Le Niger, pas entièrement satisfait de la stratégie française, se rabat sur le Nigeria

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Le Niger, pas entièrement satisfait de la stratégie française, se rabat sur le Nigeria
Le Niger, pas entièrement satisfait de la stratégie française, se rabat sur le Nigeria

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Le Niger, que la France a trouvé comme « chaussure à son pied » pour prendre le relais à ses voisins, poursuit la mise en œuvre de la stratégie française de repositionnement sur le territoire nigérien, après que Paris ai mis fin à l’opération militaire Barkhane dans la région du Sahel africain, et que l’attention se soit tournée vers le Niger pour devenir « le principal point focal de la nouvelle stratégie française dans la région » au lieu du Tchad ou du Mali.

C’est sur la base de cette vision, que le poids militaire des autorités françaises au Sahel est passé de la capitale tchadienne, N’Djamena, et du Mali, à la capitale nigérienne, Niamey, devenant ainsi comme quartier général.

On peut d’ailleurs affirmer, dans ce contexte que, comme preuve de ce changement de stratégie française au Sahel, le président du Niger, Mohamed Bazoum, a été le seul parmi les dirigeants du Sahel (Tchad, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Niger) à avoir participé au sommet virtuel du Sahel depuis Paris, et ce, aux côtés du président français Emmanuel Macron.

D’ailleurs, récemment, la Chambre des représentants du Niger a accepté d’autoriser le déploiement des forces françaises sur son territoire, pour le cadre de la lutte contre les groupes terroristes, ce qui pose un nouveau défi à la Russie qui espère étendre son influence sur l’Ouest du Sahel africain, aux dépens de Paris.

Des analystes politiques estiment que Paris tente de bloquer la présence russe au Sahel, devenue forte, notamment au Mali, où le groupe armé russe « Wagner » est devenue fortement actif dans un certain nombre de pays africains, tels que la République du Centrafrique et le Mali.

Commentant la décision prise par le Parlement nigérien, le Premier ministre du Niger, Ouhoumoudou Mahamadou, a déclaré que la Chambre des représentants avait accepté de conclure de nouveaux partenariats qui « n’affectent en rien la souveraineté sur le territoire national », et a attribué cette démarche au fait que son pays est « presque encerclé » par des groupes terroristes et extrémistes armés.

Pour rappel, le Parlement a pris sa décision par 131 voix « Pour » et 31 voix « Contre », sur un total de 166 députés, et que les partis de l’opposition y ont apposé leur « NIET ».

Certes, la France tente ainsi de restaurer son rôle dans la région, après sa sortie du Mali, qui est désormais contrôlée par des éléments armés du groupe Wagner, avec le soutien total du Conseil militaire malien au pouvoir, dirigé par le colonel Assimi Goïta.

Les mêmes analystes politiques, dont le Mauritanien Didi Ould Salek, Directeur du Centre maghrébin pour les études stratégiques, ont affirmé que les organisations terroristes profitent des faibles capacités militaires dans la région du Sahel et se propagent au-delà des frontières.

Ould Salek a ajouté que le déclin du rôle français dans certains pays du Sahel a donné aux groupes terroristes le sentiment d’imposer un contrôle sur ces zones, notant que l’organisation terroriste al-Qaïda contrôle la région des trois frontières, située entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso.

Que vient faire le Nigéria dans ce « processus » ?


Signature de l’accord entre le Niger et le Nigeria

Par considération aux derniers évènements vécus, on s’aperçoit que le Niger a accepté la nouvelle stratégie de la France au Sahel africain, alors qu’il n’en est pas entièrement satisfait, et on a constaté également que le Niger a tenu au renforcement de ses relations avec le Nigéria, qu’il qualifie de garantie militaire et politique pour assurer la sécurité et la stabilité.

L’Etat nigérien ne semble pas confiant dans la réussite de la nouvelle stratégie que la France a développée après le retrait de ses forces du Mali, qui ne se contente pas de sa présence au sein du nouveau bloc alternatif à la force conjointe du Sahel, mais tend également à diversifier les moyens et les partenariats en prévision des pires scénarios possibles avec l’expansion de l’activité des groupes djihadistes.

