Le Niger et l’Union européenne concluent d’importants accords contre la migration clandestine

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Le Niger et l'Union européenne concluent d’importants accords contre la migration clandestine
Le Niger et l'Union européenne concluent d’importants accords contre la migration clandestine

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Le Niger, ce pays situé en plein cœur du Sahel africain, qui fait face à de nombreux défis et menaces terroristes et migratoires, se serait entendu avec l’Union européenne pour trouver des solutions, notamment à la question de la migration.

En effet, conformément à la politique européenne qui met l’accent sur la « lutte contre l’immigration clandestine » et la limitation du nombre d’arrivées, l’Union européenne avait annoncé au cours du mois de juillet 2022 le lancement d’un « partenariat opérationnel » avec le Niger pour lutter contre le trafic de migrants, comme l’un des les principaux passages pour les Africains avant leur arrivée en Libye, où des traversée de la Méditerranée vers les côtes européennes sont actives, en particulier l’Italie et Malte.

Initiative européenne


Un migrant terré dans sa cachette

Alors que des milliers de personnes continuent de tenter de fuir l’Afrique vers l’Europe, l’Union européenne maintient sa politique de renforcement des frontières extérieures et de limitation de « l’immigration illégale », les derniers efforts européens se cristallisant dans un nouveau partenariat avec le Niger, ainsi qu’un accord qui ouvre la voie pour la coopération entre l’Agence européenne de garde-frontières, Frontex et le Niger, qui est le corridor principal pour les migrants arrivant en Europe via la Libye.

L’Union européenne a trouvé dans le Niger un partenaire important pour lui prêter main-forte dans le contrôle des « flux migratoires », dans l’objectif de tenter de contrôler les routes que les migrants empruntent sur le continent africain avant d’atteindre l’Europe.

Ainsi, la situation géographique du Niger en fait une pierre angulaire du dossier européen de l’immigration, puisque ce pays est situé au cœur du continent africain et partage ses frontières avec l’Algérie et la Libye.

Mais le désert du nord du Niger, qui forme la frontière avec la Libye, expose les migrants à de graves dangers qui les mènent parfois de vie à trépas, car les sables du désert engloutissent les corps de milliers de personnes essayant de les traverser, surtout après s’être perdus pendant des jours sans eau ni nourriture.

Réaction de la Commission européenne

La Commissaire européenne chargée des affaires intérieures, Ylva Johansson, a déclaré : « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour sauver la vie des migrants et prévenir les violations de leurs droits », mais elle a également insisté sur « le renforcement de la gestion et de la sécurité des frontières, le démantèlement des réseaux criminels responsables du trafic et l’offre de véritables alternatives économiques aux personnes en quête d’une vie meilleure à l’intérieur du Niger comme à l’extérieur ».

Toutefois, une question pertinente se pose par elle-même : Cette nouvelle coopération entre l’Union européenne et le Niger protégera-t-elle réellement la vie de ceux sont en quête de sécurisé et de stabilité dans un pays du vieux continent ?

Dans le même contexte, la porte-parole de la Commission européenne, Isabel Otero-Barderas, a confié aux médias que le mécanisme de transit d’urgence (Emergency Transit Mechanism), créé en 2017 et géré par le HCR, est le mécanisme qui permet le transfert des demandeurs d’asile enregistrés du Niger vers les pays européens qui ont accepté de les accueillir.

Concernant l’efficacité de ce mécanisme, Barderas a indiqué que jusqu’à fin février de l’année en cours, le HCR a pu réinstaller 1 352 personnes enregistrées au Niger vers l’Europe. Elle a expliqué avoir également évacué 3.313 personnes de Libye (dont la plupart vivent dans des conditions dégradées dans des centres de détention) vers le Niger et de là vers l’Europe, soulignant que cette stratégie « restera une priorité » pour cette année, et que « l’Union européenne continuera de travailler avec les partenaires de la Task Force de l’Union européenne, l’Union africaine et les Nations Unies pour assurer la poursuite des vols d’évacuation humanitaire ».

