadez (nord du pays), à environ 920 kilomètres de la capitale, Niamey, et Washington utilise également Agadez pour des vols de surveillance avec et sans pilote.

Par ailleurs, l’armée américaine organise chaque année des exercices militaires appelés « Flintlock » avec diverses armées africaines.

Avant le renversement du président Mohamed Bazoum, le Niger était un partenaire de sécurité majeur pour la France et les États-Unis, qui l’utilisaient comme base d’assistance, apparemment dans la lutte contre les groupes armés dans toute la région du Sahel et même au-delà.

Après le coup d’État, la junte militaire au pouvoir au Niger a exigé le départ des soldats français, dont le nombre était estimé à environ 1 500 soldats, et a également annulé de nombreux accords militaires conclus avec Paris.

Après cela, Washington a suspendu sa coopération avec le Niger, avant de reprendre contact avec l’actuelle junte militaire. En octobre 2023, Washington a officiellement qualifié cette décision militaire de coup d’État, ce qui a conduit à la promulgation de lois américaines limitant le soutien militaire et l’aide qu’il peut fournir au Niger.

Toutefois, en décembre dernier, l’envoyée américaine en Afrique, Molly Fee, a déclaré que: « Les États-Unis sont prêts à rétablir leurs relations en matière d’aide et de sécurité si Niamey remplit certaines conditions », surtout que le Niger, le Mali et le Burkina Faso s’étaient rapprochés économiquement et militairement de nouveaux partenaires, notamment la Russie, et les derniers soldats français ont quitté le Niger le 22 décembre 2023.

• Quelles sont les pertes américaines après l’annulation de l’accord ?

En fait, le Niger possède l’une des bases de drones les plus grandes et les plus chères, celle implantée à Agadez, gérée par l’armée américaine. La base aérienne “201”, construite dans cette ville située au nord du pays, pour un coût de plus de 110 millions de dollars, et entretenue pour un coût annuel compris entre 20 et 30 millions de dollars, constitue un centre de contrôle et un pilier pour un archipel de Colonies américaines en Afrique de l’Ouest.

La base abrite du personnel de la Force spatiale, un détachement aérien d’opérations spéciales conjointes et une flotte de drones, dont des drones MQ Reaper. Elle constitue également un modèle pour les efforts militaires américains dans ce pays et dans la région au sens large.

Les responsables militaires américains affirment que la base d’Agadez était vitale pour surveiller les groupes armés, qui ont de plus en plus fait de l’Afrique plutôt que du Moyen-Orient leur centre.

Il importe de souligner que dans une précédente interview, le commandant du Commandement américain pour l’Afrique, Michael Langley, avait prévenu que si les États-Unis fermaient la base de drones, cette mesure aurait un « impact » sur le Niger et la région, ainsi que sur la stratégie américaine plus large de lutte contre le terrorisme.

Il a souligné que si les États-Unis d’Amérique perdaient leur empreinte dans la région du Sahel, cela réduirait leur capacité à mener une surveillance active et à alerter, y compris à défendre les États-Unis.

En perdant la base avancée d’Agadez, les États-Unis d’Amérique perdront une position stratégique pour défendre la sécurité nationale américaine, car l’emplacement lui a fourni une vue sur les régions de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

De même, on constate la possibilité d’une extension du phénomène d’indépendance dans la région (Afrique de l’Ouest), ce qui faciliterait l’expansion de la Chine et de la Russie et renforcerait leur position. De plus, l’annulation de l’accord ferait perdre aux États-Unis ses intérêts stratégiques multidimensionnels.

Au cours de la dernière décennie, le nombre de militaires américains déployés au Niger a bondi de plus de 900%, passant de 100 à 1 001, et le Niger a également connu la multiplication des avant-postes de colonisation américains, qui ne comprennent plus seulement la base aérienne d’Agadez, mais aussi une autre base dans la capitale, le principal aéroport commercial.