Il ne nous échappe donc pas qu’au moment où Niamey saluait la restructuration des alliances dans la région sahélo-saharienne, qui s’était traduite par l’accueil des forces de l’opération Barkhane qui se retiraient du Mali pour renforcer leurs capacités défensives face aux attentats terroristes déchaînés, le président nigérien Mohamed Bazoum renforçait en parallèle sa coopération avec le Nigeria, afin de bénéficier de ses expériences et de ses capacités, et neutraliser des ailes des factions terroristes en ouvrant un dialogue avec elles dans le cadre de la politique des « mains tendues ».

De ce fait, on s’aperçoit entre-autres que la France a restructuré sa stratégie au Sahel africain en remplaçant son implication militaire directe par un réseau de conglomérats entre agents régionaux dirigé par le Niger, et cela a été récemment ratifié par le Parlement nigérien alors que l’opposition l’a rejeté, et le Nigeria a été inclus dans l’alliance, le Mali ayant été exclu.

Et sur la base d’un accord avec Niamey, Paris a redéployé ses forces retirées du Mali au Niger, et un certain nombre d’entre elles pourraient se diriger vers le Tchad et la Mauritanie, sachant que leur nombre varie entre 2 500 et 3 000 soldats français.

Retour sur les craintes du Niger


A la recherche d’une garantie sécuritaire et politique pour le Niger

Cette évolution de la stratégie française n’a pas dissipé les craintes du Niger, qui est le pays le plus pauvre du monde et est menacé par d’énormes dangers quant aux activités des groupes terroristes dans la région, qui se déplacent eux aussi dans le but de se repositionner, en étalant et en relevant le plafond de leurs objectifs compte tenu des transformations et évolutions récentes des cartes de concentration et de déploiement des forces françaises.

Bien que la France ne se soit pas complètement retirée de la région du Sahel africain et ait conservé une partie de ses forces au Niger, ce dernier se trouve confronté à des défis existentiels liés à sa capacité ou non à gérer sa sécurité régionale et à préserver l’entité de l’État ainsi qu’à protéger le système politique existant, qui sont des contextes qui ne peuvent compter sur des situations changeantes et des politiques qui se transforment selon les calculs des puissances internationales.

Le président nigérien Bazoum craignait que la nouvelle stratégie française au Sahel africain ne subisse d’autres transformations vers une plus grande réduction de sa présence militaire, et comme la France s’est retirée du Mali, elle pourrait se retirer également du Niger à l’avenir, ce qui exposerait son pays à des menaces sécuritaires extrêmes s’il est abandonné seul et sans aucun soutien, face à des groupes armés.

Par conséquent, il a présenté son approche pacifique avec certaines factions armées et la tendance à former une force opérationnelle interarmées multinationale dans le lac Tchad, en plus de saluer le retrait des forces françaises du Mali.

Dépendance vis-à-vis du Nigéria

Cette politique, née des craintes de voir les groupes extrémistes armés reprendre confiance après le retrait français, reflétait l’intention du président nigérien de s’emparer de nombreux outils et alternatives pour faire face au dilemme du terrorisme et ne pas marcher sur une seule ligne, alors qu’il envoie aux groupes terroristes, avec lesquels il a ouvert une porte à la paix et au dialogue, le message clair qu’à travers la coopération avec la France et le Nigeria, il n’est pas faible et en cas de manquement à ses promesses et engagements, il est prêt pour les choix de la force et de la guerre .

Le Nigeria étant le principal acteur de la mise en place de la force opérationnelle interarmées multinationale dans la région du lac Tchad, il possède la plus grande économie d’Afrique, ce qui a poussé le président du Niger, fin mars dernier, à appeler à la mise en place d’une force militaire régionale conjointe avec elle pour combattre le terrorisme et établir la stabilité dans le Sahel africain.

La dépendance du Niger au partenariat et à la coopération avec le Nigéria est due à la volonté de bénéficier de ses expériences et de ses capacités sécuritaires dans la lutte contre les éléments de Boko Haram et dans la tentative de répliquer ce modèle dans la région du Sahel, où le Niger fait face à des menaces sur ses frontières occidentales frontalières avec le Burkina Faso et le Mali de la part de Daech en Afrique de l’Ouest et d’autres groupes fidèles à Al-Qaïda.

Il faut reconnaître aussi que le Niger souffre d’un avant-poste terroriste à sa frontière sud avec le Nigéria, situation dans laquelle il a fait des progrès tangibles dans la coopération avec Abuja contre Boko Haram, au sein de la force opérationnelle conjointe qui les inclut avec le Cameroun et le Tchad, ce qui a poussé le président du Niger à vouloir répéter ce succès sur le front occidental.

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