Cependant, ces chiffres restent très faibles par rapport au nombre de migrants et de demandeurs d’asile, qui continuent de traverser le désert à la recherche d’un pays sûr.

Selon les autorités d’Agadez, il est courant que des véhicules transportant des migrants tombent en panne dans le désert, que des passeurs se perdent également dans le désert ou que des migrants abandonnent par peur des postes de contrôle ou des patrouilles militaires. Certains immigrants meurent de déshydratation et de soif, et le dernier incident tragique dans le désert s’est produit le 30 juin dernier, lorsque les autorités ont révélé que les corps de dix migrants avaient été retrouvés près de la frontière avec la Libye.

Des politiques qui augmentent les actions des passeurs plutôt que de les affaiblir ?

Le représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a estimé quant à lui que ce nouvel accord permettra « d’améliorer les structures de gestion des frontières et de réprimer les trafiquants d’êtres humains, les passeurs et ceux qui cherchent à profiter du sort des migrants (hommes, femmes et enfants) ».

Cependant, des organisations non gouvernementales critiquent l’approche de l’Union européenne sur la question des migrations et la tiennent pour responsable de la situation actuelle et des drames humanitaires survenus dans le désert du Sahel au Niger.

De son côté, Federica Infantino, une chercheuse au Migration Policy Center, considère que ces politiques ont un impact négatif sur les migrants : « Lorsque le franchissement de certaines frontières est plus difficile, les migrants sont tenus de faire des trajets plus longs, plus difficiles et donc plus dangereux et plus chers, tout en les affaiblissant ».

Sauf que la Commission européenne souligne l’importance du contrôle aux frontières, accusant les passeurs d’être responsables des tragédies sur la route migratoire. « Le renforcement de la présence de l’État dans les zones fragiles et le contrôle des frontières ferait également partie de la coopération », a déclaré Barderas, ainsi que « le renforcement des capacités de respect des droits de l’homme par les forces de sécurité et de défense”.

Nouvelle coopération avec l’Agence européenne des frontières « Frontex »


Des migrants sauvés pris en charge par Frontex

Lorsqu’il est question de renforcer les frontières extérieures de l’Union européenne, l’Agence européenne « Frontex » est l’acteur le plus important dans ce domaine. Bien que le Niger ne partage aucune frontière avec l’Europe, Frontex a annoncé dans la semaine du 18 au 24 juillet dernier avoir conclu un accord de coopération avec des responsables nigériens.

La cérémonie de signature a eu lieu lors de la visite officielle à Bruxelles du ministre nigérien de l’intérieur, Hamadou Adamou Souley, qui avait précédemment tenu une réunion bilatérale avec la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson. Frontex et la mission de renforcement des capacités de l’Union européenne au Niger ont signé un nouveau partenariat de gestion des frontières, c’est ce qu’a annoncé « Frontex » dans un communiqué publié le vendredi 15 juillet.

Revenant de nouveau sur le sujet, Borderas a indiqué que « Frontex peut, en principe, aider les autorités nigériennes à renforcer une gestion efficace et intégrée des frontières, à faciliter le franchissement légal des frontières tout en luttant contre la migration irrégulière et la criminalité transfrontalière ». Mais elle a souligné entre-autres que le déploiement des forces de Frontex et sa mise en œuvre sur le terrain nécessite la conclusion d’un accord international entre le Niger et l’Union européenne.

La chercheuse Federica Infantino note que le nouvel accord avec le Niger « renforce le concept de criminalisation des passeurs » et se concentre sur les aspects pratiques liés à « la police des frontières et la lutte contre les passeurs, en référence à l’amélioration des conditions de vie des migrants potentiels dans le pays et à la poursuite de la des campagnes de sensibilisation visant à changer les décisions (des immigrés) concernant le départ ». Mais elle insiste encore en soulignant que « les réseaux de passeurs ne sont pas responsables des mouvements migratoires, mais plutôt que la migration est un phénomène naturel et complexe ».