Lorsque les États-Unis d’Amérique sont intervenus sous prétexte de lutter contre le terrorisme au Niger en 2012, ils ont commencé à injecter des fonds pour lutter contre le terrorisme dans le pays, puis la situation alimentaire générale a été qualifiée de « satisfaisante » et susceptible d’être « améliorée progressivement », selon le rapport de l’Agence de surveillance de la sécurité alimentaire créée par l’Agence américaine pour les affaires internationales.

Néanmoins, en 2022, on a estimé que 4,4 millions de Nigériens ont souffert d’une grave insécurité alimentaire, un nombre record et une augmentation de 90 % par rapport à 2021, et les crises sécuritaires, le terrorisme et les attaques des organisations armées au Niger et dans la région du Sahel dans son ensemble se sont aggravées, ce qui démontre l’échec des efforts américains déclarés pour préserver la sécurité des peuples de ces pays, les défendre contre le terrorisme et faire perdre progressivement à Washington sa présence.

• Et la Russie dans tout cela ?

Lors d’une visite du Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine en Russie en janvier 2024, Moscou a décidé d’« intensifier » sa coopération militaire avec le Niger, confronté à des groupes takfiri actifs dans plusieurs parties de son territoire.

Amadou Abdel Rahman a évoqué récemment le retour à l’ordre constitutionnel dans ce pays qui a connu un rapprochement avec ses voisins le Burkina et le Mali, également gouvernés par l’armée, ainsi qu’avec des pays comme l’Iran et la Russie.

Niamey déplore le fait que la délégation américaine se soit notamment focalisée sur les relations que le Niger entretient avec la Russie et l’Iran. « Le gouvernement du Niger regrette la volonté de la délégation américaine de dénier au peuple souverain du Niger le droit de choisir ses partenaires et le type de partenariat, à même de l’aider à mieux lutter contre le terrorisme ».

Mamadou Kiari Liman-Tinguiri ambassadeur du Niger aux États-Unis avec Joe Biden

« Les États-Unis ont décidé unilatéralement de suspendre toute coopération entre nos deux pays », a déploré le porte-parole du CNSP (Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, l’organe militaire au pouvoir).

Précisant qu’aucun accord secret sur l’uranium n’a été signé avec la Russie et l’Iran, Niamey a dénoncé « l’attitude condescendante, assortie des menaces de représailles, de la cheffe de la délégation américaine vis-à-vis du gouvernement et du peuple nigérien ».

Il faut dire que les nouvelles autorités nigériennes ont décidé de prendre une toute nouvelle trajectoire. La junte décide en outre de réviser tous les accords militaires avec les pays qui disposent de base dans le pays. Le ministère nigérien des Affaires étrangères a adressé quant à lui une correspondance officielle dans ce sens aux représentations diplomatiques des pays concernés.

« Un projet de protocole d’accord leur sera soumis pour insuffler une nouvelle dynamique à la coopération bilatérale », a poursuivi Niamey dans sa communication, sachant que les pays disposant de base militaire au Niger sont les États-Unis d’Amérique, l’Allemagne et l’Italie.

Le retrait américain pourrait donc ouvrir la porte à d’autres nations intéressées par un partenariat avec le Niger, notamment en ce qui concerne l’uranium. Des pays comme la Chine ou la Russie cherchent à renforcer leurs liens avec le Niger. De même, l’industrie des hydrocarbures au Niger est en développement. Les réserves de gaz naturel sont encore peu exploitées alors que les premières exportations de pétrole du Niger ont commencé en 2011, après la découverte de pétrole dans la région d’Agadem, située dans le bassin de Termit, dans l’est du pays. Le développement de ce champ pétrolier a été réalisé en partenariat avec des entreprises chinoises.

Ceci dit, des chamboulements seraient en vue dans les relations de coopération militaire entre le Niger et ses partenaires. Ce qui justifie la décision de Niamey..

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