A propos du budget alloué

Barderas a révélé que pour la période entre 2021 et 2027, le budget alloué pour soutenir le Niger est de 195 millions d’euros, destinés à plusieurs réformes, notamment l’aide à la stabilisation, la gestion des finances publiques, l’éducation et le développement du secteur privé, en plus de la gestion de l’immigration et des déplacements forcés par les autorités nationales et locales.

Elle a ajouté que plusieurs programmes sont en cours pour promouvoir le développement économique et des moyens de subsistance alternatifs pour les personnes impliquées dans la contrebande.

Néanmoins, la coopération entre l’Union européenne et les pays tiers pour contrôler l’immigration suscite les inquiétudes de la chercheuse Federica Infantino, qui estime que les politiques de l’Union européenne ont un impact direct sur la politique intérieure du pays concerné et son traitement des migrants, et elle met aussi en garde contre la possibilité accrue d’utiliser les migrants comme facteur de pari dans la politique étrangère vis-à-vis de l’Union européenne ou d’autres pays africains.

A noter qu’auparavant, la traversée du Niger par les migrants était considérée comme un événement ordinaire dans le nord du pays, jusqu’à ce que le pays, sous la pression européenne, a commencé à renforcer les contrôles aux frontières et à promulguer des lois en 2015 criminalisant le trafic de migrants et soumettant les accusés à des peines de prison pouvant aller jusqu’à 30 ans. Les autorités ciblent en particulier les transferts de migrants à Agadez, alors même que la ville est située à 1 100 kilomètres de la frontière libyenne.

Dans le même contexte, le Niger a ouvert un nouveau centre d’accueil, en l’occurrence « le Centre Yaware », le 19 août 2022, qui est destiné aux personnes touchées par les intempéries et les migrants traversant le pays, ainsi que les migrants bénéficiant du programme de retour volontaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui passeront quelques jours au centre avant de retourner dans leur pays d’origine.



Cette nouvelle institution a été inaugurée le vendredi 19 août, à environ 10 km de la capitale nigériane, Niamey, par le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation du Niger, Hamadou Adamou Souley, en présence de Mme Louise Aubin, Ambassadrice de l’ONU, résidente et coordinatrice humanitaire au Niger, et SE. Ikkatai Katsuya, Ambassadeur du Japon au Niger.

Par ailleurs, chaque année, entre juin et novembre, le Niger subit des inondations massives qui détruisent les zones résidentielles. Les victimes sont souvent hébergées dans des écoles et des bâtiments gouvernementaux, ce qui empêche les enfants d’aller en classe. Les autorités estiment que 4 000 personnes pourront bénéficier de ce centre tous les ans.

De son côté, Peter Kiwi, chargé de programme à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Niger, a expliqué que « Cela permettra aux écoles de fonctionner normalement, en plus d’héberger ces personnes dans de meilleures conditions pendant trois mois maximum ».

Il a affirmé également que ce centre couvre une superficie de 15 kilomètres carrés et contient 500 lits répartis en 10 dortoirs, dont sept pour femmes et enfants et trois pour hommes. Des sanitaires, des espaces de repos, des cuisines, des bureaux administratifs et un dispensaire sont également disponibles.

« Le Niger est au centre des enjeux migratoires »

Et comme déjà noté le ministre nigérien de l’Intérieur, Hamadou Adamou Souley, le pays a enregistré cette année « plus de 70 000 personnes touchées par des catastrophes naturelles », et a dû faire face à l’effondrement de « nombreux logements et infrastructures ».

Souley a également relevé que « le Niger est au centre des enjeux migratoires en tant que pays de départ, d’accueil et de transit des migrants ». Selon lui, l’Etat « enregistre des cas de départs de migrants vers des pays d’Afrique du Nord et d’Europe, ainsi que des migrants en transit qui traversent notre pays vers d’autres destinations, et des réfugiés fuyant l’insécurité dans leur pays pour trouver asile au Niger, sans parler des migrants qui ont l’intention de retourner dans leur pays ».

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